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1929
1928
TURIN (CONCILE DE)

1932

tuation exceptionnellement importante. Décrétale Placuit du 22 mars 417, Jafîé, n. 328 ; P. L., col. 642. Contre les résistances suscitées par ce coup de force, il maintient envers et contre tout les décisions prises par lui. Cela l’amène à exprimer, sur l’assemblée de Turin et la manière dont les affaires s’y sont déroulées, des jugements sans bienveillance. Mais toute cette histoire du pontificat de Zosime, loin de constituer, comme le voudrait Ch. Babut, le premier chaînon d’une série de manifestations de l’épiscopat contre les prétentions du Siège apostolique, montrerait bien plutôt la conscience qu’avait de ses pouvoirs et de ses droits le titulaire de l’Église romaine.

On trouvera ime bibliographie sommaire dans une longue note de Leclercq, de VHistoire des conciles, t. n a, p. 129134. Notons seulement l’essentiel du débat : celui-ci a pour point de départ un mémoire de L. Duchesne, finalement imprimé dans les Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, 1. 1, Paris, 1894, c. ii, sur la primatie d’Arles. Ce sont les conclusions de Duchesne qui sont attaquées par E.-Ch. Babut, Le concile de Turin. Essai sur l’histoire des Églises provençales au V’siècle et sur les origines de la monarchie ecclésiastique romaine (417-450), Paris, 1904. Ce travail de Babut provoque, de divers côtés, d’assez vives contestations. Babut répond spécialement aux critiques de L. Duchesne et de Chr. Pfister : La date du concile de Turin et le développement de l’autorité pontificale au Ve siècle, dans la Revue historique, t. lxxxvii, 1905, p. 57-82 ; à quoi L. Duchesne répond, même revue, même année, p. 278-302. Le plus récent historien de la papauté, E. Caspar, juge cette réplique de Duchesne absolument décisive : il n’y a qu’un seul concile de Turin, qui doit se situer entre 397 et 401, Geschichte des Papsttums, t. i, p. 287 et 601. Voir aussi P. Batiffol, Le Siège apostolique, Paris, 1924, p. 210.

É. Amànn.


TURLUPINS'. — Secte médiévale plus ou moins apparentée aux béghards. Voir ici t. ii, col. 528 sq. L’origine du mot est obscure ; l’étymologie qui le fait venir de turris et de lupus (qui s’assemblent comme des loups en de vieilles tours) est certainement fantaisiste. Eux-mêmes se nommaient « la société de la pauvreté ». C’est sous le règne de Charles V de France (1364-1380) que quelques documents, trop rares à notre gré, signalent leur existence. Ils auraient été découverts par l’Inquisition, toujours vigilante à l’endroit des béghards, à Paris et dans l’Ile-de-France. Mais leur centre de diffusion aurait été plutôt la Savoie et le Dauphiné, ce qui tendrait à les mettre en rapports plus ou moins directs avec les vaudois, demeurés nombreux dans les hautes vallées des Alpes. Ce que nous savons de plus clair, c’est que, à l’été 1372, fut poursuivie par l’Inquisition et finalement brûlée, le 2 juillet, Jeanne Debanton, une prophétesse exaltée de la secte ; en même temps fut livré aux flammes le cadavre d’un prédicateur anonyme, mort quelque peu auparavant dans la prison où il était enfermé. Divers objets ayant appartenu à la secte furent brûlés en même temps. Les comptes de la cour royale contiennent trace des paiements faits pour tous les frais de justice. L’année suivante, 27 mars 1373, le pape Grégoire XI félicitait le roi de France de son zèle dans la circonstance et lui demandait de continuer son aide à l’Inquisition pour la lutte contre cette hérésie. Texte dans Rinalrii, Annales, an. 1373, n. 19. C’est tout pour le xive siècle. Un peu plus tard, Gerson, qui ne paraît pas les avoir connus directement, en signale dans la région de Lille ; dans une phrase qui a été recopiée par Pratéolus, il caractérise leurs doctrines et, leur prêtant des aberrations morales de divers genres, il les appelle Epicurei sub tunica Christi. Précisant, il ajoute que, d’après eux, le chrétien, s’il a atteint un certain degré de perfection, n’est plus capable de pécher et peut s’abandonner sans scrupule à toutes ses inclinations. Ce sont proprement les maximes que, un peu de tous côtés, on prêtait aux frères du libre esprit. Voir ici, t. vi, col. 800. C’est à cette tendance que semblait les rattacher le pape Grégoire XI dans la bulle citée plus haut. Quant aux accusations précises selon lesquelles les sectaires, dans leurs réunions secrètes, se seraient entièrement dévêtus, pour rappeler l’innocence du paradis terrestre, c’est monnaie courante depuis le xiie siècle quand il s’agit d’hérétiques quelconques ; il n’y a peut-être pas grand fond à faire sur elles. Moins encore sur cette généralisation que Gerson ajoute : Cynicorum philosophorum more omnia verenda publicitus gestabant et in publico velut jumenta coibant, instar canum in nuditate et exercitio membrorum pudendorum degentes. En bref, ni le rattachement des turlupins aux frères du libre esprit, ni le fait qu’ils auraient préconisé des maximes antinomistes ou pratiqué des rites inconvenants ne nous paraissent assurés. Le plus sûr est de suspendre son jugement. Retenons plutôt le titre qu’ils se donnaient eux-mêmes de « compagnons de la pauvreté », ce qui nous ramène au béghardisme et aux doctrines des fraticelles. On sait avec quelle sauvagerie furent, au cours du xive siècle, persécutées ces tendances. Jusqu’à quel point sous la pratique de la pauvreté apostolique s’abritaient des spéculations teintées de panthéisme, jusqu’à quel point ces doctrines panthéistes étaient-elles génératrices d’un quiétisme malsain, jusqu’à quel point ce quiétisme inspirait-il, comme il est arrivé en d’autres temps et d’autres lieux, un antinomisme caractérisé, tout cela est extrêmement difficile à dire. En tout état de cause le mot de turlupinade est resté dans la langue avec un sens d’ailleurs adouci, mais où se révèle encore le caractère mi-partie grotesque, mi-partie obscène que l’on prêtait à la secte.

