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VALENCIA. DOCTRINES, LA TRINITÉ


prescience du rt’fus définitif de coopérer. Cette prescience donnée, l’impénitence est certaine tout en restant libre, et certaine la damnation. Sans elle, l’acte de réprobation impliquerait l’hérésie calviniste du salut impossible aux réprouvés, du Christ mort pour les seuls prédestinés Ibid., col. 543.

Résumant toute sa doctrine, Valencia décompose et formule en ces termes l’acte divin éternel de prédestination et de réprobation : « 1° Éternellement, Dieu a vu non seulement les natures de tous les hommes, mais aussi leurs péchés, qui relèvent de l’ordre naturel ; 2° comme ils ne pouvaient eux-mêmes satisfaire pour l’odense faite à la majesté divine, il leur a, in prédestinant le Christ, préparé un rédempteur ; 3° en prévision et en conséquence des mérites du Christ, il a voulu conférer à tous des secours suffisants, voire le plus souvent abondants, de grâce, secours leur permettant de se sauver par le Christ rédempteur, voulant ainsi de son côté (à savoir par volonté antécédente) le salut de tous ; 4° ceux qu’il a vus devoir mourir en état de grâce, soit par coopération personnelle au secours divin soit par le baptême, il les a miséricordieusement prédestinés ; mais les autres, ceux qui ont manqué à la grâce ou auxquels a manqué le baptême, il ne les a pas favorisés du bienfait de la prédestination mais, à raison des péchés actuels ou originel dans lesquels il a prévu qu’ils mourraient, il les a justement réprouvés. » Ibid., col. 54Ô-546.

Rappelant ensuite la conformité de cet ensemble doctrinal avec l’enseignement de saint Augustin et de saint Thomas, Valencia fait observer que, si Augustin omit souvent de recourir aux formules apaisantes que comporte sa théorie, c’est par suite du but poursuivi : établir, contre les pélagiens ou les semipélagiens, la nécessité de la grâce. Ibid., col. 546-548.

Rien avant la publication du t. I er des Commentaires théologiques, les thèses du théologien d’Ingolstadt étaient, sur ce problème capital de la prédestination et de la réprobation, suivies avec attention par la Compagnie. Dès 1583, il y eut une censure qui fut soumise elle-même à l’examen du P. Torrès. Le résultat en fut favorable à Valencia. En 1592, à propos de six propositions tirées de ses Commentaires et taxées de désaccord avec le Ratio studiorum, il écrivit au P. Aquaviva une lettre où, après avoir proclamé le caractère humainement augustinien du Ratio, il montrait aisément comment les propositions qu’on avait « relevées dans son livre » ne lui « étaient réellement pas contraires, puisqu’il soutenait que, par rapport à la prédestination, il n’y a de notre part ni cause, ni raison, ni condition proprement dite ». Le Rachelet, Prédestination et grâce efficace, t. i, p. 17 et, ibid., Documents.

Dieu un et trine.

Valencia en vient au Dieu

un et trine, mystère révélé et objet de foi ne relevant en un sens, c’est-à-dire quant aux certitudes, que du pur théologien. En ce sens privilégié, disons-nous, car, ainsi que saint Augustin l’a su faire dans les huit premiers livres du De Trinitate, il appartient toujours au théologien philosophe d’approfondir de son mieux, sans prétendre jamais aboutir à une démonstration apodictique du mystère, ses analogies ou harmonies naturelles.

Valencia commence par rappeler ici ses Libri quinque de Trinitate de 1586. Puis il divise son nouveau sujet en 17 questions. Disp. II, q. i, punct. 1, col. 574-575.

