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    1. UNITÉ DE L’ÉGLISE##


UNITÉ DE L’ÉGLISE. THÉOLOGIE CATHOLIQUE

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f) Bossuet. — Contre Jurieu et Basnage, furent rédigées les controverses de Bossuet. Mais la doctrine de Bossuet sur l’unité de l’Église n’est pas confinée dans ces ouvrages. C’est toute son œuvre qu’il faut consulter, pour avoir sur ce point la pensée de l’évêque de Meaux. Bossuet part de ce principe que Jésus a lui-même établi l’Église sur la confession de Pierre (Matth., xvi, 18, 19). Conférence sur la matière de l’Église. Pendant sa vie, Jésus a formé l’Église par sa doctrine ; par sa mort il lui a donné la vie ; par sa résurrection, avec sa dernière forme, il lui a donné le caractère d’immortalité. Il a d’abord choisi ses apôtres et Pierre a été mis à leur tête. Après sa résurrection, il achève l’Église en conférant effectivement à Pierre la primauté, consommant ainsi « le mystère de l’unité, par lequel l’Église est inébranlable ». Pour le jour de Pâques, 2e point (édit. Lebarq, t. vi, p. 75 sq.). Mais, voulant que son Église fût visiblement subsistante, Jésus-Christ l’a revêtue de marques sensibles. Cf. Deuxième instr. past. sur les promesses de l’Église, § 4 et 46 ; Réflexions sur un écrit de M. Claude, 9 ; Hist. des var., I. XV, passim. Il envoie ses apôtres enseigner et baptiser et leur promet d’être avec eux jusqu’à la fin du monde. Par là « l’Église, clairement rangée sous le même gouvernement, c’est-à-dire sous l’autorité des mêmes pasteurs, sous la prédication et sous la profession de la même foi et sous l’administration des mêmes sacrements, reçoit par ces trois moyens les caractères les plus sensibles dont on pût la revêtir ». Première inslruct. pastorale…, § 5 ; cf. § 4 et Conférence sur la matière de t’Église.

Bossuet développe longuement ces pensées dans ses deux Instructions pastorales sur les promesses de l’Église. Dans la seconde, § 60 et 63, il démontre l’unité primitive de l’Église à l’aide de Joa., xiii, 25 ; xvii, 21. Mais son concept de l’unité de l’Église est plus profond. Cette unité, déclare-t-il, est faite sur le modèle de l’unité divine dans la trinité des personnes. Comme les trois personnes sont « une dans le même être, dans la même intelligence, dans le même amour », ainsi les membres de l’Église sont « un dans le même être par leur nouvelle nativité, un dans l’intelligence par la doctrine de la vérité, un dans le même amour par le lien de la charité ». Sur le mystère de la sainte Trinité, exorde (n, 53, édit. cit., t. ii, p. 53). Donc, unité de foi et de sacrements, Hist. des var., t. XV, § 70, à laquelle s’ajoute l’unité de gouvernement, car la raison dernière de l’unité est « dans la personne, le caractère, l’autorité des évêques. Jésus-Christ a séparé les apôtres de tous les disciples ; puis, voulant consommer le mystère de l’unité de l’Église, a séparé l’apôtre saint Pierre du milieu des autres apôtres… L’unité implique donc l’adhésion à tout ordre épiscopal et au pape, chef de cet ordre ». Oraison funèbre du P. Bourgoing, 2- point, t. iv, p. 415-416.

Cette unité se maintient par la succession apostolique, succession qui fait que « les nouvelles Eglises ne sont pas des sociétés séparées… Elles sont apostoliques, parce qu’elles sont descendues des l’ôgliscs apostoliques ». l’our la vêlure d’une nouvelle culholique, V’point, t. i, p. 488. Et séparer la saine doctrine d’avec cette chaîne de succession, c’est séparer le n’isseau d’avec le canal. Lettre pastorale… aux nouveaux convertis de son diocèse (sur la communion pascale), § 2. À la distinction classique du corps et de l’âme de l’Église, Bossuet applique la notion d’unité : Il y a, dit-il, une double unité dans l’Eglise ; l’une est liée par les sacrements qui nous sont communs ; en celle-là, les mauvais y entrent…, à leur damnation, t ne autre unité invisible et spirituelle joint les saints par la charité… À cette unité, seuls les justes participent. Sur lu gloire de Dieu <lans la conversion des pécheurs, t-r point, t. ii, p. 73.

