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USUItK. L’EPOQUE CLASSIQUE, LES SANCTIONS

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tique. Toutefois, l’évêque peut accorder dispense. Gl. ordin. in c. Præterea.

2. Obligation de restituer.

Puisque l’objet de l’usure est détenu injustement, la restitution est exigée par le droit naturel et le droit divin. Tous les textes qui prohibent l’usure comme un crime contre la justice et contre les Écritures affirment ou sousentendent l’obligation de restituer. Gilles de I.essines, op. cit., c. 15. Sur le sens du mot, cf. Laurent de Rodulphis, op. cit., fol. 17, n. 33.

Le problème de la restitution des usures donna lieu à de nombreuses décisions œcuméniques, Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 5, 11, 12, 13, 14, 17 et 18, et à des explications doctrinales de grande ampleur, dès l’ouvrage de Robert de Courçon. Saint Antonin lui consacre un titre entier de sa Somme, II a pars, tit. n. Les premiers développements sont étudiés par K. Weinzierl, Die Restitulionslehre der Frùhscholastik, Munich, 1906 (ouvrage que nous n’avons pu consulter). Avec les scolastiques, demandons-nous quels seront le bénéficiaire, l’objet, l’auteur, le mode de la restitution.

a) Bénéficiaire de la restitution. — Si l’on admet que le droit divin, contrairement au droit humain, refuse au prêteur la qualité de propriétaire, c’est Dieu, représenté par l’Église, qu’il faut désigner. Mais l’opinion commune est que l’on doit restituer à l’emprunteur ou à ses héritiers, à moins qu’il n’ait légué son patrimoine à l’Église. Robert de Courçon veut que l’on restitue d’abord aux victimes défuntes pour appliquer les deniers au salut de leurs âmes. Op. cit., p. 45. Les gains de l’usurier seront versés aux pauvres du lieu, quand ils résulteront d’une usura facti : cas du meunier qui prête au laboureur pour obtenir sa clientèle ; quand on ne peut identifier les victimes ni leurs héritiers, ou les joindre sans grands frais ; quand le débiteur néglige de récupérer. Tel est l’enseignement des canonistes. Bertachini, op. cit., fol. 323 et 325.

b) Objet de la restitution. — C’est l’objet même de l’usure ou son équivalent. Non point un multiple, comme dans le furtum ou la rapine. Gilles de Lessines, op. cit., c. 19. Si les deniers usuraires ont été convertis en immeubles, aucune difficulté au cas où ces immeubles sont entre les mains de l’usurier : il les vendra, faute d’argent liquide. Innocent III le prescrit : Possessiones vero, quæ de usuris comparatæ sunt debenl vendi, et ipsorum pretia lus, a quibus usurse sunt exlorlæ, restitui. Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 5 (Cum lu). Plus exactement, on restituera la somme extorquée : car c’est elle, non point l’immeuble, qui appartient à l’emprunteur. Saint Thomas, loc. cit., a. 3, ad 2um. L’usurier a pu faire don de ses gains illicites à un tiers qui les garde ou les emploie. Robert de Courçon, impitoyable, voulait la destruction des établissements pieux que déshonore une telle origine : ceux qui ont été consacrés ou qui sont indispensables seront estimés et l’on versera aux victimes l’équivalent des sommes données à l’Église par l’usurier. Op. cit., p. 3537. Avec plus de sang-froid, Raymond de Penafort, op. cit., § 12, pèse le pour et le contre : le Digeste, t. XLVII, tit. ii, 48, 7, déclare non-furtif le prix d’une chose furtive et le droit des décrétales, que les vices personnels sont intransmissibles, Décrétales., t. I, tit. xvii, c. 7. Mais en sens contraire, se prononcent Innocent III, au lieu déjà cité, et même le Digeste, t. V, tit. iii, 22, car il y a eu subrogation de la chose achetée au prix. Guillaume de Rennes limite cette sévérité au cas d’acquisition gratuite et met hors de cause l’acquéreur à titre onéreux de bonne foi, c’est-à-dire qui ignorait le vice de son vendeur, ou les conditions dans lesquelles il est lui-même devenu propriétaire, ou son insolvabilité.

