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il ne faut pas passer sous silence le chancelier, dont le rôle, d’abord prépondérant, s’effaça progressivement jusqu’à devenir purement honorifique. A Bologne même, il n’y eut jamais de chancelier et les droits de ce personnage, exception faite de la réception des nouveaux docteurs, étaient exercés par les facultés elles-mêmes.

Dans ses débuts, l’université parisienne eut pour chancelier celui même de l’Église de Paris ; ou plutôt, selon le mot du P. Denifle, < l’université se fonda sans chancelier ». On peut ajouter que sa croissance et son développement coïncident avec les victoires qu’elle remporta sur ce personnage. À dire vrai, l’université de Paris connut deux chanceliers : celui de Notre-Dame, qui dès avant la fondation de la corporation, accordait les licences d’enseignement aux maîtres qui s’établissaient dans la cité, et celui de Sainte-Geneviève, dont le rôle apparaît après 1227.

La charge du premier prit de l’importance à mesure que les écoles de la Cité se multiplient et se groupent en corporations. Un privilège de Philippe-Auguste, daté de 1200, confirme la juridiction du chanoine-chancelier sur les maîtres et les écoliers, tandis qu’une ordonnance du légat pontifical (1208) réaffirmait ses privilèges, en particulier celui d’accorder la licence d’enseignement. Cf. Denifle et Châtelain, Chartularium universitatis Parisiensis (cité ultérieurement, Chartul. Paris.), t. i, n. 1 et 7. Mais il arriva souvent au titulaire d’excéder ses pouvoirs. De là des conflits inévitables et des plaintes qui montèrent de l’université jusqu’au pape Innocent III. Celui-ci, tout comme son successeur Honorius III, prit généralement le parti de la corporation contre le chancelier. De nouvelles victoires remportées au cours des années 1219-1231, grâce à la faveur à peu près constante du Saint-Siège, mirent sérieusement en échec l’omnipotence du dignitaire ecclésiastique de la Cité. Ses pouvoirs furent encore davantage diminués lorsque les « artistes » commencèrent, vers les années 1219-1222, à abandonner la rive droite pour se retirer sur la montagne Sainte-Geneviève et s’installer dans la célèbre abbaye qu’avait jadis illustrée l’enseignement d’Abélard. Une partie des théologiens et des décrétistes les suivit à partir de 1227 ; ce fut alors l’abbé de Sainte-Geneviève qui conféra les licences d’enseignement dans les limites de sa juridiction. Cependant le chancelier de Notre-Dame, demeuré au berceau de l’université conservait le privilège de donner les licences pour tous les autres lieux. Bien plus, une bulle de Grégoire IX (1238) lui réserva le droit d’accorder toutes les licences dans les facultés de théologie et de décret. Celui de Sainte-Geneviève ne conférait plus que la licence ès-arts ; on l’appelait le « chancelier des arts », tandis que son rival conservait le titre de « chancelier de Paris » que lui avait donné la bulle de Grégoire IX. Ce fut en vain que les artistes tentèrent d’intriguer auprès du pape pour qu’il proclamât le recteur chef de l’université. Le chancelier en conserva le titre. Mais son pouvoir s’effrita lentement devant celui du recteur (appelé « recteur de l’université » depuis 1259), qui menait la lutte contre lui à la tête de la corporation des artistes. Alors se manifesta de plus en plus la rupture des liens qui rattachaient l’université à son passé d’école épiscopale. Elle demeurera cependant, durant de longues années encore, une institution d’Église, mais elle échappera de plus en plus à la juridiction diocésaine.

Telle fut, dans ses grandes lignes, l’organisation interne de l’université de Paris, qui servit de modèle à tant d’autres. À considérer la grande part que les étudiants avaient dans le gouvernement de la corporation, soit par eux-mêmes, soit par leurs délégués élus (et cette part était plus grande encore dans cer taines universités fondées sur le modèle de Bologne), on peut conclure que cette organisation était plutôt démocratique » : c’est là son premier caractère. Thurot, dans sa thèse, De l’organisation de l’enseignement dans l’université de Paris au Moyen Age, Paris, 1850, la qualifie d’ « anarchique », car on pense bien que tant d’élections et de si nombreuses assemblées n’allaient pas sans brigues, cabales et désordres.

