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    1. UNIGENITUS##


UNIGENITUS. LITTEHATl’HE AUTOUR DE LA MULI.K

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leur opposition à la bulle sur le fait que les propositions y sont condamnées en bloc, in globo, sans aucune qualification particulière, en sorte qu’on ignore la note théologique qui convient à chacune. « Par cette condamnation vague et indéterminée, l’Église n’indique ni les erreurs qu’elle condamne, ni les vérités qu’elle veut enseigner et qu’il faut croire ; cette bulle ne peut donc être dogmatique et elle ne saurait fonder une règle de foi. »

Cette forme de condamnation n’est pas inouïe, comme semblent l’insinuer certains jansénistes. L’Église l’a souvent employée. C’est sous cette forme qu’elle a condamné les neuf propositions de Pierre d’Osma, le 4 août 1479, les quarante-cinq propositions de YViclef et les trente propositions de J. Hus, le 22 février 1518, les quarante et une propositions de Luther, le 15 juin 1520, les soixante-dix-neuf propositions de Baius, le 1 er octobre 1567 et le 29 janvier 1579, les soixante-huit propositions de Molinos, le 28 août et le 19 novembre 1687, les vingt-trois propositions des Maximes des saints, le 12 mars 1699.

Cette condamnation vague et indéterminée a certainement des inconvénients ; elle ne laisse pas d’avoir des avantages, surtout lorsque les propositions condamnées sont nombreuses ; le jugement global permet d’éviter des controverses inutiles, qui font naître l’inquiétude et troublent la foi des fidèles. En ne parlant pas du sens de l’auteur, de la liaison des propositions entr’elles, on évite les disputes que ces sortes de clauses font naître, comme il est arrivé, lorsque l’Église condamna les erreurs de Baius.

La condamnation générale apprend que toutes les propositions condamnées par la bulle sont mauvaises plus ou moins, de quelque manière ; il n’y a aucune des propositions qui ne mérite quelqu’une des qualifications et il n’y a aucune des qualifications qui ne s’applique à une ou plusieurs propositions. En condamnant toutes ces propositions en général, sans les qualifier d’une note particulière, le pape a montré que toutes doivent indistinctement être rejetées. Les théologiens restent libres, après cela, d’examiner les qualifications particulières de chaque proposition. Peu importe que, parmi les théologiens ou parmi les évêques, il y ait des opinions diverses à ce sujet. Il est permis de discuter dans l’Église sur les matières que l’Église laisse libres, mais il n’est pas permis de disputer contre l’Église, comme le font les jansénistes qui veulent soutenir les propositions condamnées par l’Église.

2° Objections tirées des conditions dans lesquelles la bulle a été dressée, promulguée et reçue. — Aux objections tirées de l’analyse des propositions elles-mêmes, il faut ajouter celles qui sont tirées des circonstances extérieures qui ont accompagné sa publication. Les conditions, a-t-on dit, dans lesquelles la bulle a été dressée, promulguée et reçue lui ôtent tout caractère canonique et la rendent irrecevable surtout en France.

1. Quesnel n’a pas été interrogé.

Pour connaître les intentions et les idées de Quesnel, les juges, avant de le condamner, auraient dû l’interroger. Quesnel lui-même, dans l’Avertissement à son second mémoire, se plaint de n’avoir pas été interrogé et il déclare que, malgré son grand âge et ses infirmités, il se serait rendu à Rome pour éclairer ses juges, qui auraient pu ainsi décider en connaissance de cause.

