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UNIGENITUS (BULLE) A L’ASSEMBLÉE DU CLERGÉ


lions prononcées par la constitution présente ; pour les clauses insérées à la fin de la bulle, il suffirait que le Parlement fît les réserves usitées pour empêcher qu’on pût en abuser.

Sous cette réserve et d’autres, la bulle pouvait être acceptée. Quant au fond, il s’agissait de questions théologiques, dont le jugement appartenait aux évêques et pour lesquelles des magistrats séculiers n’avaient point de compétence.

La constitution devait être acceptée, comme la bulle qui avait condamné les Maximes des saints, dans les assemblées provinciales des évêques de chaque province. Une assemblée générale de tous les évêques présentait trop de difficultés. L’envoi de la bulle à chaque évêque exigerait trop de temps et n’aboutirait pas à une acceptation uniforme. Une assemblée des évêques réunis fortuitement à la Cour ne serait pas canonique et ne procurerait pas la paix. L’assemblée provinciale était donc le moyen le plus pratique et le plus efficace. D’autre part, c’était la tradition constante. Sans doute, pour l’acceptation de la constitution d’Innocent IX contre les cinq propositions, on s’était contenté d’abord de l’acceptation des évêques qui se trouvaient à la Cour, mais cette forme d’acceptation avait été jugée si peu solide, à cette époque même, qu’elle fut fortifiée par une acceptation plus solennelle dans l’assemblée générale du clergé de 1656 et ce ne fut qu’après cette dernière acceptation que le roi dressa des lettres patentes au Parlement pour la publication de la bulle. Après cette acceptation doctrinale par la voie la plus sûre et la plus prompte, le Parlement pourrait enregistrer les lettres patentes pour la publication de la bulle dans tout le royaume. Ainsi l’acceptation des évêques devait précéder l’enregistrement de la bulle au Parlement.

Fleury et Lamoignon approuvèrent le Mémoire de Daguesseau, mais Chauvelin y fit des objections. Des observations furent faites : on supprima une allusion à la condamnation du Nouveau Testament de Mons et la question de la lecture de l’Écriture sainte, parce que la décision de ces deux points appartenait aux évêques. Puis on examina si les lettres patentes devaient précéder ou suivre l’acceptation des évêques.

Le Mémoire fut présenté au roi le 2 octobre. L’audience fut courte et très froide. Joly de Fleury commença à exposer les difficultés qui s’opposaient à la publication de la bulle. Pour abréger la séance, le roi demanda qu’on lui remit le Mémoire et il ajouta : « des difficultés, on en peut faire sur tout ». Il aurait voulu l’enregistrement de la bulle à la Chambre des vacations, comme pour l’édit de Nantes.

Cependant le roi consulta son conseil secret, qui décidait en matière ecclésiastique. C’était le P. Le Tellier, l’évêque de Meaux, Bissy, et le secrétaire d’État, Voysin. Le premier aurait voulu que, sans aucune formalité, le roi donnât des lettres patentes pour autoriser la bulle, qui serait ensuite envoyée à chaque évêque, pour qu’il la publiât dans son diocèse. Bissy était d’avis que le roi assemblât les évêques pour délibérer sur l’acceptation de la bulle, après l’enregistrement des lettres patentes. Enfin Voysin approuva d’abord le P. Le Tellier, puis proposa d’assembler les évêques qui se trouveraient à la Cour. En réalité, les avis étaient très partagés. L’affaire fut mise en délibération au Conseil du 4 octobre ; on se trouva d’accord pour demander l’assemblée des évêques présents à Paris, et le roi choisit ce parti. Comme l’évêque de Meaux rappelait l’heureux succès des assemblées provinciales en 1699 pour la condamnation des Maximes des saints, le roi fit remarquer que l’archevêque était alors seul de son parti et que personne ne soutenait son livre, tandis que le livre de

Quesnel était soutenu par un parti puissant. Comment arriverait-on à l’unité et à l’uniformité, si les assemblées se partageaient ?

