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1933

TYCONIUS — TYCKOWSKI (ADALBERT)

1934

Les livres de controverse peuvent avoir été écrits entre 370 et 375. Le premier a dû suivre de près le schisme de Rogatus, qui, en brisant l’unité donatiste, avait enlevé le meilleur de leur force aux arguments opposés par les schismatiques à l’Église catholique ; le second, de quelques années postérieur, a été présenté comme une réponse à des objections. Ces deux livres sont perdus, mais nous en connaissons les thèmes principaux grâce à saint Augustin, qui s’y réfère souvent au cours de ses controverses avec les donatistes. Contra Epistolam Parmeniani, i, 1 ; ii, 13, 14 ; iii, 3, 17 ; Epist., xciii, 10, 43-44 ; lxxxvii, 10 etc. L’idée essentielle de Tyconius était celle de l’universalité de l’Église. Selon les promesses formelles de Dieu, promesses maintes fois répétées et consignées dans les Livres saints, l’Église doit être universelle ; elle l’est devenue peu à peu ; elle l’est aujourd’hui ; elle le restera toujours. Elle ne peut donc pas s’être maintenue seulement en Afrique, comme l’enseignent les disciples de Donat. Les fautes de quelques-uns n’ont pu empêcher la réalisation des promesses divines sur sa durée perpétuelle dans le monde entier. Avec de telles idées, comment Tyconius pouvait-il rester donatiste ? Saint Augustin ne le comprenait pas et nous ne le comprenons pas davantage. Sans doute, faut-il tenir compte de la force des traditions et de la puissance des préjugés.

L’ouvrage le plus important de Tyconius est le Liber regularum, qui est une sorte de manuel d’exégèse, un guide pour l’interprétation des Écritures : « J’ai cru nécessaire, explique l’auteur, d’écrire un livre de règles, où je forgerais comme des clés et des lampes pour pénétrer dans les mystères de la Loi. En effet, il y a certaines règles mystiques, qui éclairent tous les recoins de la Loi et dont l’ignorance dérobe aux yeux les trésors de la vérité. Si la théorie de ces règles est acceptée avec tout l’empressement que nous mettons à la comnvuniquer, toutes les portes closes s’ouvriront et les ténèbres seront dissipées : ces règles seront comme des sentiers de lumière, grâce auxquels on pourra se lancer à travers l’immense forêt de la prophétie, sans risquer de s’y perdre. » Lib. reguL, proœm., p. 1.

Les règles proposées sont au nombre de sept, dont voici les titres : De Domino et corpore ejus ; De Domini corpore bipartito ; De promissis et lege ; De specie et génère ; De temporibus ; De recapitulatione ; De diabolo et ejus corpore.

La thèse fondamentale de l’auteur, c’est que l’Ancien Testament est partout la figure du Nouveau. Il faut donc lire l’Ancien Testament en fonction des réalités qui sont décrites dans le Nouveau. Le Christ est un avec son Église : ce qui est dit du Christ peut aussi s’appliquer à l’Église (règle 1). L’Église elle-même est faite de bons et de méchants : il faut prendre garde à ceux que vise telle ou telle page du texte sacré (règle 2). Les mauvais chrétiens forment le corps du diable : nombreuses sont les prophéties qui les concernent et où l’on passe parfois du diable lui-même à ses membres (règle 7).

L’Esprit de Dieu passe sans transition de l’espèce au genre ou du genre à l’espèce ; il importe de faire attention au mouvement de la pensée pour comprendre les prophéties (règle 4). Tous les chiffres de l’Écriture ont leur signification mystérieuse, en particulier ceux qui sont relatifs à la chronologie : le tout le les bien comprendre et pour cela de connaître leur valeur cachée (règle 5). Souvent un même pa pré ente un sens historique et un sens typique, vise à la fols le présent et l’avenir : il s’agit de ne pas se contenter d’une seule de ces Interprétations, mais de se souvenir qu’elles s’éclairent et s’appuient mutuellement (règle 6). La règle 3 sur les promesse n est en réalité la réponse à une difficulté : Tyconius montre comment la Loi ne contredit pas la foi annoncée par le Nouveau Testament.

