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    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. LE SECOND EDIT DE JUSTINIEN

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font partie des documents communiqués au Ve concile par Justinien à la viie session. Mansi, ConciL, t. ix, col. 351-363.

Ce n’était pas seulement dans la famille pontificale que l’opposition s’affirmait. En Illyricum, le concile des évêques de la région déposait, au cours de 549, Benenatus, évêque de Justiniana Prima, pour avoir souscrit à la condamnation des Trois-Chapitres. Voir Victor de Tunnunum, Chron., an. 549, P. L., t. lxviii, col. 958. En Dalmatie les évêques refusaient d’acquiescer à la sentence portée par le pape. Voir la lettre des clercs milanais aux légats francs écrite en 552, dans P. L., t. lxix, col. 114-118. En Scythie, l’évêque de Tomi, Valentinien, demandait des explications ; il était troublé, écrivait-il à Vigile, par diverses rumeurs qui circulaient. Ce sont, lui répondait le pape, des bruits mensongers que les intrigues de Rusticus et de Sébastien ont fait circuler. Jaffé, n. 924. En Gaule l’évêque d’Arles, Aurélien, déclaré depuis peu vicaire du pape, envoyait lui aussi aux nouvelles, inquiet de ce qui se rapportait. Et Vigile de lui répondre, en avril 550, qu’il ne s’agissait nullement de toucher aux décisions ni des conciles, ni des papes. Il demandait à Aurélien d’intervenir auprès du roi Childebert, afin que, si possible, celui-ci agît sur le roi des Goths, Totila, au cas où ce dernier serait manœuvré par les adversaires du pape. En somme on pouvait tout craindre en Italie. Jaffé, n. 925. Un peu auparavant le concile franc réuni à Orléans le 28 octobre 549, avait exprimé, chose rare en ces assemblées uniquement préoccupées de morale et de discipline, sa ferme réprobation de l’eutychianisme. Mansi, Conc17., t. ix, col. 129.

Mais c’était surtout en Afrique que la résistance à la condamnation des Trois-Chapitres se manifestait avec éclat. Comme le note Victor à l’année 550, les évêques africains réunis en synode retranchaient le pape de la communion catholique. Africani antistiles Vigilium romanum episcopum, damnatorem trium capitulorum, synodaliter a catholica communione, reservato ei pœnitentiæ loco, recludunl, et pro defensione memoratorum trium capitulorum litteras satis idoneas Justiniano principi miltunt. P. L., t. lxviii, col. 958 C.

Toute cette agitation enhardit ceux qui, en Orient, avaient conservé quelque indépendance. Zoïle d’Alexandrie retira la signature qu’il avait donnée, il fut déposé et remplacé. Victor, an. 551, ibid. Même sort advint à Macaire de Jérusalem en 552. Ibid., col. 959 A.

Cette résistance alarma Justinien. Si l’Occident se refusait à suivre le pape, son chef, la victoire remportée sur Vigile était sans valeur. Celui-ci tenta de profiter de la situation, il fit comprendre à Justinien que les Occidentaux avaient besoin de temps pour saisir la question et qu’il faudrait en venir à une consultation synodale. C’était substituer à l’idée de décisions prises par édit impérial l’idée plus traditionnelle d’un jugement conciliaire. Dans ces conditions le mieux était de considérer comme nul le Judicatum du Il avril 548. Vigile demanda que son papier lui fût rendu. Ainsi fut fait, au cours de l’année 550, sans que l’on puisse autrement préciser la date. C’est ce qui ressort de divers documents. Dans la conclusion du Constitulum de 553, Vigile parle de la lettre qu’il avait jadis adressée à Menas et qui lui fut rendue à lui-même en une assemblée solennelle, par l’empereur : Præsentibus pluribus sacerdolibus et glorioso senatu, Mena episcopo vestrse clementiæ (Justinien) offerente et pietate vestra (Justinien) nobis cum ejus (se. Mense) consensu restituente. Mansi, ConciL, t. ix, col. 104 C ; Coll. Avell., pièce 83, n. 297, p. 315. Dans la lettre à Askidas, où il lui signifie la sentence d’excommunication portée contre lui, Vigile, lui reprochant ses perpétuelles intrigues, écrira : « Il fut convenu que l’on écarterait (et tiendrait donc pour non avenu) tout ce qui avait été décidé par qui que ce fût, de vive voix ou par écrit. Nous traiterions ensuite de la question dans un synode où se rassembleraient les évêques d’Afrique, d’Illyrie et des autres pays, recherchant surtout la présence de ceux qui avaient été tout particulièrement scandalisés. » Mansi, ConciL, t. ix, col. 58.