Mais l’unité de l’Église repose sur l’unité de l’ordre épiscopal, dont le pape est le chef. Il s’ensuit que l’Église romaine est le centre de la chrétienté, qu’on ne peut s’en détacher sans schisme et qu’elle porte en elle la marque de l’institution primitive et de l’ordre du Christ. Sur l’unité de V Eglise, 1 effet 3e point, t. vi, p. 109-110, 147 ; cf. Ré fut. du catéchisme de Ferri, l re vérité, c. i ; 2e vérité, c. i, ni. L’unité de la chaire de Pierre doit paraître dans tout le corps épiscopal et grâce à cette chaire même. Jésus-Christ l’enseigne. en donnant, d’abord à Pierre seul, ensuite aux apôtres unis à Pierre, le pouvoir de lier et de délier. Ainsi Jésus-Christ unit d’abord en un seul ce qu’il voulait dans la suite mettre en plusieurs. Sur l’unité de V Église, 1 er point, loc. cil. On sait que nonobstant cette doctrine, jusqu’ici impeccable, Bossuet a laissé paraître son gallicanisme en plaçant l’Église catholique tout entière au-dessus du Saint-Siège. Id., ibid., t. vi, p. 113. Voir Ami du clergé, 1927, p. 724-727.

On consultera aussi de l’oratorien Thomassin, Traité dogmatique et historique des moyens dont on s’est servi dans tous les temps pour maintenir l’unité de l’Église, 3 vol., Paris, 1703. Les Démonstrations évangéliques de Migne contiennent des pages utiles : P. Peltisson-Fontanicr, converti du calvinisme, Réflexions sur les différends de la religion avec les preuves de la tradition ecclésiastique, t. iii, col. 827-856 ; 865-890 (ou la foi catholique entière, ou le scepticisme, ce qui est exagéré) ; Millier, Lettres.V 17/ et XIX à Jacques Drown, t. XVII, col. 701-71 1 ; Manzoni, Observations sur la morale catholique, c. i, l’unité de la foi, t. xiv, col. 557-562 ; card. Wiseman, Conférences, iii, § 3, t. XV, col. 766-770.

g) Mœhler. — Dans la première moitié du xixe siècle, la controverse a pris, en Allemagne principalement, un aspect nouveau avec Mœhler. Son livre L’unité dans l’Église ou le principe du catholicisme d’après l’esprit des Pères des trois premiers siècles (tr. fr., Paris, 1938) entend démontrer aux protestants l’unité de l’Église en partant du principe intérieur et de l’évolution, si souvent invoqués par eux, pour justifier leur conception d’une unité sans caractère doctrinal ou social trop apparent. Mœhler montre, d’après les témoignages des Pères, ce que fut la croissance organique de l’Église. Dès le début (comme aujourd’hui encore et toujours), la communication du Saint-Esprit est la condition du christianisme. C’est par l’Esprit-Saint que se réalise « l’unité mystique » des chrétiens, unité dans laquelle le Christ se communique à nous et nous-mêmes apprenons a connaître le Christ. Cet esprit d’unité se traduit dès le début par « l’unité de l’enseignement ». Mais cet enseignement doit être l’expression idéale du christianisme et, par conséquent, la parole écrite ne saurait être comprise sans l’Esprit qui l’a dictée. En interrogeant les origines, Mœhler observe que le christianisme s’est propagé par une parole vivante : tradition extérieure qui, en découvrant au fidèle la vraie doctrine, lui apprend à se réunir à la communauté des autres fidèles. D’où il apparaît qu’Écriture et’tradition tiennent ensemble et ne doivent pas être séparées. Cette unité de renseignement est néces saire à l’union au » vrai » Christ. Tous ceux qui ont revendiqué une fausse liberté d’investigation ont été obligés, pour justifier leur altitude, de rejeter ou de tronquer l’Écriture sainte ou tout au moins de l’en pliquer sans l’esprit de l’Église, (.’est la source de l’hérésie, dans laquelle s’enlise la » multitude s ; ms unité. Tout au contraire, l’Unité qui est à la source de la

vérité, n’empêche pas l’existence, dans l’Église, d’une

réelle multitude, où chacun garde son Individualité.

Si Mœhler met l’accent de préférence sur le mys

1ère d’une même vie animant les membres divers de l’organisme et semble laisser quelque peu dans l’ombre