En fait, Quesnel n’a pas été interrogé en personne, mais il a publié sept mémoires et de nombreux écrits pour exposer sa pensée. D’ailleurs, il ne s’agissait pas de juger les pensées et les intentions de Quesnel, mais son livre ; or, le livre des Réflexions morales a été examiné en détail durant deux ans et le Journal de Saint-Amour avoue que l’examen du livre a été fait en de nombreuses conférences. La bulle a condamné le

livre en lui-même et les propositions qui en ont été extraites, quelle qu’ait été l’intention de Quesnel. C’est le livre lui-même qui avait à se défendre. Dès qu’il est publié, un livre commence une vie indépendante et, après la mort de son auteur, il continue de vivre, il continue à répandre le bien ou le mal. C’est pourquoi l’Église a le droit d’examiner et de condamner le livre en lui-même, pour les idées qu’il exprime ouvertement ou d’une manière voilée, et que le lecteur peut y trouver, et de condamner ces idées, si elle les juge susceptibles de troubler la foi des fidèles. En réalité, tandis qu’on examinait son livre à Rome, Quesnel n’a cessé d’écrire et d’envoyer des mémoires pour justifier son livre et les propositions qu’il contient. Et jamais il ne s’est justifié, jamais il n’a rétracté d’une manière formelle les erreurs qu’on l’accusait d’avoir exposées et défendues dans le livre des Réflexions. La conduite de Quesnel, les mémoires qu’il publia pour sa défense contribuèrent à faire découvrir la doctrine répandue dans le livre, beaucoup mieux que ne l’eût fait un interrogatoire personnel, et les examinateurs décidèrent en pleine connaissance de cause.

2. Pas d’examen avant l’acceptation.

Les évêques qui ont accepté la bulle n’ont pas, avant de l’accepter, examiné les propositions qu’elle condamnait, ils se sont contentés de la signer et n’ont pas agi en juges, qui décident, parce que, pour la plupart, ils croyaient à l’infaillibilité du pape et ils se sont interdit de juger après le pape ; ils ont accepté la bulle, les yeux fermés. Leur adhésion est nulle et leur jugement n’a aucune valeur canonique. Cela est encore plus vrai pour les évêques étrangers, dont la plupart, d’ailleurs, ont gardé le silence. Les approbations recueillies à l’étranger ont été « mendiées » par les évêques de Meaux et de Nîmes, qui « avec des calomnies atroces et grossières, n’ont cherché que des réponses favorables ». Les lettres citées n’ont aucune forme authentique et les réponses publiées n’ont aucune valeur, car elles ne supposent ni examen, ni discussion, ni jugement, parce que tous ces évêques admettent l’infaillibilité du pape et ne font qu’approuver la décision de celui-ci. Tel est le cas des évêques d’Espagne et de Portugal, qui ont, de plus, cédé aux menaces de l’Inquisition, des évêques d’Italie, qui sont prévenus en faveur des maximes de Rome, des évêques d’Allemagne, de Pologne et des Pays-Bas, qui ont accepté sans examen. En somme, beaucoup d’évêques étrangers ont gardé le silence. Ceux d’entre eux qui ont parlé, ainsi que les évêques français qui ont accepté la bulle, se sont interdit d’examiner la décision du pape et n’ont fait qu’enregistrer la bulle ; leurs suffrages n’ont pas les conditions requises pour constituer un vrai jugement. Les suffrages doivent être pesés et non comptés. Le cardinal de Xoailles, dans son mandement du 14 janvier 1719, écrit : « Trois cents évêques qui croient à l’infaillibilité du pape n’en font qu’un, quand l’Église est séparée, parce qu’ils ne parlent alors que sur la foi du pape et qu’ils n’agissent pas en juges de la foi. »

Or, les huit évêques de France, qui, à la suite du cardinal de Noailles ont opposé un refus, après avoir examiné la bulle, constituent, en réalité, la majorité, car, seuls, ils ont examiné, et leur suffrage, fondé sur un examen préalable, doit l’emporter sur celui des autres évêques, bien que ceux-ci soient les plus nombreux.

Bossuet et Nicole, dans leurs travaux contre les protestants, avaient déjà répondu à ces observations des jansénistes. Ce qui fait la règle et la loi de l’Église, c’est le consentement commun, c’est la commune prédication, de quelque manière que ce consentement et cette prédication se soient manifestés. Ce qui fait la