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UNIGENITUS (BULLE). l’ROP. 3-6


la conception janséniste de la grâce efficace par elle-même : à savoir que la grâce efficace donne la bonne volonté et la meut de manière que, sans elle, nous ne puissions bien agir. On peut avoir le pouvoir de faire un acte et cependant ne pas le faire. Le pouvoir suffisant pour faire l’acte peut être séparé de l’acte lui-même. Les thomistes, derrière lesquels les jansénistes s’abritent souvent, disent que, pour agir, il faut avoir une grâce distincte de celle qui donne le pouvoir. Donc, il est vrai de dire que, sans la grâce efficace, on ne fait rien de bon surnatureUement ; mais on n’a pas le droit d’ajouter, que, sans cette grâce efficace, on ne peut rien faire ; avec la grâce suffisante, on peut agir. Bref, l’homme a un pouvoir réel et naturel, inséparable du libre arbitre et, avec la grâce suffisante, il a un pouvoir surnaturel ; donc, sans la grâce efficace, l’homme peut faire le bien et il est coupable de ne pas le faire.

3. In vanum, Domine, 3. En vain, vous comprsecipis, si tu ipse non mandez, Seigneur ; si vous das quod præcipis. ne donnez vous-même ce

que vous commandez. Act.,

xvi, 10, éd. de 1693, 1699.

Cette proposition renferme la même erreur que la précédente. Dieu, dit le concile de Trente, n’abandonne jamais le juste le premier et il lui accorde toujours les grâces nécessaires pour éviter le péché et persévérer dans le bien. L’impuissance du juste peut venir ou de la soustraction de la grâce provoquée par lui-même, ou de ce qu’il ne prie pas pour demander et obtenir la grâce nécessaire. La chute du juste ne vient donc ni de l’impossibilité d’accomplir le précepte, ni du défaut de pouvoir ; mais de ce que, ayant, par la grâce, le pouvoir d’accomplir le précepte, cependant, par sa faute, il ne correspond pas à la grâce.

4. Ita, Domine. Omnia 4. Oui, Seigneur, tout est possibilia sunt ei, cui omnia possible à celui à qui vous possibilia facis, eadem ope-rendez tout possible, en le rando in Ulo. faisant en lui. Marc, ix,

22, éd. de 1693 et de 1699.

Proposition captieuse, car elle suppose que tout pouvoir de faire le bien vient de la grâce efficace, qui l’opère en nous. Donc le bien ne serait possible que par la grâce efficace qui le fait en nous. « En l’absence de la grâce efficace, écrit un janséniste (La constitution Uniqenitus avec des remarques, p. 30), les commandements ne sont pas possibles d’une possibilité prochaine et jointe à l’effet. » Or, il est faux de dire que le bien ne nous est possible que lorsque Dieu nous le rend possible par sa grâce efficace. Pour que le bien surnaturel nous soit possible, il faut la grâce prévenante, qui est suffisante ; la grâce efficace n’est nécessaire que pour l’accomplissement effectif de l’acte. Pour passer de la puissance à l’acte, il faut la grâce efficace, que cette grâce vienne directement de Dieu, comme l’enseignent les thomistes, ou qu’elle suit le résultat de la coopération de la liberté humaine à la grâce prévenante, comme l’enseigne le molinisne. C’est une erreur que de dire avec Quesnel : « le juste qui pèche était dans l’impuissance de résister à la tentation et d’accomplir le précepte qui s’imposait à lui, parce qu’il n’avait pas le secours qui lui était nécessaire et que Dieu seul pouvait lui accorder. » Nos péchés sont de nous seuls ; mais nos bonnes <nircs sont à la fois de Dieu et de nous. Dieu nous prévient par sa grâce, afin que nous voulions, et il nous aide, afin que nous fassions ce que nous voulons. La grâce prévient, la bonne volonté suit et ainsi ce qui est mi don de Dieu devient notre propre mérite ; c’est la grflee de Dieu avec nous, gratta Det mecum. Celui qui ne fait pas le bien, pouvait le faire, mais,

s’il le fait, c’est que Dieu lui a donné de le faire. Coronando mérita nostra, coronat dona sua.

