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URBAIN IV

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Né à Troyes, d’une famille extrêmement modeste

— son père était savetier — Jacques s’était élevé par son mérite aux plus hautes situations. Vers 1245, on le trouve déjà investi d’un canonicat à Laon, où il semblerait bien qu’il se soit formé. Un peu plus tard il est archidiacre de Liège ; c’est en cette qualité qu’il est envoyé en 1247 par le pape Innocent IV en Pologne, Prusse et Poméranie. Devenu pape, il approuvera les décisions d’un concile qu’il réunit en ces régions en 1248 et où figuraient les évêques de Gniezno, Brestau, Cracovie et celui de Cujavie. Cf. Potthast, Rcgesta, n. 18 553. Rentré en France il devient archidiacre de Laon ; en 1252 il est élu évêque de Verdun ; c’est là qu’Innocent IV va le chercher pour lui confier une légation en Terre sainte. Alexandre IV met le couronnement à cette mission en le créant patriarche de Jérusalem le 9 avril 1255. Actif, intelligent, énergique, sachant très exactement ce qu’il voulait, décidé à faire prévaloir sa volonté, le nouveau pape faisait contraste avec son prédécesseur Alexandre IV qui n’avait pas réussi, dans son pontificat de sept ans, à liquider une seule des grandes affaires qui étaient pendantes depuis la mort d’Innocent IV.

La plus importante, du moins aux yeux de la Curie romaine, était la question du royaume de Sicile. On a dit à l’art. Innocent IV, t. vii, col. 1986, comment les morts successives de Frédéric II (1250) et de son fils Conrad (1254) avaient laissé l’Église romaine arbitre de la succession. Au principe, Innocent IV avait accepté la tutelle du jeune Conradih, que son père, Conrad, lui avait confiée en mourant ; il avait institué Manfred, un bâtard de Frédéric- II, vicaire de l’Église romaine dans le royaume. Mais celui-ci n’avait pas tardé à reprendre à l’endroit du Saint-Siège l’attitude de son père. Innocent IV en avait été la victime. Alexandre IV, dès le début de son pontificat, avait donc excommunié Manfred et abandonné définitivement l’idée de mettre Conradin en jouissance de l’héritage paternel. Le royaume de Sicile étant vassal du Saint-Siège, il était loisible au pape, pensait-il, d’en donner l’investiture à qui bon lui semblerait ; les circonstances paraissaient, d’ailleurs’, justifier l’exhérédation des descendants de Frédéric II. La Curie revenait ainsi à une idée qu’avait déjà caressée Innocent IV, avant que l’acte de Conrad l’eût fait tuteur du jeune Conradin : chercher dans les familles royales d’Occident un cadet assez ambitieux pour désirer une couronne, assez énergique pour conquérir celle-ci de haute lutte. Innocent avait pensé soit à Charles d’Anjou, frère de saint Louis, soit à Richard de Cornouailles, frère du roi d’Angleterre Henri III, soit à l’un des fils de ce dernier, le jeune Edmond. On revint à l’idée de la candidature anglaise sous Alexandre IV, mais avec mollesse ; rien n’était décidé, encore que des négociations eussent été engagées, quand ce pontife mourut.

Urbain IV allait mener l’affaire avec beaucoup plus de résolution. Il fallait d’abord écarter Conradin ; plusieurs prélats allemands s’intéressaient à la cause de cet enfant, en qui ils voyaient un candidat possible soit pour la couronne Impériale, soit tout au moins pour le trône de Sicile. Ils sont vigoureusement rabroués. Voir Potthast, op. cit., n. 18 347, à Fbcrhard de Constance ; n. 18 348, à W’crner de Mayence (les deux lettres du’. « juin 1262). En même temps, après une tentative de réconciliation avec.Manfred, qui

