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ULFILA. VIE ET ECRITS


de la du Danube. Fritigern aurait demandé et obtenu l’aide des Romains, en suite de quoi il aurait embrassé la foi chrétienne. L’historien parle ensuite de la persécution d’Athanaric, en connexion avec l’apostolat d’Ulflla. Il mentionne enfin que, peu de temps après, les Goths passèrent le Danube sous la pression des Huns et s’établirent en terre romaine. Sozomène, H, E., vi, 37, intervertit l’ordre des faits ; il raconte d’abord le passage du Danube devant les Huns, en notant que le chef de la légation chargée d’obtenir l’autorisation de traverser le fleuve était Ulfila ; puis il parle de la guerre intestine entre les deux chefs goths et enfin de la persécution d’Athanaric. Philostorge, H. E., ii, 5, dit « qu’Urphilas fit passer sur le sol romain une foule nombreuse de Scythes transistrlens (appelés jadis Gètes, maintenant Goths) qui venaient d’être chassés de chez eux pour cause de piété… L’empereur recueillit cette foule d’émigrés dans les terres de Mésie, chacun se casant où il voulait. Quant à Urphilas, il l’entoura d’honneurs ». De son côté, Ammien Marcellin, Hist., XXXI, m-iv, contemporain des événements et particulièrement bien renseigné sur les choses de la région danubienne, raconte comment les Goths ont passé le Danube en 376 sous la poussée des Huns. Il souligne le fait que, jusqu’alors, les Barbares ne s’étaient pas encore installés en deçà du fleuve et insiste sur l’hésitation des Romains à leur accorder le droit de passage. D’un mot, tous les historiens s’accordent contre Auxence pour placer l’établissement des Goths en terre romaine après l’invasion des Huns. La persécution que mentionnent les historiens ecclésiastiques est d’ailleurs bien connue par un calendrier gothique qui en signale les martyrs et par des passions qui permettent de la dater : elle fut déchaînée par Athanaric, entre 370 et 372 environ. Cf. H. Delehaye, Saints de Thracc et de Mésie, dans Analecta Bollandiana, t. xxxi, 1912, p. 274-294. Dans ces conditions, si l’on veut à tout prix maintenir le témoignage d’Auxence, on devra supposer deux passages du Danube, l’un en 350 environ, l’autre en 376 et telle est en effet l’hypothèse acceptée par L. Saltet, Un texte nouveau, la « Dissertatio Maximini contra Ambrosium », dans Bull, de litt. ecclés., de Toulouse, 1900, p. 118-129 ; par J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes, Paris, 1918, p. 420, par d’autres encore. Cette hypothèse est difficilement acceptable. Sozomène montre l’émigration de 376 dirigée par Ulfila en personne ; Jordanès, Getica, 51, parlant de l’invasion hunnique raconte que les fuyards Goths, populus itnmensus cum suo pontifice, ipsoque primate Vulfila, s’établirent en Mésie, où, ajoute-t-il, ils sont encore de son temps : hodieque sunt in Mœsia, regionem incolentes Nicopolitanam ; Ammien Marcellin présente l’installation des Goths en terre romaine comme un événement décisif ; et Philostorge, tout comme Auxence d’ailleurs, mentionne l’émigration d’une grande multitude. Si, en 350, il y avait eu une première tentative, elle aurait été peu importante et n’aurait pas laissé de souvenirs, mais on comprendrait mal, dans ce cas, comment Ulflla aurait pu jouer un rôle décisif dans l’une et dans l’autre circonstance et surtout comment Auxence, après avoir rappelé avec emphase les faits de 350, aurait passé sous silence ceux de 376 beaucoup plus importants. Il est vraisemblable d’ailleurs qu’Auxence lui-même n’est pas l’auteur de la confusion et qu’il faut en rejeter sur Maximin l’erreur qui repose, en dernière analyse, sur un parallélisme factice entre les événements du règne de David et ceux de l’épiscopat d’Ulflla regardé comme un nouveau David. Cf. B. Capelle, La lettre d’Auxence sur Ulflla, dans Revue bénéd., t. xxxiv, 1922, p. 224233.

