Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/478

Cette page n’a pas encore été corrigée
2485
2486
VALENCIA. DOCTRINES, L’AME HUMAINE


penser et d’aimer ! Sans doute notre âme incarnée rencontre-t-elle ici-bas des obstacles : ces obstacles n’atteignent pas son être intime et, bien exploités, l’aident au contraire à se mieux tremper. Ibid., col. 1295-1297.

De son affinité native avec tout le réel résulte, pour notre âme, cet indestructible appétit de parvenir enfin à connaître et à aimer si bien toutes choses qu’elle y trouve son entière satisfaction, son bonheur. Appétit stimulant, impérieux, conscient, constant, qui serait inintelligible, donc inexistant, s’il ne pouvait être enfin satisfait. Or, ce plénier vouloir-vivre, ce désir naturel-élicite de bonheur ne pourrait jamais être satisfait si, de par notre âme à tout le moins, nous n’étions personnellement immortels. Ibid., col. 1297-1300.

Passant, en troisième lieu, à l’agir propre de notre âme, Valencia constate qu’il vise, cherche ou atteint, en toute réalité particulière, son essence intime, sa place ou son rôle au sein des êtres, sa destination ou, pour ainsi parler, sa vocation : bref, son absolue valeur d’être. Visée qui nous prend, recherche qui nous absorbe, aboutissement partiel qui nous réjouit le cœur et y déploie l’amour. À cet absolu même de notre agir ne contribue aucunement la sensibilité organique. Elle peut donc s’user sans que, pour autant, s’use en rien l’intimité ontologique de cet agir, partant de son principe radical qui est l’âme. Suivi dans son dynamisme objectif, il la révèle incorruptible en soi. Étroite, il est vrai, est sur terre la liaison extrinsèque de notre agir pensant et voulant avec le sensible et le corps. Mais, note Valencia, « ce n’est pas l’âme qui emprunte au corps de quoi subsister, c’est elle qui lui fournit le nécessaire ». Il entre en décadence pour autant que diminue son don vital et, s’il cesse, c’est lui qui meurt. Combien vraie aussi et réconfortante cette observation : debilitato corpore contingit operaliones intellectuelles esse perfecliores ; id quod indicio est, eas minime dependere a corpore… Unde Job, xii : In antiquis est sapienlia et in multo tempore prudentia ! Ibid., col. 1300-1303.

Considérant ensuite, au sommet de notre agir spirituel, cette liberté d’arbitre ou de choix personnel qui le fait dominer l’universel déterminisme des activités irraisonnables et se porter vers notre fin dernière, G. de Valencia en déduit la transcendance de l’âme. Car rien de ce qui est corruptible et se corrompt jieu à peu n’est marqué de ce cachet personnel. Si^ne révélateur d’une vie assez spontanée pour survivre à la dissolution du corps, parce que puisée à un principe naturellement immortel. Uu libre agir découle, chez tout adulte complet, le sens du devoir moral, toujours austère et parfois exigeant jusqu’à commander l’héroïsme. Or, le devoir sera mieux rempli s’il est appuyé à l’espoir efficace d’une immortelle sanction de bonheur à mériter, ou à la crainte d’une immortelle sanction de malheur à éviter. Dépourvu de cet adéquat stimulant l’homme libre se trouverait, par rapport à sa destinée, seul insuffisamment armé. Les êtres inférieurs, en effet, sont efficacement conduits à leur but par la force du déterminisme. Ibid., COL 1303.

Afin de parachever son exposé doctrinal, G. de Valencia recourt à Dieu : à sa bonté et à sa justice. A sa bonté qui n’a pas créé, naturellement Immortelles, nos âmes pour un jour les livrer au néant. A sa justice qui doit récompenser chacun selon ses œuvres. Puisque, dans la vie présente, manque cette justice adéquate, la vie future doit pourvoir. Ibid., <ol. 1304 1307.