Les règles de Tyconius nous semblent aujourd’hui assez banales. Au temps où elles parurent, elles ne l’étaient assurément pas, du moins en Occident, où personne ne s’était soucié jusqu’alors de formuler des principes généraux d’exégèse. Aussi obtinrent-elles beaucoup de succès, surtout chez les catholiques : dès 396, saint Augustin les signalait à l’attention de saint Aurèle de Carthage, Epist., xli, 2 ; plus tard il eut souvent l’occasion d’en recommander la lecture, Qusestiones in Heptateuch., ii, 47, 102 ; Epist., ccxlix ; De doctrina christ., iii, 30-37, 42-56. Ce succès ne se ralentit pas : nous voyons encore Cassiodore, saint Isidore de Séville, saint Bède, louer les Règles de Tyconius, ou même les résumer à l’usage de leurs lecteurs.

Tyconius lui-même devait appliquer les principes posés par les règles dans le commentaire de l’Apocalypse. Ce commentaire est perdu sous sa forme originale ; mais, comme beaucoup d’anciens s’en sont inspirés, lorsqu’ils ne se sont pas contentés de le copier, on peut à peu près le reconstituer. Ce sont surtout Primasius d’Hadrumète et Beatus de Liebana (vers 776) qui nous permettent, grâce à la fréquence et à la fidélité de leurs emprunts.de retrouver non seulement les idées, mais souvent les expressions mêmes de Tyconius.

Le commentaire de l’exégète donatiste est intéressant à plusieurs titres : l’historien y retrouve de nombreuses allusions aux diverses circonstances du schisme donatiste qui auraient été, paraît-il, prédites par l’apôtre saint Jean. L’exégète y découvre une interprétation toute allégorique et spirituelle de l’Apocalypse. Enfin le théologien n’y lit pas sans quelque surprise ces lignes qui semblent annoncer La cité de Dieu de saint Augustin : « Il y a deux cités : la cité de Dieu et la cité du diable… De ces deux cités, l’une veut servir le monde, l’autre le Christ. L’une désire régner sur ce monde, l’autre fuir ce monde. L’une s’afflige, l’autre se livre à la joie. L’une frappe, l’autre est frappée. L’une tue, l’autre est tuée… Ces deux cités montrent la même ardeur, l’une à mériter la damnation, l’autre à mériter le salut. »

La première édition du Liber regularum est celle de Grynæus, Bàle, 1569. La P. L., t. xviii, col. 15-65 reproduit l’édition de Gallandi, Venise, 1772. Une édition critique est due à F. Burkitt, The book of Bules of Tyconius, collection Texts and Studies, t. iii, fasc. 1, Cambridge, 1894. Le Livre des règles ne nous est pas parvenu en entier ; le c. vu est interrompu avant la fin dans tous les manuscrits que nous possédons.

Le commentaire de Beatus sur l’Apocalypse a été édité par H. -F. Brez, S. Beati presbyteri hispani Llebancnsis, in Apocalypstm… commentaria, Madrid, 1770 ; et plus récemment par H.-A. Sandcrs, Beatt in Apocalypsim libri dnodecim, Rome, 1930.

L’étude la plus importante qui ait été récemment consacré © à Tyconius est celle de P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris, 1920, t. v, p. 165-219. Voir aussi Ilalin, Tycontus-Studlen, Leipzig, 1900 ; Haussleitcr, Die Kommentare des Victorlnus Tlcontus und Hieronymus zur Apokalypse, dans Zeilschr. fiir kirrM. Wtssetlsch., t. vii, 1HH0, p. 239-257 ; Ramsay, Le commentaire de l’Apocalypse par Beatus de I.iehana, dnns Bev. d’htst. et de liltér. rrlig., t. vii, 1902, p. 419 srj. ; Souter, Tyconlus’s lext of the Apocalypse, dans Journal of theolog. SttuL, t. xiv, 1913, p. 338 sq.

G. Bardy.


TYLKOWSKI Adalbert, jésuite polonais. — Ne a Maovie en 1625, il entra dans la compagnie de Jésus en 1645. Il enseigna les bel les -lettres, les mathématiques, la philosophie et la théologie, fut pendant quatre ans pénitencier à Saint-Pierre de Rome, puis ur du séminaire de Vilna, où il mourut en 1695.

Il publia, in latin et en polonais, un grand nombre