5. Quando Deus non

emollit cor per interiorem

unctionem gratiæ suas ex hortationes et gratiæ exte riores non inserviunt, nisi

ad illud magis obdurandum.

.">. Quand Dieu n’amollit

pas le cœur par l’onction

intérieure de sa grâce, les

exhortations et les grâces

extérieures ne servent qu’à

l’endurcir davantage. Rom.,

ix, 18, éd. de 1693.

Dire, en général et sans exception, que les grâces extérieures (prédication, lectures, bons exemples, exhortations pieuses) ne servent qu’à endurcir le cœur, si l’onction intérieure, c’est-à-dire la grâce efficace n’amollit pas le cœur, c’est affirmer que ces grâces extérieures, toutes seules, sont nuisibles et c’est donc faire injure à Dieu, qui souvent accorde de telles grâces au pécheur. D’après Quesnel, sans la grâce efficace, on ne peut qu’abuser de ces grâces ; il écrit (Rom., vii, 12), « la loi, l’incarnation même et tous les mystères sont des grâces extérieures dont on ne peut qu’abuser, si l’Esprit de Dieu n’en fait faire un bon usage ». Proposition pernicieuse qui diminue l’estime que nous devons avoir des grâces extérieures et fait croire que ces grâces extérieures sont des occasions de péché et d’endurcissement, à moins que Dieu ne nous donne une grâce efficace. Quesnel fait retomber sur la grâce l’abus qu’on en peut faire, lequel doit être attribué à la malice de l’homme. C’est reprendre la proposition 6 condamnée par Alexandre VII : « la grâce suffisante est plus per nicieuse qu’utile dans l’état où nous sommes, en sorte que nous avons sujet de faire à Dieu cette prière : Seigneur, délivrez-nous de la grâce suffisante. »

En fait, l’expérience démontre que les grâces extérieures préparent le cœur à bien recevoir la grâce intérieure et par elle la justification ; par elles-mêmes, elles n’endurcissent pas le cœur. Saint Augustin dit que la loi ne sert de rien et qu’elle nuit plutôt sans le secours de la grâce, mais il ajoute que cela vient de la dépravation du cœur qui refuse d’obéir à la loi. Quesnel a repris la thèse de Jansénius : dans la distribution des grâces extérieures, Dieu n’a d’autre dessein que de procurer un plus grand endurcissement du cœur chez ceux qui n’en profitent pas.

D’ailleurs cette proposition semble en opposition avec les propositions 79 et 80, où Quesnel parle de la lecture de l’Écriture sainte qu’il affirme nécessaire en tout temps et pour toutes sortes de personnes, même pour les pécheurs, alors que cette grâce extérieure, d’après la proposition 5 ne peut être utile qu’à ceux auxquels Dieu accorde la grâce efficace.

6. Discrimen inter fœdus 6. Quelle différence, ô

judaicum et christianum mon Dieu, entre l’alliance

est, quod in illo Deus exigit judaïque et l’alliance rhré fugam peccati et implemen-tienne ! L’une et l’autre ont

tum legis a peccatore, relin-pour condition le renonec quendo illum in sua impo-ment au péché et l’accom tentia ; in isto vero, Deus plissement de voire Loi ;

peccatori dat quod jubet, mais là vous l’exigez du

illum sua gratia purificando. pécheur, en le laissant dans

son impuissance ; ici, vous

lui donnez ce que vous lui

commandez, en le purifiant

par votre grvee. Rom., XI,

27, éd. de 1693 et 1699.

Cette proposition et les deux suivantes résument les thèses jansénistes sur la distinction et l’opposition des deux alliances. De l’impuissance de la Loi, si nettement indiquée par saint Paul, les jansénistes concluent l’impuissance des Juifs, qui n’avaient aucun secours pour observer la Loi. Sans doute, la Loi étail impuissante par elle-même et elle ne donnait point le pouvoir de l’accomplir, mais Dieu pouvait accorder aux Juifs les secours, c’est-à dire, les grâces ni