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    1. VALENTIN##


VALENTIN. LES DISCIPLES, HÉRACLEON

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engendra l’Intellect, voûç. L’Intellect est égal et semblable à celui qui l’a émis. Seul il peut contenir la grandeur du Père. On l’appelle aussi le Monogène, le Père, le Commencement de toutes choses. Avec l’Intellect, a été émise la Vérité ; et voilà la primitive tétrade pythagoricienne, l’origine première, ce qu’ils appellent aussi la racine de toutes choses : c’est l’Abîme et le Silence, l’Intellect et la Vérité. » Cont. hier., i, i, col. 446 sq. La suite des productions se développe à peu près pour Ptolémée comme pour Valentin. Lorsque le monde sensible a été créé par le Démiurge, qui est sorti lui-même de la substance animée, sous l’influence d’Achamoth, il faut délivrer ceux qui, dans ce monde, sont susceptibles de l’être, c’est-à-dire les psychiques. « Le rédempteur a l’apparence de la matière (la matière est incapable de salut) ; il est constitué réellement d’un élément animal, d’un élément spirituel et de Jésus Sauveur. Toutefois, le Sauveur n’est descendu dans le rédempteur qu’au moment du baptême ; il est remonté au plérôme au moment de la comparution devant Pilate, emmenant l’élément spirituel et laissant souffrir l’élément animal (psychique) revêtu de son apparence matérielle. A la fin des temps, Achamoth complètement épurée deviendra l’épouse du Sauveur et conduira les spirituels dans le plérôme ; le Créateur prendra sa place dans la hiérarchie des êtres, entouré des animaux qui auront observé la loi morale ; la matière enfin disparaîtra dans un embrasement général en même temps que les hommes matériels qui n’auront pas réalisé leur fin. » A. Dufourq, Saint Irénée, p. 44.

La Bible fournit à Ptolémée les arguments indispensables. Nous avons déjà vii, à propos de la lettre à Flora que Ptolémée ne craint pas de rechercher le sens typique ou allégorique. Saint Irénée signale de nombreuses applications du principe : « Tout n’a pas été dit ouvertement — tout le monde ne comprend pas la gnose ; c’est d’une manière mystérieuse que le Seigneur a révélé ces choses, dans les paraboles, à ceux qui sont capables de comprendre. Ainsi les trente éons sont indiqués par les trente années pendant lesquelles le Sauveur n’a rien fait en public et par la parabole des ouvriers de la vigne… La dodécade d’éons émise (par l’Homme et par l’Église) est signifiée par les douze ans qu’avait le Seigneur lorsqu’il a discuté avec les docteurs de la Loi et par le choix des apôtres qui étaient douze. Les dix-huit éons qui restent sont révélés par les dix-huit mois qu’il aurait vécus avec ses disciples après sa résurrection d’entre les morts. Mais ce sont aussi les deux premières lettres de son nom, l’I et l’H qui indiquent avec clarté les dix-huit éons, et les dix éons sont indiqués de même par l’I qui est la première lettre de son nom ; c’est même pour cela que le Seigneur aurait dit : Un seul iota, une seule lettre ne tombera pas jusqu’à ce que toutes ces choses soient accomplies. » A. Dufourcq, op. cit., p. 45. Ces exemples suffisent à montrer l’ingéniosité avec laquelle Ptolémée et ses disciples utilisent l’Écriture sainte. Ils n’ont évidemment pas de peine à trouver des arguments avec de tels procédés, mais il faut rappeler qu’ils ne sont pas les inventeurs de la méthode et qu’en l’appliquant ils ont procédé de la même manière que leurs contemporains.

b) Héracléon. — La vie d’Héracléon est aussi peu connue que celle de Ptolémée. Clément, Stromat., IV, ix, t. viii, col. 1281, l’appelle le plus illustre représentant de l’école de Valentin. Origène, In Joa., ii, 14, laisse à entendre qu’il a été parmi les amis, les familiers du maître. Aux environs de 228, il utilise son commentaire sur saint Jean. Vers 200, Clément cite un de ses ouvrages. Hippolyte le cite dans le Syntagma contre les hérésies. Un peu plus tôt, saint

