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Dieu et [a cupidité vicieuse, et toutes nos actions viennent ou de l’un ou de l’autre. La conclusion est que toutes les volitions et toutes les actions des hommes sont mauvaises, à moins qu’elles ne viennent de l’amour de Dieu et toutes les vertus se ramènent à la charité, sans laquelle on ne peut rien faire de bon. Dès lors, toutes les actions des infidèles et des pécheurs sont mauvaises, puisqu’elles ne peuvent procéder de l’amour de Dieu ; dès lors, les actes préparatoires à la justification, sont eux-mêmes mauvais pour la même raison. Tout cela est contraire à la doctrine du concile de Trente, sess. v, can. 7. Il peut y avoir un amour naturel, conforme à l’ordre et à la raison, et cet amour, bien que ne venant pas de la charité surnaturelle, peut n'être pas mauvais. Sans doute, il n’y a pas de milieu entre la charité habituelle et le péché mortel, mais l’homme juste peut faire des actions mauvaises et le pécheur peut faire des actes qui ne sont pas mauvais. Les actions du pécheur sont en elles-mêmes inutiles au salut, mais elles peuvent n'être pas mauvaises en elles-mêmes. D’autre part, on n’est pas obligé de rapporter toutes les actions à Dieu par un motif de charité ; c’est l’idéal ; mais ce n’est pas strictement obligatoire. Cette question de l’obligation de rapporter toutes nos actions à Dieu par un motif de charité a été vivement discutée par les écrivains jansénistes ; en particulier, dans la Lettre pastorale de Caylus, évêque d’Auxerre, 28 février 1732, et dans celle de Bossuet, évêque de Troyes, 20 février 1732, contre le mandement de son métropolitain, Languet de Gergy.

45. Amore Dei in corde 45. Quand l’amour de peccatorum non amplius re-Dieu ne règne plus dans le gnante, necesse est ut in eo cœur du pécheur, il est nécarnalis regnet cupiditas, cessaire que la cupidité omnesqiie actiones ejus cor-charnelle y lègne et corrumpat. rompe toutes les actions.

Luc, xv, 13, éd. 1693.

Si la cupidité seule règne dans le cœur du pécheur et inspire tous ses actes, il suit que toutes les actions du pécheur sont des péchés : il pèche même quand il prie, même quand il se prépare à la justification, puisque, jusqu'à ce qu’il ait recouvré la grâce, c’est la cupidité vicieuse qui seule inspire tous ses actes. Thèse condamnée par le concile de Trente et chez Baius (prop. 38 et 40). La charité habituelle, qui justifie l’homme, est la condition nécessaire des actes méritoires du salut ; sans elle, on peut encore faire quelques actions bonnes, non méritoires du salut, et ces actions, avec le secours de la grâce actuelle, permettent au pécheur de se disposer à la justification. Il est faux de dire que la cupidité corrompe toutes les actions, dès que la charité ne règne plus dans le cœur. L’amour des créatures dont parlent les Pères, et qui règne dans le cœur du pécheur n’est pas nécessairement la cupidité vicieuse, qui ne peut faire que le mal ; c’est souvent un simple mouvement vers la créature, et non point un péché.

46. Cupiditas aut charitas 46. La cupidité ou la chausum sensuum bonum vel rite rendent l’usage des sens malum faciunt. bon ou mauvais. Matth., v,

28, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est fausse, dans le sens où la prend Quesnel : il prétend qu’il n’y a qu’un seul bon usage des sens, celui qui procède de la charité parfaite ; c’est pourquoi les infidèles ne pourraient faire qu’un mauvais usage de leurs sens, parce qu’ils n’ont pas la charité. Un chrétien qui détourne ses yeux d’un spectacle dangereux, qui ferme ses oreilles à une calomnie, qui mortifie sa chair par d’autres motifs que la charité, par exemple par crainte de l’enfer, ferait un mauvais usage de ses sens. L’espérance ne pourrait pas rendre bon l’usage des sens.

