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URBAIN V


L’initiative malencontreuse prise subitement par le pape s’expliquait par le dessein généreux d’organiser non plus la conquête des Lieux saints, devenue chimérique, mais une guerre défensive contre les invasions ottomanes, et subsidiairement de débarrasser la France et la Provence des bandes de soudards qui les infestaient. N’avait-il pas prêché lui-même la croisade et donné la croix aux rois de France et de Chypre ? La sainte entreprise se trouva irrémédiablement coinpromise par la mort de Jean II le Bon, qui avait reçu le titre de capitaine général. Pierre de Lusignan partit seul en campagne contre le Soudan d’Egypte, et prit Alexandrie le 10 octobre 1365. Ses prouesses restèrent sans lendemain et compromirent plutôt l’avenir. Une bulle du 25 janvier 1366 annonça la conclusion d’un pacte entre Louis roi de Hongrie, Pierre de Lusignan et les hospitaliers en vue de chasser les Turcs de Romanie. Rinaldi, Annales ecclesiastici, an. 1366, § 1-2. Jean V Paléologue reçut avis que le moment était venu de réaliser l’union religieuse de l’Orient et de l’Occident. Cette fois encore les plans élaborés en Avignon demeurèrent vains par la faute du roi de Hongrie qui ne visait qu’à s’agrandir aux dépens de la Serbie et de la Bulgarie. Bien autrement féconde fut l’expédition d’Amédée VI, comte de Savoie, qui aboutit à la prise de Gallipoli, le 23 août 1366. Les perspectives d’union devinrent plus certaines. Une ambassade byzantine vint à la cour pontificale. Des laborieux pourparlers qui furent tenus à Home à partir du mois d’octobre 1367 sortit la décision capitale qu’une visite personnelle de l’empereur grec au chef de l’Église latine s’imposait. Le transfert de la papauté des bords du Rhône sur les rives du Tibre portait déjà ses fruits les meilleurs. Pour l’accomplir Urbain V avait dû déployer une rare fermeté de caractère. Aux Romains qui l’avaient sollicité de revenir parmi eux, il avait répondu, le 23 mai 1363, que cela ne tarderait pas. Actuellement « des empêchements de la plus haute importance » s’opposaient à la réalisation de ses desseins. Il exprimait le vœu que « le Très-Haut lèverait tous les obstacles ». Les objections ne manquaient pas à un retour en Italie : c’étaient d’abord les troubles qui agitaient ce pays, puis la répugnance des cardinaux à quitter la douce Provence et surtout l’opposition très nette du roi de France. En septembre 1366, la conclusion de la paix avec Barnabe Visconti et la pacification « lu reste de l’Italie opérée par le cardinal Albomoz aplanissaient toutes difficultés. D’autre part, les incursions des grandes Compagnies à proximité du Cotntal Venaissln rendaient précaire le séjour en Avignon. Des ordres furent donnés d’aménager la forteresse de Viterbe jugée inexpugnable, sans doute afin que la cour pontificale y trouvât un sûr abri en attendant que les jardins du Vatican fussent remis en culture et les palais pontificaux restaurés. A. Tbeiner, Codex diplomaticus domina temporalis Sanctm Sedis, Borne, 1862, t. ii, doc 382, 408, 413, 416-419. Quand (.harles V apprit qu’Urbain V préparait son départ, il lui envoya une ambassade solennelle pour le prier d’j surseoir. Le pape ne se laissa pas fléchir, quoiqu’il n’eût pour soutien que son frère Anglic et Philippe

de Càbassole.

Des Incidents tragiques marquèrent le séjour de la COUr pontificale à Yiterbe où elle était parvenue le U juin 1367. Au cours d’une émeute provoquée par une cause futile, le sang coula dans les rues de la ville (5 septembre). Les habitants attaquèrent les familiers des cardinaux, puis bientôt ceux-d mêmes. Le pape fut assiégé dans la citadelle. Le 13 septembre, la

révolte est enfin réprimée, el i rbaln V peut songer- à gagner Rome sous la protection d’une nombreuse escorte. Cf. Albanès-Chevalter, Actes anciens, p. 07.