manquait départ ri d’autre de sincérité, on commence

le procès de celui-ci ; le Il novembre 1262 une cm clique annonçait a la chrétienté que [’ex-prince de Tarente on évitait de lui donner le titre de roi, bien qu’il se fiil f ; iil ronronner à Païenne en août 1258 avait été. le jour du jeudi saint, cité à com paroir pour le 1 er août devant le pape ; qu’il avait demandé des sûretés, mais qu’on l’attendait toujours, encore que des assurances très précises lui eussent été faites. Potthast, n. 18 428. Un an plus tard une autre encyclique constatait que la citation n’avait pas encore produit d’effet, lbid, , n. 18 709. Au fait le pape n’attendait rien de cette procédure judiciaire. Dès avril 1262, Urbain exposait à Jacques, roi d’Aragon, qui avait cherché à interposer sa médiation, les raisons pour lesquelles il était impossible à l’Église romaine de se réconcilier avec le soi-disant roi de Sicile, lbid., n. 18 283. Dès ce moment aussi un agent du pape, le notaire pontifical Albert, déjà mêlé aux négociations d’Innocent IV avec la France, était à la cour de saint Louis, dont il essayait d’arracher le consentement à la candidature de Charles d’Anjou. Ce n’était pas chose aisée. L’équité du saint roi se révoltait à la pensée que l’on pût priver un orphelin innocent ci’un héritage qui lui revenait de droit ; sa prudence s’alarmait aussi de ce que après avoir fait des ouvertures à la cour d’Angleterre, l’on abandonnait ce projet et l’on se rabattait sur un prince français. Dans une longue dépêche adressée à Maître Albert (fin de 1262), le pape exposait les arguments qu’il fallait développer pour vaincre les scrupules du roi : « Que le roi se rassure, écrivait Urbain IV, nous ne voulons pas mettre son âme en péril ; il doit penser que nous et nos frères les cardinaux nous sommes aussi soucieux de notre salut qu’il l’est du sien et que nous n’entendons pas dans cette affaire offenser Dieu. » lbid., n. 18 440. Les scrupules du roi de France furent finalement levés ; s’il n’approuva jamais expressément l’entreprise, il la toléra ; on lui fit croire sans doute qu’elle pourrait être avantageuse à la cause de la croisade contre les infidèles à laquelle il pensait toujours. En fin de compte il autorisa le cardinal de Sainte-Cécile, Simon de Brie, le futur Martin IV, à prêcher en France la croisade pontificale contre les gibelins de Sicile et à faire lever sur le clergé les subsides destinés à couvrir les frais de l’expédition. Sur cette légation de Simon de Brie, nombre de pièces au registre (début de mai 1264) : n. 18 891, commission à Simon, de prêcher la croisade contre Manfred ; 18 871-18 887, pouvoirs divers accordés au légat ; 18 889, lettre de recommandation pour saint Louis.

! Dans l’entretemps Maître Albert avait négocié avec Charles d’Anjou au sujet des conditions qui étaient

mises, de part et d’autre, à l’offre et à l’acceptation de

la couronne de Sicile. Cf. ibid., n. 18 567 sq. (17 juin

1 1263 : projet de traité envoyé à Albert ; le texte dans Guiraud, Les registres d’Urbain IV, t. ii, p. 269-270) ; 18 576 ; 18 579 (fin juin 1263) ; nouvelles conditions mises par Charles. 18 768 ; 18 773 (janvier 1261). Le pape inféoderait à Charles le royaume de Sicile, et les pays en deçà du détroit, moins Bénévent. Cet Étal formerait un tout indivisible, pour lequel le souverain paierait un cens annuel de 10 000 onces d’or. Aussitôt maître du royaume, il verserait à la Chambre apostolique une somme de 50 000 marcs d’esterlins ; ferait tous les trois ans, au pape, l’hommage symbolique d’une haquenée blanche. Le droit de succession serait limité à la ligne directe. Pour ce qui était de l’Église sicilienne, le pape stipulait la liberté absolue des élections ecclésiastiques et les privilèges d’exemption d’impôt et de for dans toute leur étendue ; l’abolit ion de la régale. Bief l’Église romaine entendait reprendre le haut domaine en Sicile. Des mesures étaient pré vues en faveur de la population sicilienne : rappel des bannis, restitution de leurs biens. Institution de commissions pontificales qui connaîtraient des lili^cs. routes précautions étaient prises pour que jamais ne pût se rétablir cette union du royaume avec l’empire. qui avait, depuis la fin du nme siècle, causé tant de