Le second caractère est la tendance à l’autonomie : indépendance vis-à-vis de l’évêquc et du chancelier son représentant (à moins que celui-ci ne soit, comme à Oxford, membre de l’université) ; indépendance vis-à-vis des bourgeois et du roi.

Dans cette lutte pour l’autonomie, le soutien et même l’appui positif du Saint-Siège ne fit pas défaut aux universités, qui demeurèrent des organismes d’Église soumis au siège de Pierre ; ils le furent même à l’évêque, mais en tant que mandataire du pape.

4. Les collèges.

À l’université se rattachaient les collèges, dont il y a lieu de dire quelques mots, non pas qu’ils fassent partie intégrante de l’université (sauf ceux d’Angleterre), mais parce que certains d’entre eux participèrent à son enseignement, ou parce que d’autres acquirent, au cours des siècles, une grande célébrité, spécialement à Paris.

En face d’une multitude d’étudiants, accourus de partout dans les capitales intellectuelles en quête de savoir et de diplômes, le problème du logement et de l’hébergement se pose de bonne heure et souvent de façon aiguë. On sait que l’université de Paris compta jusqu’à 10 000 étudiants au xive siècle et qu’elle en avait encore six mille au temps de la Renaissance. Sans doute beaucoup d’entre eux étaient peu exigeants, et bon nombre s’accommodaient de vivre d’expédients. S’il faut en croire certains prédicateurs du temps, leur existence était loin d’être édifiante, surtout celle des « artistes », émigrés dans le quartier Garlande. Cf. Langois. , dans H ist.de France de Lavisse, t.m b, l. III, c. ni. Mais d’autres étudiants étaient moins à leur aise et, parmi ces « pauvres clercs », certains étaient dans une grande misère. St. d’Irsay, Hist. des universités, t. i, p. 158-160. La charité du Moyen Age leur vint en aide et créa pour eux des maisons de refuge où ils trouveraient un abri et du pain : ce furent les collèges.

Au début ce furent des hôtels meublés, où les étudiants pauvres étaient reçus gratuitement, comme « boursiers ». Mais le nombre de ces asiles augmentant (on en compta plus de soixante), on finit par y admettre des écoliers payants. Bientôt on adjoignit aux collèges certaines classes préparatoires aux cours des facultés (c’est ce système qui se développa au xve siècle et donna naissance à l’enseignement secondaire). Tous les collèges se rattachaient ainsi à l’université et étaient sous la surveillance du chancelier.

Parmi les plus célèbres, mentionnons le plus ancien probablement, le collège des Dix-huit, que fonda en 1180 un bourgeois de Londres, nommé Josce, à son retour de Jérusalem ; il acheta d’abord une salle de l’Hôtel-Dieu pour y loger dix-huit étudiants pauvres. Plus tard on trouva une maison distincte où furent logés les dix-huit, et qui prit leur nom. Le collège Saint-Honoré, fondé en 1209 ne pouvait recevoir que treize étudiants. En 1257, Robert Sorbon, chapelain de saint Louis, créa un collège pour seize « pauvres maîtres ès-arts, aspirant au doctorat en théologie ». Ce fut le collège de la Sorbonne, qui finit par donner son nom à trois facultés. Cf. ci-dessus, art. Sorbonne, t. xiv, col. 2385.

Mentionnons encore, un peu plus tard, le collège d’Harcourt, aujourd’hui lycée Saint-Louis ; le collège des Cholets, aujourd’hui Sainte-Barbe ; le collège de Navarre, aujourd’hui l’École polytechnique (pavillon des élèves) ; le collège de Boncourt (Polytechnique,