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20(il UNIGENITUS (BULLE). PROCEDURES POUR L’ACCEPTATION 2062

Christologie Ulrichs von Slrassburg, dans Ans der Geistes welt des Mittelalters, t. i, p. 651-666 ; G. Mcersseman, Ge schichte des Albertismus, Rome, 1933-1935 ; J. Goergen,

Des hl. Albertus Maanus Lehre von der gôttlichen Vorsehung

und dem Fatum…, Vechta, 1932. _ _

P. Glorieux.


UNIGENITUS (Bulle). — La bulle Unigenitus Dei Filius qui condamne cent et une propositions extraites du livre des Réflexions morales de Quesnel fut publiée à Rome le 8 septembre 1713. Cette bulle que le roi Louis XIV avait enfin arrachée au pape Clément XI par des démarches multipliées (voir ici, t. xiii, col. 1528-1535) souleva des polémiques interminables qui ont rempli toute la première moitié du xviiie siècle : l’histoire de ces discussions a été racontée en d’innombrables volumes, plus ou moins passionnés : la décadence religieuse d’abord, puis, à la fin du siècle, la Révolution furent les conséquences naturelles de ces divisions qui discréditèrent l’autorité royale et l’autorité religieuse et favorisèrent le développement de l’incrédulité.

Les jansénistes furent d’abord surpris et décontenancés : ils étaient convaincus que Rome ne condamnerait jamais, par une bulle, un livre qu’elle avait déjà condamné par le bref Vineam Domini Sabadth, mais ils se ressaisirent bientôt et leurs attaques furent plus violentes. « La bulle est l’ouvrage du diable. C’est un essai des tentations de l’Antéchrist… La foi, la morale, la discipline, tout cela se trouve mortellement blessé par la condamnation étonnante des cent et une propositions… » « Les propositions qu’elle condamne renferment les vérités les plus essentielles du christianisme. » « Cet affreux décret renverse la religion tout entière ; elle condamne ce que Jésus est venu enseigner et elle enseigne tout ce que Jésus a condamné… » « Dénoncer au concile cette constitution, c’est sauver la foi, la morale et la discipline. » L’avertissement du Quatrième gémissement signale « les vérités obscurcies dans cette surprenante bulle, les règles de la discipline et des mœurs dangereusement attaquées, tous les fondements de la religion ébranlés… »

Pour donner une idée aussi exacte que possible de la bulle Unigenitus, il paraît nécessaire : 1. d’indiquer sommairement les procédures suivies en France pour son acceptation, soit devant le Parlement, soit devant l’assemblée du clergé ; 2. de donner une analyse détaillée des cent et une propositions, pour en faire saisir le sens et la portée ; 3. de donner un aperçu des objections répandues par les jansénistes dans leurs nombreux écrits, et les réponses faites par les défenseurs de Rome. —
I. Procédures pour l’acceptation de la bulle.
II. Analyse de la bulle, col. 2078.
III. L’agitation autour de la bulle, col. 2125.
IV. Polémiques autour de la bulle, col. 2134.

I. Procédures pour l’acceptation de la bulle en France. La bulle Unigenitus arriva à Fontainebleau le 25 septembre 1713. Le Roi, écrit Daguesseau dans ses Mémoires, fut si heureux que, contrairement à ses habitudes, il ne demanda point de nouvelles de la Constitution, plus maître de cacher sa joie que de cacher son impatience.’De fait, il pouvait croire que tout était bien fini. Le cardinal de Noailles aval ! plusieurs fois promis qu’il se soumettrait, si le livre de Quesnel étail condamné, dans les formes canoniques, par le souverain pontife, et lui-même avait donné l’assurance que la censure pontificale serait acceptée sans réserve par tout l’épiscopat, D’autre part, le cardinal de La Ttémollle, ambassadeur à Home, avait affirmé que la bulle ne contenait aucune expression qui pût provoquer l’opposition des parlementaires. Dans son empressement, le roi crut qu’il pourrait faire expédier sans retard des lettres patentes, qui seraient enregistrées, connue l’avait été l’Édit de Nantes, a la Chambre des vacations du Parlement. Ainsi la bulle serait loi de l’Église et loi de l’État, elle serait aussitôt appliquée et on pourrait poursuivre les partisans de l’hérésie et les opposants à la bulle, s’il s’en rencontrait.