Irénée mentionne son nom, Cont. hær., II, iv, 1. Ses relations avec Valentin ne peuvent guère être moins anciennes que 150. On peut donc regarder le troisième quart du iie siècle comme le temps de son activité et croire que celle-ci s’exerça surtout à Rome, bien qu’on ne puisse pas affirmer son origine romaine. Celle de ses œuvres qui est la plus connue est un Commentaire de l’évangile de saint Jean, qu’Origène a lu avec attention et à quoi il a attaché une grande importance, puisqu’il a tenu à en citer de larges passages et à réfuter à leur occasion les doctrines exposées dans ce travail. Il est possible qu’il ait également expliqué l’évangile de saint Luc, car Clément cite sous son nom un passage qui commente Luc, xii, 8-11. La tendance caractéristique d’Héracléon, telle qu’elle ressort des fragments conservés par Origène, est l’importance qu’il donne à la vie morale. Sans doute, nous sommes loin d’avoir conservé toute son œuvre, même si, comme il est possible, il n’avait commenté que les dix premiers chapitres de saint Jean. Mais nous en connaissons assez pour être certains qu’elle était tout entière orientée vers les préoccupations morales, beaucoup plus que vers les spéculations métaphysiques. Origène n’aurait eu aucune raison, semble-t-il, pour laisser systématiquement de côté les passages relatifs au plérôme, aux syzygies etc., s’ils avaient été nombreux et explicites. Il semble bien qu’Héracléon, tout en acceptant, avec des modifications plus ou moins profondes, la métaphysique valentinienne n’y ait pas attaché la même importance que son maître, à moins qu’il n’ait pas voulu, dans un ouvrage destiné à la publication, trahir des secrets et livrer aux profanes le mystère de la gnose. En fait, nous ne pouvons juger Héracléon que par les fragments que nous en possédons. Tout le reste n’est qu’hypothèse assez vaine. Le passage cité par Clément est particulièrement curieux ; il se rapporte à la confession de la foi : « Il faut distinguer écrit Héracléon, entre la confession qui consiste dans la foi et dans la vie et celle qui se fait de vive voix. Cette dernière est celle que l’on fait devant les autorités. La plupart des gens n’en connaissent pas d’autre. D’après eux, c’est la seule confession. C’est une erreur. Les hypocrites aussi peuvent confesser de cette manière. Cette affirmation même du vulgaire n’est pas universellement vraie. Les bienheureux, maintenant assurés de leur salut, n’ont pas tous avant de mourir, fait la confession de vive voix. C’est le cas de Matthieu, de Philippe, de Thomas, de Lévi et de beaucoup d’autres. La confession verbale n’est qu’un cas particulier de la confession en général. Celle-ci … se manifeste par des œuvres et des actes qui sont la conséquence de la foi qu’on a en Jésus. Cette confession implique l’autre, la particulière, celle qu’on fait devant les magistrats, s’il le faut, si la raison le prescrit. » Stromat., IV, ix, loc. cit. Ces remarques sont assurément fort belles. Il est peut-être utile d’ajouter qu’elles ne sont pas particulières à Héracléon et que, sans peine, on trouverait chez Clément lui-même et chez Origène une doctrine semblable. Le commentaire sur saint Jean mériterait d’être étudié de près. Il nous montrerait en Héracléon un esprit aussi clair et aussi positif d’une part, mais en même temps aussi subtil pour la découverte des allégories que celui de Ptolémée. C’est ainsi qu’Héracléon accorde son attention aux moindres détails du texte ; il en explique avec grand soin les nuances et il en discute à l’occasion les diverses leçons. Mais il ne faut pas s’y tromper. L’attention qu’il porte à la critique textuelle n’a pas pour but la restauration des leçons originales. Elle vise uniquement la signification symbolique des moindres détails. D’un bout à l’autre, l’évangile de saint Jean doit per-