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USURE. L’EPOQUE CLASSIQUE. EXTENSION

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rares pays, comme le Béarn, où la législation séculière autorise d’ailleurs le prêt à intérêt. P. Luc, Vie rurale et pratique juridique en Béarn aux /l 1’et XVe siècles, Toulouse, 1943, p. 197-208.

2. Vente à crédit ou à terme.

C’est encore’Alexandre III qui condamna la vente à crédit avec augment. Des Génois, achetant des denrées qui valent cinq livres, promettent d’en verser six, à une date convenue. Le pape les tient pour pécheurs si le bénéfice est assuré. Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 6 (In civitate). Les canonistes expliquent : la livre promise en surplus est une usure de 20’. Urbain III veut que le confesseur incite les coupables à restitution, Décrétâtes, ibid., c. 10 (Consuluit nos). Robert de Courçon s’emporte avec grande sévérité contre les religieux et les marchands qu’il accuse de pratiquer couramment et avec des gains prodigieux ce genre d’affaires. Op. cit., p. 57-59. Il laisse entrevoir l’opération inverse, à savoir le paiement actuel de marchandises qui seront livrées en un temps où l’acheteur espère une plusvalue : Grégoire IX décide qu’il y a usure si la plus-value est assurée. Décrétâtes, ibid., c. 19 (Naviganti).

Les conciles du xiiie siècle rangent parmi les usures ces opérations que papes et canonistes traitent avec nuances et se référant surtout au for interne. Mac Laughlin, op. cit., p. 117-120. Saint Thomas les condamne : « Celui qui prétend vendre sa chose au-dessus du juste prix, parce qu’il consent à attendre pour le paiement le gré de l’acheteur, commet une usure manifeste, car cette attente du paiement est une sorte de prêt. D’où il suit que tout ce qu’on exige pour cette attente au-dessus du juste prix est comme le prix du prêt et tombe sous le coup de l’usure. De même l’acheteur qui prétendrait acheter au-dessous du juste prix, parce qu’il s’engage à payer avant que la marchandise ne puisse lui être livrée, prête à usure. En effet, même ce paiement anticipé est une sorte de prêt, et tout ce qu’on soustrait du juste prix n’est en quelque sorte que le prix du prêt. Mais si le vendeur, pour être payé plus tôt, consent à rabattre quelque chose du juste prix, il n’y a pas péché d’usure.’Loc. cit., a. 2, ad 7° iii, trad. Blaizot.

Ce problème de la vente à crédit lient une grande place dans les œuvres des théologiens. Il a été plusieurs fois abordé au cours des disputes quodlibétiques : ainsi Jean de Naples discute le cas du vigneron qui, au moment de la vendange, fixe le prix de son vin au cours des mois où les celliers seront vides. Glorieux, op. cit., t. ii, p. 172. Les plus pratiques des applications sont celles de l’industrie urbaine l’achat des matières textiles et la livraison des draps mi des vêtements soulevaient des difficultés de détermination du juste prix et de paiement, des tensions cuire artisans et capitalistes, que les interdits canoniques ont dramatisées, tout en stimulant la recherche île solutions opportunes, Cf. A. Doren, op. cit., p. 134136, el l’exemple concret donné par le même auteur dans ses études sur VA de délia lana.

3. Vente simulée.

Il est possible que la prohibition du mort-gage ait suscité la simulation de vente. Un diocésain de I’olignano. ayant besoin d’argent, feignit de vendre des maisons et des oliveraies à un capitaliste, qui promit de restituer au boul d’un délai (le sept ; i neuf ans. moyennant une gomme à peine i la moitié du juste prix. Le pape Innocent III. ((insulté, reconnut dans ce pseudo-réméré, une fraude

i la loi
il sous entendait un emprunt garanti par un

c ; an< récompensé par des intérêts et pal les fruit s. soit

une combinaison d’usure et de mort-gage. Décrétâtes. I. III. tit. xvii. e. 5 (Ad noslram noveris). Une autre décrétale du même pape relève les raisons de présumer

l’usure : stipulation d’un excédent, estimation des

fruits, antécédents du vendeur. Décrétâtes, t. III, tit. xxi, c. 4 (Illo vos).

