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TRINITÉ. L’ENSEIGNEMENT DE PAUL

moralité des païens est la punition de leur ignorance. Rom., i, 18 sq. Il faut relire ces lignes vigoureuses pour se rendre compte de la place que tient au plus profond de l’âme de l’apôtre le dogme monothéiste.

Si nous rappelons ces choses, c’est parce que plusieurs critiques ont pensé devoir expliquer par des influences païennes certaines idées de l’apôtre et jusqu’à sa foi au Christ-Seigneur. Il y a là une pure impossibilité, car jamais un homme de la trempe de saint Paul n’a consenti à faire la moindre concession au polythéisme. Entre le Christ et les idoles, il faut choisir ; l’option s’impose avec une évidence absolue ; et celui qui croit au Christ doit avant toute chose renoncer au culte des idoles pour adhérer au vrai Dieu, au Dieu unique, que connaissent et qu’adorent les Juifs.

Ce Dieu est le Père ; et il l’est d’une manière réelle, puisque nous sommes devenus ses enfants d’adoption. Nous n’avons pas à rappeler ici les enseignements de saint Paul sur la grâce : comment pourtant ne pas citer tout au moins le texte familier de l’épître aux Romains : « Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Car vous n’avez pas reçu un esprit de servitude (pour servir) à nouveau dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit d’adoption, dans lequel nous crions : Abba, Père. L’Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Si enfants, aussi héritiers ; héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être glorifiés avec lui. » Rom., viii, 14-17 ; cf. Gal., iv, 5-6.

Dieu est encore le Père par rapport à l’ensemble du monde créé : sa providence paternelle s’étend à tous les êtres raisonnables qu’il comble de bienfaits et à l’égard desquels il exerce ses miséricordes : « Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation qui nous console dans toute notre tribulation. » II Cor., i, 3-4. Tout ce qui, au ciel et sur la terre, constitue une famille n’est qu’une ombre ou un reflet de sa paternité. Eph., iii, 14.

Enfin, d’une manière unique et exclusive, Dieu est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et celui-ci est son Fils, non par adoption comme les autres hommes, mais par nature. Saint Paul revient si souvent et si clairement sur cette doctrine qu’elle ne saurait faire le moindre doute. « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né de la femme, né sous la Loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi. » Gal., iv, 4-5. « Dieu, en envoyant son Fils dans la ressemblance d’une chair de péché a condamné le péché dans la chair. » Rom., viii, 3. Évidemment, le Fils ne reçoit pas ce titre parce qu’il est envoyé ou au moment même de sa mission ; il est envoyé parce qu’il est le Fils. Il est, en venant parmi nous, né de la race de David selon la chair. Il a été déclaré Fils de Dieu en puissance par la résurrection d’entre les morts. Rom., i, 3. Cette déclaration ne change pas sa véritable nature et n’introduit en lui rien de nouveau ; c’est par rapport à nous que le Sauveur, exalté par sa victoire sur la mort, acquiert une dignité que nous ne lui connaissions pas encore. Ainsi, le Christ est-il le propre Fils de Dieu, Rom., viii, 32, son Fils à lui, Rom., viii, 3, le Fils de son amour. Col., i, 13. Dans un sens analogique et en songeant à l’esprit d’adoption que nous avons reçu, on peut dire que nous sommes les cohéritiers du Christ et que celui-ci est le premier-né entre beaucoup de frères. Rom., viii, 29. On ne saurait confondre notre filiation adoptive avec la filiation éternelle du Christ.

2o Le Christ.

Saint Paul est avant tout l’apôtre de Jésus-Christ : c’est ainsi qu’il aime à se désigner en tête de ses lettres, et l’on ne saurait exagérer le sens de cette formule. Elle ne signifie pas seulement qu’il est son envoyé et que sa mission ne lui a pas été conférée par les hommes ; elle veut dire que Jésus-Christ est le thème central de sa prédication et qu’il ne veut rien savoir, rien enseigner en dehors de lui. D’une manière plus précise, l’apôtre est chargé de faire connaître aux nations Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu. Cf. Rom., i, 4 ; I Cor., i, 9.

Nous n’avons pas à insister ici sur la christologie de saint Paul. Tous les critiques sont d’accord pour mettre en relief l’abîme qui paraît d’abord séparer le prédicateur du royaume de Dieu en Galilée, le crucifié du Calvaire, bref le Christ que nous font connaître les Synoptiques, du Seigneur devant qui saint Paul invite tout genou à fléchir. Mais, en même temps, ils sont obligés de reconnaître que saint Paul, bien loin de négliger la physionomie historique du Sauveur et les mystères de son abaissement, voit dans la croix le point culminant de l’œuvre accomplie par lui : que serait le christianisme de Paul sans la crucifixion et la résurrection ? Le mystère de la mort et le mystère de la gloire sont indissolublement liés l’un à l’autre.

Le Christ, selon saint Paul, est préexistant : à un certain moment de la durée, il vient dans le monde pour sauver les pécheurs. I Tim., i, 15. De riche qu’il était, il se fait pauvre, afin de nous enrichir par sa pauvreté. I Cor., viii, 9. Il existait donc avant ce moment, car l’état de richesse qui a précédé sa pauvreté volontaire ne peut être que le séjour du ciel ; et l’échange des richesses du ciel contre la pauvreté de la terre suppose un mode d’existence antérieur à l’incarnation. Dieu a envoyé son propre Fils, Rom., viii, 3 ; Gal., iv, 4, de l’endroit où il était, c’est-à-dire du ciel, dans le sein d’une femme, dans la ressemblance de la chair de péché : l’existence du Fils précède sa mission.

Bien plus, cette préexistence est éternelle. On connaît les textes vraiment extraordinaires des épîtres de la captivité. De la lettre aux Colossiens : « En lui, nous avons la rédemption, la rémission des péchés ; lui qui est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature, parce qu’en lui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les choses visibles et les choses invisibles, soit les trônes, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances. Tout a été créé par lui et pour lui ; et il est, lui, avant toutes choses et toutes choses subsistent en lui. Et il est la tête du corps, (c’est-à-dire) de l’Église, lui qui est le principe, le premier-né d’entre les morts, afin qu’en tout il ait la primauté ; car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude (de l’être) et par lui de réconcilier toutes choses (en les dirigeant) vers lui, pacifiant par le sang de sa croix, par lui, soit ce qui est sur la terre, soit ce qui est dans les cieux. » Col., i, 14-20.

De l’épître aux Philippiens : « Ayez entre vous les mêmes sentiments que (vous avez) dans le Christ Jésus : lui qui, subsistant en forme de Dieu, n’a pas considéré comme une proie d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti, prenant forme d’esclave, devenu semblable aux hommes ; et, reconnu pour homme par ses dehors, il s’est abaissé, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur la croix. C’est pourquoi aussi, Dieu l’a exalté au-dessus de tout et l’a gratifié du nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse des êtres célestes, terrestres et infernaux et que toute langue confesse Seigneur Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le Père. » Phil., ii, 6-11.

Ces textes sont bien connus, et leur commentaire exigerait de longs développements. À qui les lit sans parti pris, il est clair qu’ils enseignent la préexistence réelle du Christ, avant tous les siècles, et, bien plus encore que cela, sa divinité. « Le Christ est le Fils bien-aimé, nécessairement unique, disposant en cette qualité du royaume de son Père comme de son royaume.