Le sort et le calcul même des profits tirés des deniers usuraires donnaient lieu à de multiples difficultés, dont témoignent les quodlibets de Richard Knapwell, Hustache Trompette, Pierre d’Angleterre, Pierre de Trabibus. Cf. Glorieux, op. cit. Quant aux fruits des objets usuraires, on les restituera avec le principal. Les gains réalisés grâce aux deniers usuraires, par le travail de l’usurier, ne seront pas exigibles de l’emprunteur ; mais comme leur source est impure, l’Église en décidera la distribution, selon Gilles de Lessines, op. cit., c. 20.

La restitution est-elle obligatoire au cas d’usure mentale ? Robert de Courçon l’affirme, dès lors qu’une part du supplément espéré a été obtenue. Op. cit., p. 55-57. Henri de Gand, Quodlibet vi, q. xxvi, et Godefroid de Fontaines, Quodlibet x, q. xix, furent interrogés sur ce point. L’opinion commune est qu’au for de la conscience, l’usurier mental est obligé, à la différence du simoniaque. Bertachini, op. cit., fol. 327. L’usurier, ayant encaissé, peut-il retenir le nécessaire pour subsister ? Certains l’y autorisent, à condition qu’il échelonne ses remboursements au fur et à mesure des disponibilités. Robert de Courçon préfère un compromis, c’est-à-dire une diminution concertée de la créance : mais il faut que l’emprunteur accepte librement, faute de quoi mieux vaudrait réduire le coupable à la mendicité. Op. cit., p. 49.

c) Par qui doit être faite la restitution ? — En principe, par l’usurier lui-même, Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 5 (Cum tu) et ibid., tit.xii, c. 6 (Sicut dignum), § 5. L’opinion commune permet seulement à titre subsidiaire l’entremise de l’évêque.

d) Publicité de la restitution. — Pour satisfaire à la justice, il est nécessaire de restituer ; mais pour que la satisfaction soit parfaite, une certaine publicité est requise : ainsi le coupable sera humilié, le scandale réparé. Cette perfection sera requise de l’usurier notoire. Au xiiie siècle, la coutume quasi-générale est que l’on fasse la restitution après paiement des dettes et avant paiement des legs, encore que la justice exigerait, pour des raisons qu’expose Gilles de Lessines, la priorité constante pour les res ablatæ. S’il y a plusieurs créances, on réglera les plus patentes. Sont-elles également déterminées, on servira d’abord les pauvres et, au cas d’égalité de fortune, les plus anciennes. Si la restitution ne peut être que partielle, on la fera proportionnelle. Gilles de Lessines, op. cit., c. 18. La levée des peines est subordonnée à la réparation. Restitution immédiate ou promesse garantie de restitution, « faite aux personnes lésées, à leurs représentants, à l’évêque ou au curé », dans des conditions que précise le canon 27 du IIe concile de Lyon. Faute de quoi, la confession même de l’usurier ne pourrait être entendue.

3. Peines temporelles.

L’usurier est frappé d’incapacités civiles et de peines afllictives ou infamantes, qui l’excluent partiellement ou totalement de la société civile. Selon les romanistes, notamment Balde, il est infâme de fait. Cf. Mùhlebacher, Die Infamie in der Dekrelalengesetzgebung…, Paderborn, 1923 ; L. Pommeray, Études sur l’infamie en droit romain, Paris, 1937. La principale incapacité civile de l’usurier concerne les actes à cause de mort. L’usurier qui n’a point restitué est incapable de faire un testament ou un codicille. Si, après confection du testament, il promet sous caution de restituer, Jean André admet la validité du testament. Balde se contente même de l’intention de promettre, dont la mort empêcherait la réalisation. Mais s’il se borne à ordonner à son héritier la restitution, la caution qu’il prête ne revalide pas le testament. Saint Antonin, op. cit., c. ix, § 2. Intéressants consilia de Pierre d’Ancharano (425 et 429), de Frédéric de Sienne (7 et 64). Par les consilia