Dans ces conditions, Ulfila a sans doute vécu dans les pays transdanubiens, exerçant sur ses compatriotes une action de plus en plus profonde et devenant peu à peu un de leurs chefs spirituels les plus écoutés. Il garda cependant le contact avec les chrétiens de l’empire, en assistant, suivant Auxence, à de nombreux synodes, Dissert. Maximini, p. 73. Les conciles furent en effet nombreux dans les provinces illyriennes après 350, mais la présence d’Ulflla n’est attestée qu’au concile de Constantinople en 360. Socrate, H. E., ii, 41 ; Sozomène, H. E., iv, 24 ; vi, 37. Du moins fut-il un des membres les plus considérables de cette assemblée et Sozomène le nomme seul à côté de Maris de Chalcédoine. Il est vrai que le même historien prétend qu’il aurait assisté aux délibérations du concile sans se douter qu’il passait ainsi à l’arianisme. Sozomène, H. E., vi, 37. Cette affirmation est de la pure fantaisie : en 360, Ulflla savait fort bien ce qu’était l’arianisme et comment il se distinguait de l’orthodoxie. Il n’ignorait pas non plus que l’empereur Constance favorisait cette doctrine de tout son pouvoir et qu’au lendemain des conciles de Rimini et de Séleucie, le synode de Constantinople n’avait d’autre but que de mettre le dernier sceau à la théologie impériale. Auxence d’ailleurs nous renseigne au mieux sur la croyance de son maître lorsqu’il écrit : Prsedicatione vel expositione sua omnes hæreticos non crislianos sed antecristos, non pios sed impios, non religiosos sed inreligiosos, non timoratos sed temerarios, non in spe sed sine spe, non cultores Dei sed sine Deo esse, non doclores sed seduclores, non… sed prœvaricatores adserebat, sive manichæos, sive marcionistas, sive montanistas, sive paulinianos, sive sabellianos, sive antropianos, sive patripassianos, sive fotinianos, sive novalianos, sive donatianos, sive omousianos, sive omeousianos, sive macedonianos. Une telle liste ne doit pas nous émouvoir outre mesure, et nous n’avons pas besoin de nous demander comment Ulflla a pu rencontrer et combattre tous les hérétiques dont les noms s’alignent de manière si impressionnante. Ces énumérations sont de style : seuls les derniers noms indiqués méritent d’être retenus, car ils indiquent nettement l’orientation de l’évêque Goth. Celui-ci regardait comme ses adversaires les homoousiens aussi bien que les homéousiens et les macédoniens. Qu’est-ce à dire sinon qu’il partageait la croyance officiellement proclamée par la volonté de Constance, non certes l’arianisme intransigeant d’Aèce mais celui des Illyriens, devenu celui d’un trop grand nombre d’évêques craintifs et obéissants ?


Après comme avant le concile de Constantinople, qui est pour nous comme une éclaircie dans un ciel obscur, la vie d’Ulflla nous reste inconnue. Son nom, nous le savons déjà, reparaît, entouré d’une auréole de célébrité, dans les divers récits qui nous ont conservé le souvenir de l’invasion hunnique et de l’établissement des Goths en deçà du Danube, en 376. Nous ne saurions douter qu’à ce moment là Ulflla ait joué un rôle décisif. Au cours de la récente persécution, il avait acquis le titre de confesseur ; son autorité faisait de lui non seulement l’évêque, mais ce que Jordanès appelle le primat de ses concitoyens ; les relations qu’il avait nouées avec ses collègues de l’empire lui assuraient la bienveillance de Valens. Sozomène affirme qu’il fut le chef de la députation chargée de demander à l’empereur la permission de traverser le Danube : il n’y a rien là que de très vraisemblable.

Accueillis par l’empereur Valens, les Goths ne tardèrent pas à se révolter contre lui. Ammien Marcellin, Hist., XL, xii, 8, raconte même qu’à ce moment des négociations furent encore tentées, pour empêcher