Comme l’indique le document ci-dessus, Vigile avait demandé, en même temps que la restitution de son papier, la permission de consulter les évêques occidentaux plus spécialement chatouilleux. C’est ce que marque aussi la lettre des clercs milanais aux légats francs. À entendre ces clercs, Justinien et ses conseillers avaient demandé au pape de condamner les Trois-Chapitres sans faire mention de Chalcédoinc ; et Vigile répondit : « Que de chacune des provinces viennent ici cinq ou six évêques et nous délibérerons en paix sur ce qu’il y aurait à faire. Je ne consentirai jamais, en effet, à faire seul cette démarche qui met en échec le concile de Chalcédoine et qui cause du scandale à mes frères. » P. L., t. lxix, col. 115 C. C’est après cette proposition que, suivant cette lettre, on rendit solennellement à Vigile son Constitutum. Ainsi — et la chose est également dite dans la lettre à Askidas — il avait été décidé en consistoire impérial qu’une consultation de l’épiscopat occidental aurait lieu et c’est làdessus que, rendant à Vigile son Judicalum d’avril 548, on considéra cette pièce comme annulée.

Mais — et ceci est bien caractéristique de la mentalité du pauvre pape — au même moment Vigile se laissait arracher une promesse qui devait demeurer secrète, mais qui fut, avec d’autres, communiquée au Ve concile, à la vir 3 session. Suivant la teneur de cette pièce le pape jurait, le 15 août 550, en présence de Justinien, d’Askidas et du patrice Céthégus, sur les évangiles et les reliques les plus sacrées, qu’il unirait tous ses efforts à ceux de l’empereur pour faire condamner les Trois-Chapitres, qu’il ne ferait rien, soit par lui-même, soit par les siens, contre la volonté de l’empereur ; qu’il dénoncerait à celui-ci tout ce qu’on pourrait lui dire àl’encontre. Cette promesse avait, comme contre-partie, une assurance du souverain de garantir à Vigile les droits de son siège. Mansi ConciL, t. ix, col. 363, 364.

On comprend qu’en de telles conditions la conférence épiscopale projetée était condamnée à un échec. De l’Illyricum personne n’avait voulu venir. Quand les Africains arrivèrent dans la capitale, on essaya par la flatterie et la peur de leur arracher un consentement tel quel à la condamnation des Trois-Chapitres. Comme cela ne réussissait pas on trouva le moyen d’impliquer Réparatus de Carthage dans un procès politique et de l’exiler. Ce que voyant deux autres Africains s’enfuirent à Sainte-Euphémie de Chalcédoine, sur la rive asiatique du Bosphore. D’ordre de l’empereur, le préfet d’Afrique dut s’occuper de recruter un monde plus docile. Lettre des clercs milanais, P. L., t. lxix, col. 115 D, 116 B ; cf. Victor, an. 552, t. lxviii, col. 959. Pendant que se déroulait cette lamentable comédie, Askidas ne perdait pas de vue l’affaire. Son travail souterrain préparait un éclat !

Nouvel édit de Justinien. Réunion du Ve concile.

Askidas, en effet, n’eut de cesse qu’il n’eût obtenu du souverain un nouvel édit, tout aussi unilatéral que le premier et condamnant les Trois-Chapitres par autorité impériale. Sur cette période de l’affaire nous sommes assez abondamment renseignés : 1. par la lettre des clercs milanais à la légation franque venue à Constantinople, P. L., t. lxix, col. 113 sq. ; 2. par une encyclique de Vigile adressée universo populo Dei, ibid., col. 53-59 ; 3. par la sentence d’excommunication portée par le pape contre Askidas, ibid., col. 59-62 ; 4. enfin par une pièce très mutilée, publiée d’abord par