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    1. TROIS-CHAPITRES##


TROIS-CHAPITRES. L’AGITATION MONOPHYSITE

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monophysites qui font des concessions à l’Église impériale, c’est Constantinople qui accepte, bon gré, mal gré, la doctrine plus ou moins édulcorée du grand docteur monophysite Sévère d’Antioche. Il va sans dire qu’en ces conditions les vieux maîtres antiochiens, Diodore, Théodore, ne tarderaient pas à être considérés, même à Antioche leur patrie et à Constantinople aussi, comme les pères du « nestorianisme » dont on faisait d’ailleurs un épouvantail. En même temps s’installait dans l’Église officielle une doctrine positive dont la formule définitive : Unus de Trinitate incarnatus et passus, finirait par devenir une tessère d’orthodoxie. On ne saurait oublier que c’est l’Hénotique qui l’a exprimée d’abord. Voir l’art. Théopaschite (Controverse), ci-dessus, col. 506.

Durant la réaction chalcédonienne.

La réaction chalcédonienne qui marque la fin du règne d’Anastase (t le 9 juillet 518) et celui de Justin (518-527) va interrompre, pour quelque temps, cette emprise que le monophysisme sévérien a mise sur l’Église officielle. Voir Hormisdas, t. vii, col. 162 sq. Mais la liquidation du schisme acacien ne pouvait éliminer de la théologie byzantine, qui justement se formait à cette date, l’influence de la doctrine que préconisait pour l’heure Sévère d’Antioche. Encore que celui-ci eût été l’une des victimes de. la réaction chalcédonienne, son esprit, sinon ses formules, continuait à s’imposer à Constantinople. C’est incontestablement son état d’esprit qui se révèle dans cette phobie du nestorianisme qui se manifeste dans l’affaire des moines scythes. Voir Scythes (Moines), t. xiv, col. 1746 sq. et Théopaschite (Controverse). Quiconque ne rapportait pas immédiatement au Verbe divin toutes les opérations du Christ, naissance, passion et mort, quiconque voulait distinguer le sujet prochain de ces opérations et le sujet éloigné passait, dans l’esprit de ce monde, pour suspect d’introduire une dualité dans la personne de l’Homme-Dieu.

Que le « nestorianisme » ait été un péril sérieux à Constantinople et dans l’empire sous le règne de Justin, c’est, en dépit des clameurs des moines scythes, ce que l’on admettra difficilement. Les Scythes pensaient voir au couvent des acémètes, dans la capitale, la forteresse du nestorianisme. Comme nous ne connaissons guère la pensée des acémètes que par leurs adversaires, il est difficile de porter sur celle-ci un jugement équitable. Il est possible néanmoins que le retour officiel à la foi chalcédonienne ait donné plus libre cours à certaines tendances dyophysites, comprimées durant tout le schisme acacien, et ait amené, chez certains, des expressions où la doctrine des deux natures s’accentuait au point de sembler mettre en échec le dogme de l’unique personne. On mena aussi quelque bruit, en 520, autour de manifestations qui se seraient déroulées à Cyr en l’honneur de Théodoret, de Diodore et de Théodore. L’image du premier aurait été promenée en procession ; une synaxe aurait été célébrée à la mémoire des vieux docteurs antiochiens. Finalement une enquête fut ordonnée par le gouvernement ; on ne sait à quel résiliât elle aboutit. Sur cette affaire qui fut rapportée au Ve concile, WP session, voir Mansi, Concil., t. viii, col. 364 B-365 D. Mais cette.orte de réhabilitation des vieux docteurs dyophysites avait au moins une excuse : au temps du basileus Anastase, si ancré sur les principes du monophysisme, Xénaias, évêque de Hiérapolis en Syrie, un des plus agités p : irmi 1rs monophysite -s, entendait bien exiger, partout où il le pouvait et même du patriarche hénoticiai d’Antioche, Havien 1 1, l’anathème non seulement de N’rstorius. mais de Diodore, de Théodore, d’Ibas et de I héodorct : « ’l’on là, disait Xénaias, étaient des nestoriens. Aussi hien quand il eut obtenu de Flavien l’anathème dem le fougueux monophysite demanda-t-il la condamnation de Chalcédoine même. Voir une lettre des moines de Palestine à l’évêque Alcyson de Nicopolis en Épire, dans Évagre le scolastique, H. E., t. III, c. xxxii, P. G., t. lxxxvi b, col. 2660. Tous ces incidents — et il dut y en avoir d’autres — montrent combien était instable dans le premier quart du vie siècle l’équilibre de la théologie dans l’Empire byzantin.

