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VACANT (ALFRED)

lexikon de Wetzer et Welte. L’ensemble n’était guère satisfaisant, il fallait vraiment faire du neuf. En cette fin du xixe siècle, la science catholique française s’éveillait d’un long sommeil, il était temps de montrer qu’elle pouvait aller son chemin toute seule, sans se traîner à la remorque de publications allemandes de mérite assez inégal. De conversations avec les milieux intellectuels parisiens, les éditeurs emportèrent l’impression que l’abbé Vacant était, des savants français, le plus capable de mettre à pied d’œuvre une entreprise de ce genre. Le 28 septembre 1897 une lettre très brève des éditeurs mettait l’abbé Vacant au courant des espérances que l’on fondait sur lui. Celui-ci avait-il été mis, par ailleurs, au fait de cette question, il faut le croire, car sa réponse ne tarda guère. Dès le 3 octobre 1897, il répondait : « Après avoir étudié la question pendant ces trois jours, je me suis fait un plan qui, à mon avis, rendrait le dictionnaire supérieur à tout ce qui a été fait, si, comme je l’espère, j’obtiens la collaboration des auteurs auxquels je pense. » Il subordonnait toutefois son acceptation définitive à l’assentiment de Mgr Turinaz, son évêque. Très rassuré sur l’orthodoxie d’A. Vacant, fort aussi de la compétence et de la puissance de travail du professeur de dogmatique de son séminaire, celui-ci ne pouvait qu’encourager une entreprise qui était tout à l’honneur du diocèse de Nancy.

Le plus urgent était d’arrêter, de manière au moins provisoire, l’idée directrice et le plan de la nouvelle publication-, de fixer le tout dans un prospectus à soumettre aux collaborateurs éventuels et à diverses personnalités ecclésiastiques. Plusieurs conceptions étaient possibles : l’une représentée par le Kirchenlexicon catholique de Wetzer et Welte, dont la 2e édition était en voie d’achèvement, l’autre par la Realencyclopädie für protestantische Theologie und Kirche, publiée par J.-J. Herzog au milieu du xixe siècle et dont A. Hauck entreprenait depuis 1896 une troisième édition. Le premier recueil se donnait surtout comme une encyclopédie ecclésiastique où se trouvaient traitées non seulement les questions théologiques mais les objets les plus divers du savoir ecclésiastique, jusques et y compris les questions d’art religieux. C’est la formule qui a été reprise récemment par le Lexikon für Thrologie und Kirche de Mgr Buchberger. Appliquée avec beaucoup d’acribie, elle fait de ce dernier répertoire un manuel surtout bibliographique qui permet, sur tel point donné, de théologie, de droit canonique, d’histoire et de géographie ecclésiastiques, de liturgie, d’archéologie, de rassembler immédiatement la « littérature » de première nécessité. Dans un pareil plan les questions proprement théologiques se trouvent noyées au milieu des autres et ne peuvent recevoir les développements nécessaires. La Realencyclopädie protestante était beaucoup plus strictement théologique. Non seulement les divers points de la dogmatique y étaient traités avec abondance et surtout en fonction de l’histoire, mais chacun des grands théologiens des diverses Églises protestantes y avait une notice, souvent introuvable ailleurs et permettant de fixer son rôle dans le développement des idées. À la vérité, la Realencyclopädie n’évitait pas complètement le caractère d’encyclopédie à l’usage des ecclésiastiques, qu’avait si net tentent la publication catholique. Des articles, dont quelques uns considérables, étaient consacrés aux questions de géographie ecclésiastique. On les justifiait, tant bien que mal, en les présentant surtout comme une contribution à l’histoire de la Réforme dans les divers pays,

Des deux conceptions ainsi représentées par le Kirchenlexikon et par la Realencyclopädie ce fut de prime abord la seconde qui eut la préférence d’A. Vacant. Il voyait dans le Dictionnaire avant tout un instrument de travail à l’usage des théologiens, ne fournissant pas seulement à ceux-ci les renseignements bibliographiques les plus indispensables, mais encore les données acquises de la science des dogmes, l’essentiel des preuves, l’agencement de celles-ci en une synthèse déjà élaborée. Nous avons dit plus haut comment, au fur et à mesure qu’il avançait en âge, A. Vacant se préoccupait de l’histoire de la théologie. À son estimation — et sa pensée à ce sujet s’exprime avec une lucidité parfaite dans sa correspondance — le Dictionnaire serait le moyen non pas seulement de faire connaître les résultats déjà acquis dans ce domaine, mais de faire progresser cette discipline qui, parmi les catholiques, en était encore sur trop de points à ses premiers balbutiements. Pour se lancer résolument dans cette direction il n’avait nul besoin des exhortations que, plus d’une fois, l’éditeur, se faisant l’écho de diverses personnalités ecclésiastiques parisiennes, lui faisait parvenir. Sa conception s’était mûrie depuis plusieurs années, elle allait maintenant prendre corps dans et par le Dictionnaire. Celui-ci serait, comme le porta dès l’abord son titre, l’exposé des doctrines de la théologie catholique, de leurs preuves et de leur histoire.

L’histoire de la théologie tant dogmatique que morale est encore l’histoire de tous ceux qui ont contribué à la faire, depuis les premiers Pères de l’Église jusqu’aux auteurs contemporains. Il fallait donc réserver une place non seulement aux grands noms de la théologie, mais à toute une série de dii minores, quitte à tirer, ceux-ci de l’oubli plus ou moins mérité où ils dormaient. En faire le dénombrement exact et consacrer à chacun une notice, si courte fût-elle, paraissait impossible : à relever les milliers de noms que la patience de Hurter avait catalogués dans le Nomenclator literarius, on eût perdu bien du temps et de la place. L’essentiel était que ne fût omis aucun nom de l’antiquité, du Moyen Age, des temps modernes et contemporains qui eût droit à une mention même fugitive. Pour préparer cette liste, A. Vacant usa d’un procédé tout empirique. Il avait sous la main le bref Dictionnaire des sciences ecclésiastiques de l’abbé Glaire qui lui fournissait une liste abondante de théologiens de toute valeur. Examinant sommairement chacun des vocables il retint ceux qui, à son estimation, le méritaient. Complété par d’autres recoupements, ce répertoire avait l’avantage de donner un premier squelette du Dictionnaire.

La question de la place à faire aux questions scripturaires était plus délicate à résoudre. Puisque la même maison d’édition avait commencé un Dictionnaire de la Bible, n’était-il pas indiqué d’abandonner résolument à celui-ci tout ce qui concernait l’Écriture sainte ? Mais il est des questions ressortissant aux sciences bibliques qui sont au premier chef théologiques : celles par exemple de l’inspiration de l’Écriture, de son interprétation, de son exacte délimitation (canon de l’Écriture) ; leur omission eût été inexplicable. Les divers livres de l’Écriture, d’autre part, ne devaient-ils pas être étudiés eux aussi, chacun pour soi ? Nombre d’entre eux renferment des preuves à l’appui du dogme catholique qu’un théologien ne peut ignorer ; plusieurs énoncent des prophéties messianiques importantes, qu’il convient d’étudier avec quelque détail, l’ont ceci A. Vacant le sentait avec acuité. Peut-être était-il moins sensible à un autre aspect des problèmes scripturaires. C’est à peine si, dans les milieux catholiques de son temps, on prononçait le nom de « théologie biblique », du moins ne le prononçait-on pas sans méfiance. L’idée qu’il peut y avoir une théologie de l’Ancien Testament distincte de celle du Nouveau, une théolo-