A Rome d’importants événements eurent lieu tels que le couronnement de l’impératrice (1 er novembre 1368) et la canonisation d’Elzéar de Sabran (15 avril 1369). Le plus mémorable fut la conversion de Jean V Paléologue, empereur de Constantinople. L’abjuration s’effectua dans la chambre supérieure de l’appartement occupé par le cardinal Nicolas de Besse à l’hôpital San-Spirito en présence de quatre cardinaux, le 18 octobre 1369. Fn plus de la profession de foi imposée à tous les schismatiques orientaux, on exigea d’abord « l’engagement de rester fidèle à la foi » de l’Église romaine, puis l’abjuration explicite du schisme. Toutes précautions furent prises pour que l’acte impérial constituât une acceptation intégrale de la doctrine romaine relativement aux litiges existant jusqu’à ce jour entre Rome et Byzance ; la primauté du pape fut. en particulier, clairement définie. Bien plus, une seconde chrysobulle signée par l’empereur écarta la moindre trace d’ambiguïté : elle sti pula que par Église romaine il fallait entendre celle » que dirigeait actuellement le pape Urbain V et qu’avaient dirigée les pontifes romains, ses prédécesseurs, ainsi que le comprenaient les chrétiens catholiques habitant les pays occidentaux ». Ces formules révèlent comment la cour pontificale connaissait parfaitement les subterfuges dialectiques dont usaient les Grecs, qui s’appelaient * Romains > et regardaient leur Église comme » catholique ».

Le 21 octobre, la proclamation publique de la conversion du basileus fut l’occasion d’une grande cérémonie religieuse célébrée à Saint-Pierre par le pape. Elle ne pouvait promouvoir l’union de l’Occident et de l’Orient qu’à la condition que les sujets impériaux imitassent leur maître. Or, Urbain V nota que, dans la suite de Jean Paléologue, ne figurait aucun représentant de la noblesse, de la ville de Constantinople et du clergé grec. Cette abstention l’inquiéta grandement. Afin d’assurer le succès final, il comprit que tout dépendait de la solution d’une question politique, à savoir des secours que fournirait en armes et en argent l’Occident contre la menace ottomane. Dans l’impossibilité où il se trouvait personnellement de procurer les unes et les autres, il multiplia les efforts pour engager les grandes Compagnies à passer outre-mer. Mais, si quelques routiers accompagnèrent l’empereur, leur nombre fut dérisoire. Peut être Urbain V eût-il fait avancer davantage la cause de l’union, si, comme le réclamaient les orthodoxes, un synode gréco-romain avait été convoqué. Le pape opposa un refus énergique, sous prétexte qu’un conci liabule serait totalement vain et qu’il ne donnerait lieu qu’à des » discussions curieuses - et périlleuses pour la foi. Quiconque désirait éclairer ses doutes n’avait qu’à se rendre « humblement » près de lui. D’ailleurs, le Saint-Père pratiqua une méthode quelque peu périlleuse, en ne songeant qu’à organiser une Église latine dans l’Empire grec. N’était-ce pas la. de sa part, un défaut de compréhension des milieux tirées qui tenaient essentiellement à garder leurs rites’.' Urbain V entreprit une ouvre plus féconde, en organisant une propagande Intense dans tout l’Orient en faveur de l’union et en créant des centres de missions qui furent confiés surtout aux frères mineurs.

Malgré la splendeur des lot es qui égayèrent les Romains, un profond malaise régnait à la cour pontificale OÙ, depuis le départ d’Avignon, deux partis s’étaient constitués : les Italiens craignaient qu’il bain ne retournai sur les rives du Rhône, tandis que les Français l’y engageaient vivement, les uns el les autres se détestaient cordialement el échan geaient des traits venimeux dont la littérature con temporalne a gardé de nombreux exemples La correspondance de Colucclo Salutati laisse entrevoir qu’un