1. La relation.

Valencia voit, dans la relation prédicamentale, quiddam acluans et inhserens in ipso subjecto, une réalité tout originale. Ibid., col. 742. Perfection imparfaite, dans sa réalisation créée, la relation comme telle est perfection pure car elle ne s’oppose à aucune perfection supérieure incompatible : de quacumque relatione, ut in re ipsa est relalio, possum concipere perjectionem, quin immo perfectio nern simpliciler, cum non obslet ulli majori perjectioni secum incompatibili. Ibid., col. 745. Du moins aucune preuve valable n’est-elle fournie d’imperfection qui serait inhérente à la relation en soi. aucun exemple apporté d’une perfection supérieure qui serait incompatible avec elle. Ainsi, rien n’est opposé d’efficace à l’infinie perfection des relations divines : leur opposition relative les faisant compatibles ne contredit pas l’infinité de Dieu. Paternité et filiation, spiration et procession : ces quatre relations réelles, dites d’origine, idem sunt realiter quod essentia divina. Ibid., col. 748.

Comme les personnes mêmes qu’elles constituent, les relations divines opposées entre elles, paternité, filiation et procession, sont aussi, entre elles, réellement distinctes. À l’argument classique et apparemment difficile qu’on dirige contre la réalité de cette distinction, Valencia répond en montrant comment, de par sa nature même, l’Un divin transcende tout usage au niveau du créé du fameux quæ sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se. « Plus aisément, écrit-il, et plus commodément » qu’ici Cajétan ou Capréolus, nous pouvons, en accord foncier avec tous les théologiens, répondre qu’en effet l’adage vaut du « tiers qui n’est qu’un par nature mais non du « tiers » qui est par essence un et multiple. Alors, comme c’est le cas dans la Trinité divine, l’Un absolu se constituant par la trine opposition des relations personnelles réellement distinctes entre elles exclut par essence leur identité. S’ensuit-il que, sous sa forme transcendantale, le principe de non-contradiction n’est pas vrai de l’Être divin ? Au contraire, puisque cet Être fonde, en dernière analyse, tout l’ordre intelligent et tout l’ordre intelligible. Dieu n’est pas, sous le même rapport, Père, Fils, Esprit. Ibid., col. 748-752.

2. Personnalité et personne.

Une nature spirituelle concrète qui subsiste par soi et s’appartient au point de ne pouvoir être communiquée ou assumée d’aucune manière : voilà ce que l’on nomme personne. Dite aussi subsistence d’ordre spirituel, la personnalité est la perfection même d’où surgit la personne, son constitutif formel. Ibid., q. iii, punct. 1-2, col. 751754. Avec saint Thomas mais à rencontre de Cajétan, G. de Valencia enseigne que cette perfection est la plus haute de toutes : quiddam perfectissimum in tota natura. Ibid., col. 755, et I a, q. xxix, a. 3. Or, c’est cette propriété de subsister par et tout en soi qui convient au maximum à Dieu Père, Fils, Esprit..Mais, oppose Cajétan, si la personnalité était une perfection, chacune des trois personnes aurait une perfection qui manquerait aux deux autres. À aucune, réplique Valencia, il ne manque aucune perfection : nom habet illam in essentia. Ibid., punct. 3, col. 755.

Dieu créateur.

Passer de Dieu un et trine à

Dieu créateur, c’est passer d’une générosité constitutive et nécessaire à une générosité librement productrice, de l’Être aux êtres. C’est immédiatement que, sans préjudice de l’action subséquente ou concomitante des créatures, Dieu produit tous les êtres autres que lui-même. Il les produit se solo, en voulant qu’existe aussi hors de sa pensée ce qu’il comprend d’une compréhension exhaustive. C’est là créer.

Que Dieu crée tout de la sorte est vérité de foi, ensemble, et de raison. Comme le croit saint Thomas et quoi qu’en pense Henri de Gand, Aristote a connu cette vérité fondamentale. Ibid., disp. III, q. i, punct. 1, col. 932-938. Suarez, lui aussi, croyait trouver cette vérité chez Aristote. Sans doute était-ce alors chose assez communément admise dans l’École.

Dieu crée-t-il même la matière première ? Il ne la crée pas à part, mais avec sa forme substantielle, en créant le composé. Qu’en conclure ? Ceci : pure puissance par rapport à la forme qui la spécifie, la matière