47. Obedientia legis profluere débet ex fonte, et hic Ions est charitas. Quando Dei amor est illius principium interius et Dei gloria, ejus finis, tune purum est quod apparet exterius ; alioquin non est nisi hypocrisis, aut falsa justitia.

47. L’obéissance à la loi doit couler de source, et cette source c’est la charité. Quand l’amour de Dieu en est le principe intérieur, et sa gloire, la liii, le dehors est net ; sans cela, ce n’est qu’hypocrisie ou fausse justice. Matth., xxiii, 26, éd. 1693 et 1699.

La proposition affirme que l’obéissance à la loi n’est qu’hypocrisie ou fausse justice, lorsque la charité ou l’amour de Dieu n’en est pas le principe et la gloire de Dieu la fin. C’est la proposition 16 de Baius et les propositions 9, 10, 15 condamnées par Alexandre VIII, Dès lors, la crainte que le concile de Trente recommande comme préparation à la justification n’est qu’hypocrisie et fausse justice. Obéir à la loi, parce qu’il est conforme à la raison de le faire, par crainte de se damner ou en vue des récompenses promises par Dieu, n’est donc qu’hypocrisie. Or, tout cela est condamné par le concile de Trente. Sess. vi, can. 25 et sess. xiv, can. 5. Déjà Calvin avait dit qu’il n’y a rien de pur et de bon, au jugement de Dieu, que ce qui procède de la parfaite charité.

48. Quid aliud esse pos- 48. Que peut-on être sumus, nisi tenebræ nisi autre chose que ténèbres, aberratio et nisi peccatum, qu'égarement et que péché, sine fidei lumine, sine sans la lumière de la foi, sans Christo, sine caritate. Jésus-Christ, sans la charité?

Eph., v, 8, éd. 1693 et 1699.

Si on ne peut être que ténèbres, qu'égarement, que [léché sans la lumière de la foi, il faut conclure que tous les actes des infidèles sont des péchés. Prop. 25 et 35 de Baius et prop. 8 condamnée par Alexandre VIII. D’autre part, la foi peut être séparée de la charité ; par conséquent, le pécheur qui a perdu la charité, sans perdre la foi, ne serait que ténèbres et qu'égarement.

49. Ut nullum peccatum 49. Nul péché sans l’amour est sine amore nostri, ita de nous-mêmes, comme nulle nullum est opus bonum sine bonne œuvre sans l’amour amore Dei. de Dieu. Marc, vii, 22, éd.

1693 et 1699.

Il n’y a donc pas de milieu entre ces deux amours qui sont les principes de toutes nos actions. L’amour de soi est le principe de toutes les actions mauvaises et l’amour de Dieu le principe de toutes les actions bonnes. Dans leur généralité, ces deux propositions sont fausses. Tout amour de soi-même n’est pas un péché ; c’est seulement l’amour de soi désordonné, déréglé qui est un péché. D’autre part, l’amour de Dieu n’est pas le seul principe des actions bonnes : la justice, la tempérance, la fidélité, la foi, l’espérance, la crainte des peines, peuvent produire des actions bonnes, bien qu’elles n’aient pas l’amour de Dieu comme principe et comme motif.

50. Frustra clamamus ad 50. C’est en vain qu’on Deum : Pater mi, si spiritus crie à Dieu : mon Père, si caritatis non est ille qui ce n’est point l’esprit de clamât. charité qui crie. Rom., viii,

15, éd. 1693 et 1699.

La prière, inspirée par un motif louable, autre que la charité, peut être bonne et par conséquent il est faux que toute prière qui ne procède pas de la charité soit mauvaise et inutile ; s’il en était autrement, la prière des infidèles et des pécheurs serait vaine et inutile, et même la prière du juste, lorsqu’elle aurait un autre principe que la charité, quand même ce motif serait bon.

51. Fides justificat quando 51. La foi justifie, quand Operatur, sed ipsa non ope-elle opère ; mais elle n’opère ratur, nisi per caritatem. que par la charité ; Act.,

xiii, 39, éd. 1693 et 1699.