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doutes sur l’infaillibilité de la Bible et à proclamer que c’est surtout dans la nature, dans ses grands spectacles et dans la contemplation de ses lois et de sa beauté qu’il convient de chercher Dieu, y eut-il grand émoi chez les vieux unitariens. Parker fut exclu de la plupart des chaires unitariennes. Kmcrson on l’a vii, s’en était exclu de lui-même. Il se produisit, entre 18 10 et 1850, de très vives controverses dans les journaux et les revues du Massachussets et Parker, violemment pris à partie et traité d’incrédule, se vit presque rejeté de sa propre Église. Ses partisans le soutinrent cependant et ils finirent par l’emporter. De plus en plus, il fut admis que l’on pouvait croire ce que l’on voulait dans l’unitarianisme et que l’on pouvait être en communion avec tous les croyants sincères, à quelque dénomination qu’ils appartinssent, fussent-ils catholiques romains. La tolérance d’un Channing étonna et scandalisa plus d’une fois les autres sectes protestantes, parce qu’elle s’étendait au-delà du protestantisme. « Une Église établie, disait-il, c’est le tombeau de l’intelligence. » Il ne voulait même pas du vocable d’unitarien et préférait la première appellation donnée à son Église, celle d’Église des chrétiens libéraux. Et il définissait le « chrétien libéral » tout homme « disposé à accueillir comme un frère dans le Christ quiconque, au jugement de l’amour, reconnaît Jésus-Christ comme seigneur et maître ». Mais la tolérance de Channing allait plus loin encore car il lui arriva, en 1833, de signer une pétition au gouverneur de Massachussets contre la sentence qui avait frappé le journal l’Examinateur, à la suite d’un article contenant la négation de Dieu. Channing, l’année suivante, prit fait et cause, du haut de la chaire, en faveur d’un couvent catholique qui venait d’être assailli et gravement endommagé par une émeute populaire. Vers la même époque, il saluait avec sympathie le mouvement d’Oxford et les Traités pour le temps présent de Newut an.

En sens contraire, il convient toutefois de rappeler que Parker, successeur de Channing, étant tombé malade à Rome fut transporté en toute hâte, par ses amis, à Florence, presque sans connaissance, afin de ne pas mourir à l’ombre du Vatican !

Avec Emerson, l’évolution vers le rejet de toute formule dogmatique s’achève. Il était encore unitarien, quand il écrivait, avant 1829, ce qui suit : « Il viendra une heure, dans le progrès du monde, où l’élucidation des vérités contestées de la théologie cessera de demander toute la vie et la force des pasteurs. Alors le champion de la croix pourra se détourner de la tâche ingrate, où l’on a passé si inutilement des siècles, d’arracher les voiles complexes sous lesquels les préjugés et l’erreur ont caché la vérité, et arriver enfin au rôle noble et précieux qui consiste à montrer les passages secrets mais touchants de l’histoire de l’âme. » A Memoir of Ratph-Waldo Emerson, t. i, p. 125.

C’est encore au nom de l’unitarianisme que Ralph-Waldo Emerson refuse de continuer ses fonctions de pasteur, à moins que sa congrégation ne renonce à la Cène. Et voici les raisons qu’il en donne : « C’est la vieille objection au dogme de la Trinité, à savoir que le culte véritable a passé de Dieu au Christ et qu’une telle division s’est introduite dans l’âme que nulle part on ne rend à Dieu un culte indivis. N’est-ce pas là l’effet de la Cène ? J’en appelle à la conscience des communiants et leur demande s’il ne leur est pas arrivé d’éprouver une confusion de pensée pénible entre le culte, l’adoration due à Dieu et la commémoration duc au Christ ?… On fait un effort pour garder Jésus présent à l’esprit, alors que cependant on adresse les prières à Dieu. Je crains que ce rite n’ait

pour effet de revêtir Jésus d’une autorité qu’il n’a jamais réclamée et jette une perturbation dans l’esprit de l’adorateur. » Puis faisant allusion à la diversité d’opinions admise chez les unitariens, Emerson poursuit : « Je sais que nos opinions sur la nature, le rôle du Christ et le degré de vénération auquel il a droit diffèrent beaucoup. Pour moi, je suis unit arien au point de croire que l’esprit humain ne peut admettre qu’un Dieu et que chaque effort pour présenter des hommages religieux à plus d’une personne tend à faire disparaître toute idée juste. » The Lord’s Supper, cité par M. Dugard, Ralph Waldo Emerson, Paris, 1907, p. 331 sq. Et à l’appui de son sentiment, il invoque le texte de la / a ad Corinthios (xv, 28), où saint Paul dit : « Lorsque tout lui aura été soumis, alors, le Fils lui-même fera hommage à celui qui lui aura soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. »

L’exemple qui vient d’être donné fournit la preuve la plus frappante de la faiblesse d’argumentation des théologiens unitariens même les plus illustres, tels qu’Émerson. Saint Paul dit en effet de la façon la plus formelle, dans le texte cité, que Dieu a tout soumis au Christ afin que le Christ lui fît hommage finalement de toutes choses. Il est clair qu’il s’agit ici du Christ en tant qu’homme. Il est clair aussi que c’est Dieu même qui exige qu’un culte soit rendu au Christ, puisqu’il lui a tout soumis.

Sans entreprendre ici une démonstration du fait de la révélation du dogme de la sainte Trinité, on ne peut que se trouver surpris de la condamnation sans appel portée par Emerson contre le dogme chrétien de la divinité du Christ. Parlant aux étudiants de théologie protestante, à l’université américaine de Cambridge, il disait, en 1837 : « Le christianisme historique est tombé dans l’erreur qui corrompt toutes les tentatives pour répandre la religion. Tel qu’il se montre à nous, tel qu’il s’est montré pendant des siècles, il n’est pas la doctrine de l’âme, mais une exagération de ce qui est personnel, rituel. Il s’est appuyé et s’appuie avec une exagération dangereuse sur la personne de Jésus. L’âme ignore les personnes. Elle invite tout l’homme à se répandre jusqu’aux confins de l’univers et ne veut avoir d’autres préférences que celles de l’amour spontané… Mais, grâce à cette monarchie orientale qu’est le christianisme, monarchie qu’ont édifiée l’indolence et la peur, l’ami de l’homme est devenu nuisible à l’homme. La manière dont on entoure son nom d’expressions qui furent jadis des élans d’admiration et d’amour, mais qui sont maintenant pétrifiées en titres officiels, tue toute sympathie généreuse et toute affection. Tous ceux qui m’entendent savent que le langage qui décrit le Christ à l’Europe et à l’Amérique n’est pas celui de l’amitié et de l’enthousiasme pour un cœur bon et noble, mais est exclusif et formaliste, représente un demi-dieu, comme les Orientaux ou les Grecs représenteraient Osiris et Apollon. » An Adress to the Senior Class of in Divinitg Collège, cité par Dugard, op. cit., p. 41-42.

Pour les unitariens, ce langage, qui fit scandale et souleva une tempête de protestations dans le reste du monde protestant, n’était qu’une version nouvelle de l’unitarianisme d’un Lindsey et d’un Priestley. Le premier n’avait-il pas accusé l’Église chrétienne d’idolâtrie ? Le second n’avait-il pas publié, en 1803, en Amérique, un parallèle entre Jésus et Socrate dont l’idée seule était significative ?

De plus en plus donc, les unitariens devaient être amenés à interpréter le rôle de médiateur du Christ d’une façon très vague et à peu près analogue à celui des prophètes anciens et modernes : o Jésus-Christ, disait Emerson, dans la même leçon aux étudiants.