La bulle et l’assemblée du clergé.

Dès que la

décision fut prise, des ordres furent donnés pour réunir les évêques qui se trouvaient à Paris et à la Cour. L’assemblée, à la composition de laquelle le P. Le Tellier s’était spécialement intéressé, serait présidée par le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, qui avait mérité cet honneur par la publication de son mandement du 28 septembre, dans lequel il condamnait le livre de Quesnel, parce qu’il avait appris la condamnation portée par le pape. Le cardinal justifiait sa conduite par la promesse qu’il avait faite de se soumettre, dès que le pape aurait prononcé un jugement authentique.

L’assemblée fut convoquée [jour le lundi 16 octobre, à l’archevêché. Voir Archives Nal., G 8 6 73, minute du procès-verbal de l’assemblée des cardinaux, archevêques et évêques, tenue à Paris, en l’année 17131714(160ctobrel713au5février 1714). Au début delà séance, Noailles lut la lettre du roi, dans laquelle Sa Majesté rappelait que, sur ses instances réitérées, le pape avait condamné le livre des Réflexions morales, par la bulle du 8 septembre ; une copie de cette bulle fut remise aux évêques. Le roi demandait que l’on travaillât incessamment aux moyens les plus convenables pour la faire accepter d’une manière uniforme dans tous les diocèses du royaume ; après cette acceptation, le roi ferait expédier des lettres patentes pour la publication et l’exécution de cette bulle dans toute l’étendue du royaume. Puis Noailles fit l’apologie de sa conduite à l’égard de Quesnel et de son livre : après les approbations déjà données à ce livre, il avait cru que sa lecture n’était pas dangereuse, mais puisque le pape en jugeait autrement, il se soumettait sans peine à sa décision. S’il ne l’avait pas fait plus tôt, c’est qu’il n’avait pas voulu céder aux injures et aux calomnies. Voir un résumé de ce discours dans les Anecdotes et dans Vincent Thuillier, Histoire de la Constitution Unigenitus, p. 196-197. Puis il proposa de nommer des commissaires pour examiner la bulle. À cette première assemblée, assistaient vingt-neuf évêques auxquels vinrent s’en joindre, plus tard, vingt-trois autres.

Une commission fut nommée : le cardinal de Rohan en fut le président, avec, comme membres, l’archevêque de Bordeaux, Bazin de Bezons, l’archevêque d’Auch, Jacques Desmarets ; l’évêque de Meaux, Bissy, celui de Blois, Berthon, celui de Soissons, Brulart de Sillery. Le promoteur était l’abbé de Broglie. La première réunion eut lieu le 18 octobre chez le cardinal de Rohan et le lendemain à l’archevêché. Les autres réunions se tinrent ou chez le cardinal de Rohan, ou chez le cardinal de Noailles, et celui-ci, en sa qualité de président de l’assemblée, assista aux conférences.

Noailles n’avait donné aucune solennité à l’ouverture de l’assemblée, sous prétexte que le temps pressait. Pour éviter toute contestation ultérieure, le roi ordonna que l’assemblée se fît avec toutes les cérémonies qui pourraient la rendre plus solennelle. Voir Procès-verbaux du Clergé, col. 1254. Une messe du Saint-Esprit fut dite le 21 octobre dans la chapelle de l’archevêché ; il n’y eut pas de sermon, mais tous les évêques assistèrent à la messe, en rochet et camail. Le baiser de paix fut donné à tous par le cardinal de Noailles, qui célébra la messe. Tous les députés prêtèrent serment et, après la messe, Noailles invita tous ces Messieurs à déjeuner. Journal de Dorsanne, t. i, p. 46. Le serment est cité par Thuillier, op. cit., p. 203.

Le travail de la commission dura trois mois ; chacune des propositions fut examinée en détail et Bissy