2. Simplicité il connaissance.

a) Simplicité. — Comment distinguer, entre elles et l’Ame, nos facultés.’Problème fertile en opinions. Pas de distinction réelle,

d’après Scot et maint nominaliste. Pour saint Thomas et Denys, la distinction est réelle. Constatant le manque de preuve apodictique, Valencia opterait volontiers pour une distinction d’aspects divers dans un seul et même principe de vie. Constitués par les facultés et leurs actes, ces aspects consisteraient en un déploiement multiforme de l’âme elle-même. C’est cette théorie qui paraît le mieux rendre le sens des textes augustiniens, notamment De Trinilate, t. X, c. xi. Tout bien pesé, néanmoins, Valencia se rallie à l’opinion de saint Thomas. Comme ce maître il admet, sous les vocables « intellect agent » et « intellect passif », une réelle dualité de fonctions : celui-là imprimant activement le déterminant intelligible, celui-ci en recevant l’empreinte et l’exprimant. Avec saint Thomas et comme Suarez, Valencia accorde à l’intelligence le primat sur la volonté : ici encore, rien que des vues de l’esprit, pas de certitude.

b) Connaissance. — Formé par abstraction spontanée des éléments matériels et individuants du donné sensitif et dégagement des caractères intelligibles, le concept ouvre notre intelligence et lui fournit son principal objet direct. Mais, du même coup, celle-ci se crée une idée concrète des objets conçus abstraitement. Ni leur matérialité ni leur singularité ne s’y opposent. Puisqu’il a sa mesure d’être, le singulier matériel a sa valeur intelligible. Nihil enim impedit quominus eadem species ulroquc modo naturam reprœsenlet, nempe ut abstractam a conditionibus indiuiduantibus, et ut indiuiduam ac singularem. Ibid., q. vii, punct. 1, col. 1378. Grâce à cette intellection abstraite et concrète tout ensemble des êtres matériels, l’on peut expliquer ces jugements intellectuels par lesquels nous attribuons des « universaux » à des sujets concrets. En admettant une intellection directe de ces sujets, G. de Valencia se montrait bon psychologue.

Montant de notre connaissance intellectuelle des corps à celle de notre âme, Valencia se montre frappé, dès l’abord, par la masse des textes inspirés d’Aristote, où saint Thomas paraît méconnaître toute connaissance propre de l’âme par l’âme, du moins dans son état d’union avec le corps. Il ignore ces autres textes thomistes, inspirés de saint Augustin, où il aurait pu appuyer sa propre doctrine. Cf. Archives de l>hilosophie, t. vi, cahier 2, p. 51-114. C’est en croyant se séparer de saint Thomas qu’il écrit les lignes fermes que voici :.Serf videtur probubile quod etiam in hujus vilæ statu, anima ipsa, et potentiiv, et habitas, et aclus ipsius intelligantur per suam cnlitalem sine alia specie. Commentaires, disp. VI, q. vii, punct. 2, col. 1380. Dans l’acte même d’abstraction intellectuelle et dans tous ceux qui s’ensuivent, notre âme, naturellement accordée à connaître tout ce qui se présente à elle intelligiblement, se saisit comme sujet connaissant le réel extérieur. En cette perception expérimentale de soi elle trouve de quoi former et fonder une métaphysique de l’esprit humain, de l’esprit en soi, partant, de l’être comme valeur pure et de l’Esprit divin. Après avoir reproduit le texte suivant d’Augustin : Mens ergo ipsa sicut corporearum rcrum notifias per sensus corporis colligit, sic incorporearum per semetipsam ; ergo et semetipsam per setpsam novit., De Trin., t. IX, c. iii, Valencia poursuit : Manifeste enim Augustinus vult, ideo quoque animam se per setpsam cognosrere, quia non ex sensibilibus colligit speciem et notitiam sut ; ut palet ex antithesi, quant 1). Augustinus ibi insliluil inler modum, quo anima cognoscil res corporeas. ri incorporeas. Ibid., col. 1380.

Pourquoi l’Ame se connaît-elle sans autre déterminant que soi ? Voici : anima est imita eum intellcctu ut naturale sabjectum, et quasi origo rjus ; qui modus unionis… est… major quant modus quo objeelum