Les meilleurs renseignements sont encore ceux qui sont rassemblés dans Bayle, Dictionnaire, art. Turlupins ; Bayle est au fait des quelques textes essentiels, qu’il critique avec finesse : Gaguln, Vie de Charles V ; du Tillet, Chronique de France sous Charles V ; Maizeral, Abrégé chronologique. On ajoutera Gerson, Tractatus de examinatione doctrinarum, part. II, vi, éd. d’Anvers, t. I, p. 550 ; Lea, À history of the Inquisition in the middle-ages, t. ii, 1886, quelques documents fournis par Frédéricq, Corpus documentorum inquisitionis hæreticee pravitatis neerlandicæ, 1. 1, Gand-La Haye, 1889, p. 409-412. Pour une bibliographie plus générale, se reporter à Frères du libre esprit, t. vi, col. 800.

É. Amann.


TYCONIUS, exégète donatiste de la seconde moitié du ive siècle. La vie de Tyconius est à peu près inconnue. Né en Afrique, peut-être aux environs de 330, il avait été élevé dans la foi donatiste et avait reçu l’instruction la plus complète dans les lettres sacrées et profanes. Pendant longtemps, semble-t-il, il n’éprouva aucun doute sur la valeur des arguments mis en avant par les donatistes : en 366, il n’avait encore rien écrit, car saint Optât ne le mentionne pas dans son grand ouvrage. Peu à peu, à force de réfléchir et de lire, il découvrit cependant les points faibles du système et il osa le dire en toute franchise dans des ouvrages de controverse. Le chef du donatisme, Parménien. commença par le réfuter dans une lettre qu’il lui adressa personnellement. Mais Tyconius ne se laissa pas convaincre : vers 380, il fut exclu du parti par un concile. Il ne put d’ailleurs pas se décider à se rallier à l’Église catholique. Il resta donc isolé et, laissant de côté la polémique qui ne lui avait valu que des déboires, il se livra à l’exégèse. Il dut mourir aux environs de 390.

Gennade, De vir. ill., n. 18, nous a laissé la liste de ses ouvrages : deux livres de controverse, De bello intestino et Expositiones dioersarum causarum ; un manuel d’exégèse : Liber regularum ; un commentaire sur l’Apocalypse.