Tel était aussi l’espoir du pape, dans la lettre qu’il avait envoyée au nonce. Celui-ci devait se présenter au roi et lui faire connaître ses intentions : « Il a voulu détruire le venin d’une doctrine perverse qui a été jusqu’ici d’autant plus contagieux qu’il a été plus caché. » Il espère que cette constitution « fera tout rentrer paisiblement dans la voie de la vérité et de l’unité. » Mais, pour cela, il faut que le Roi « accorde son appui et un secours tout puissant pour que les efforts des esprits inquiets et rebelles « soient réprimés et que la présente décision du Siège apostolique soit universellement reçue dans toute l’étendue de vos États ».

Ces espoirs du roi et du pape furent déçus et l’acceptation de la bulle provoqua de vives oppositions devant le Parlement et devant le clergé. L’étude de ces oppositions permettra de saisir sur le vif les thèses du gallicanisme parlementaire. D’autre part, les délibérations longues et délicates de l’assemblée du clergé mettront à nu les prétentions du gallicanisme épiscopal. Les procédures parlementaires et épiscopales compliquèrent la tâche de l’autorité royale, et par le fait même, laissèrent aux jansénistes le temps d’envenimer les querelles. Suivant le mot de Daguesseau, dans ses Mémoires, la bulle « devint la croix non seulement des théologiens, mais encore des premiers magistrats du royaume ».

Procédures devant le Parlement.

Daguesseau a laissé un récit pittoresque (publié par M. Gazier en 1920) des séances du Parlement : avec ces notes et celles de Joly de Fleury, il est facile de se représenter l’état des esprits. Le roi pensait faire expédier des lettres patentes par le Parlement et il parla de son projet au Président de Mesmes qui proposa de rassembler chez lui les membres du Parlement. Il convoqua les avocats généraux et Daguesseau, qui se rendirent, le 27 septembre, chez lui. « Nous devenons presque théologiens malgré nous », écrit Daguesseau. Les réunions ont lieu chez de Mesmes, malade. Les 27 et 28 septembre, on lut la bulle. Daguesseau note qu’il lui échappa de dire, que, comme procureur général, il avait intérêt à demander que cette bulle fût déposée au greffe du Parlement, pour être une preuve durable et un monument éternel de la faillibilité du pape. « Ce fut de la surprise, de l’étonnement, de l’indignation, écrit Daguesseau. » Les questions posées furent les suivantes : les lettres patentes doivent-elles précéder ou suivre la délibération des évêques ? Comment la constitution serait-elle adressée ? Comment et avec quelles précautions pourrait-elle être enregistrée au Parlement ? Le 20 septembre, Daguesseau, ayant vu le roi, reçut les avocats généraux chez lui et présenta un Mémoire sur la constitution elle-même et sur la manière de la recevoir.

Les magistrats acceptèrent dans ses grandes lignes le Mémoire de Daguesseau. Pour la constitution en elle-même, dans sa Forme extérieure et au point de vue des maximes gallicanes, on ne pouvait rien dire : Rome n’a jamais envoyé en France une bulle plus innocente et moins contraire aux usages du royaume ; on n’y trouve pas les clauses accoutumées ; on n’y dit pas ipie la bulle est émanée du pro/ire mouvement du pape, mais on y fait mention des instances réitéde Sa Majesté, et on n’a pas mis la clause Derernetltes, qui restreint le pouvoir des évêques. Sans doute, on y cite le décret du 13 juillet 1708 (qui condamnait le livre de Quesnel), non reçu en France, mais on pourrait, dans l’enregistrement, dire qu’on n’entendait recevoir ci approuver que les condamna