Sous Justinien.

Du jour où Justinien, après la mort de son oncle Justin, eut seul le pouvoir entre les mains (527), ce serait la tendance monophysite qui l’emporterait dans les conseils du gouvernement d’abord, dans ceux de l’Église d’État ensuite. Sans doute, aux premières années, le basileus avait-il maintenu l’attitude intransigeante de Justin à l’endroit de ceux qui se déclaraient antichalcédoniens. Mais au Sacré-Palais même les monophysites avaient dans la femme de Justinien, Théodora, une auxiliaire toute dévouée. Or, depuis l’insurrection du Nixqc, qui avait amené la révolte d’Hypatius et de Pompée (532), Théodora qui, dans ces journées tragiques, avait sauvé Justinien, prenait, dans les conseils de l’État, une influence croissante. Des entretiens de la basilissa avec un certain nombre de personnalités monophysites, maintenues dans la capitale sous la surveillance de la police, naquit l’idée d’une conférence contradictoire entre chalcédoniens et monophysites sévériens. Sur cette conférence, dont on n’a pas les procès-verbaux, nous sommes renseignés par une lettre de l’évêque Innocent de Maronie qui figure dans les collections conciliaires ; cf. Mansi, Concil., t. viii, col. 817 sq. ; A. C. 0., t. iv, vol. ii, p. 169-184. Sous la présidence d’un magistrat impérial, cinq évêques chalcédoniens discutèrent avec six prélats sévériens (Sévère lui-même n’était pas présent, toujours caché qu’il était en Egypte). Ceci se passait en 533.

Malgré de longues argumentations, il fut impossible d’amener les sévériens à reconnaître l’orthodoxie de Chalcédoine et de la formule des deux natures. Contre le concile ils avaient un autre grief : pourquoi n’avait-il pas entériné les douze anathématismes cyrilliens ? Pourquoi aussi la politique impériale avait-elle fait insérer aux diptyques la mention du concile ? Au lieu d’amener l’union, cette exigence ne pouvait qu’accroître les divisions et provoquer le scandale des fidèles. Citer les Pères de Chalcédoine dans la liturgie, c’était citer Ibas et Théodoret, leur donner un brevet d’orthodoxie ! Que l’on ne dise pas que l’évêque de Cyr n’avait été reçu qu’après avoir anathématisé Nistorius ; c’est en se moquant du concile qu’il avait prononcé cette formule, comme il ressortait de ses derniers mots ; cf. ci-dessus, col. 1882. Première manifestation officielle contre ce qu’on appellera bientôt les Trois-Chapitrcsl À la suite de ces discussions, les sévériens firent tenir à l’empereur leurs griefs dogmatiques contre les orthodoxes ; ils reprochaient à ceux-ci de ne pas confesser le Deus passus carne, VUnus de Trinitate passus, la formule : Ejusdem esse personne tam miracula quam passiones. Le basileus fit venir le patriarche de la capitale et le président de la conférence, lesquels répondirent que ces formules ils les acceptaient moyennant un certain nombre de précisions. Mais, en définitive, la conférence n’aboutit à rien : le gros des dirigeants du parti monophysite persévéra dans le séparatisme.

Ou plutôt la conférence aboutit à un résultat favorable aux sévérien 1 ;  : elle souleva à nouveau la question de l’UniII de. Trinitate pa$StU qu’avait si énergiquement écartée le pape Hormisdas, celle aussi de la culpabilité îles vieux Antiochiens et de leurs disei pies, Théodoret et Ibas. Pour le moment l’attention se (ixa sur le premier de ces problèmes. Voir l’art. Theol’Ascmri. (Controvtnt). Âatlnkn finit par obtenir du