L’insistance des conciles, les discussions des docleurs, les formules de procédure donnent à penser que la pratique des ventes simulées survécut à toutes les réprobations. Mac Laughlin, op. cit., p. 115-117. Mlle fît l’objet, dans la seconde moitié du xve siècle, d’un traité de Barthélémy Cæpolla, De contractibus simulatis, dans Tractatus uniuersi juris, t. vii, fol. 215, et de la méfiance obstinée d’un jurisconsulte réputé, à l’égard des rémérés et des pactes commissoires. Cf. P. Ourliac, Droit romain et pratique méridionale au Ai 1’siècle. Etienne Bertrand, Paris, 1937, p. 183-187.

4. Prêt maritime.

Le droit romain avait permis au prêteur qui accepte les risques du transport maritime des deniers prêtés la perception d’une forte usure. Tel était encore le principe dans les villes méditerranéennes au xiie siècle. Goldschmidt, Handbuch des Handelsrechls, Stuttgart, 1891, p. 347-352. Les notaires génois désignent ce contrat comme un mu.tu.uin. fin réalité, il s’agit de trois types spéciaux de prêt, généralement conçus in fraudem usurarum. Calvin B. Iloover, The Sce Loun in Genoa in the twcljth Centurg, dans Quarlerlij journal of Economies, t. xl, 1925-1926, p. 495-529.

Dans une décrétale célèbre, Grégoire IX condamne ces opérations, qu’il s’agisse de transport maritime, ou terrestre. Décrétâtes, t. V, tit. xix, c. 19 (Nauiganti). Le texte est certainement authentique. G. -G. Coulton, An Episode in Canon Law., dans Hislorꝟ. 1931, p. (377(i. Les commentateurs ont eu beaucoup de peine à l’expliquer. Mac Laughlin, op. cit., p. 103-104 ; I..-A. Senigallia, // prestito a cambio maritlimo medioevale, dans Atli del Convegno…, 1931. p. 192 sq. La seule explication valable nous paraît être celle de la glose ordinaire : le pape interprète rigoureusement le principe que toute superabundantia — même fondée sur le risque — est usuraire.

5. Mohatra.

Au xive siècle, apparaît en Italie la pratique de la vente à terme avec revente immédiate pour un prix moindre : la différence constitue l’usure. (Test le contractus mohatra’, d’origine arabe, que l’on appelle aussi scrocco, barocco, relrangolo, ciavanza, rompicollo. E. Bussi, Contractus miihalnv, dans Rivista di sloria del diritto italiano, t. v, 1932. p. 192-519. Il donnait lieu à critique, mais la condamnation pontificale ne devait pas se produire au cours de notre période.

0. Société sans risques.

Dans une société où l’un apporte le capital, l’autre son travail, les gains ne peuvent être réservés au seul bailleur de fonds. Y at-il encore usure, dans une telle société, quand les profits sont partagés, mais le capitaliste exonéré de risques ? Hostiensis, suivant la leçon d’Albéric, le nie, celle exonération, étant pnrter naturani sucielatis. Gollredus avait soutenu l’avis contraire et Panorinitanus le suit : le principe de fraternité, qui informe la société, exige égalité des risques, toute stipulation divergente est contra naturam. Mac Laughlin. op. cit.. p. 101-111."). Voyez les controverses relatives ; i la société dans Ambroisc de Yignate. op. cit., a. 102 sq.

7. Change sec. Le cambium, nécessaire pour le règlement international, intercitadin, sert en bien des cas à masquer l’usure. De véritables contrats de muluum se forment, sous le prétexte d’un change, de véritables usures sont prélevées : canonistes et théo logiens s’accordent généralement a condamner cette fraude. C. Nicolini, Sludi stunci sut pai/liern eam biario, Milan. 1930, p. 56 59. Saint Antonin, op. cit.. c. vi. § 2 : « Des changeurs font des changes que l’on appelle camhin sicca, ml libras grossorum, per Venetos, Mais il s’ugit d’un mutuum, avec intention fondaincn