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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. HABITATION DANS LES AMES

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aussi, si l’on veut, d’une connaissance et d’un amour habituels, mais à condition d’entendre le mot « habituel » au sens où l’emploie saint Thomas, non point d’une connaissance actuelle mais demeurée ou mise en sommeil et restée ou devenue inconsciente. » Galtier, op. cit., p. 206-207. Pour saint Thomas, « habituel » désigne ici simplement la capacité de produire les actes requis. Voir De veritate, q. x, a. 9 corp. ; En sorte que « par la seule participation de la grâce et des vertus de foi et de charité, nous sommes déjà capables de posséder Dieu par la connaissance et l’amour, bien que nous ne le connaissions et ne l’aimions pas encore en acte, comme cela est évident des enfants baptisés ». In I hm epist. ad Cor., c. m (17), lect. 3 (édit. de Parme, t. xiii, p. 180). C’est l’interprétation de Cajétan, In I* m part., q. xliii, a. 3. Cf. A. d’Alès, op. cit., p. 284, et Retailleau, La Sainte Trinité dans les âmes justes, p. 156 sq.

3. Troisième solution : présence substantielle « d’ordre ontologique ». —

Les deux explications précédentes sont criticables uniquement parce qu’on peut n’y voir que des cas d’espèces. Les correctifs qu’on a été obligé d’y apporter (le P. Froget pour la première, le P. Gardeil pour la seconde) montrent qu’il faut envisager une troisième solution, non certes opposée, mais d’une formule plus souple, qui soit capable de rendre compte de l’habitation des personnes de la Trinité dans l’âme, simplement par le fait que cette âme est en état de grâce.

a) La présence ontologique des personnes divines. —

En interrogeant la Tradition, on s’aperçoit que l’Écriture et les Pères, pour justifier la présence spéciale de la Trinité, ne demandent pas autre chose que la présence de la grâce. Avec des images empruntées aux phénomènes naturels les plus expressifs, les Pères présentent les personnes divines comme s’appliquant à la substance même de l’âme pour y marquer leur empreinte, y faire passer leur lumière et ainsi compléter la structure spirituelle du juste. Si Petau a su rappeler d’une manière irréfutable ce point de vue traditionnel, il a eu cependant, avons-nous dit, tort de l’interpréter dans le sens d’une union substantielle. Voir col. 1842. Ce terme doit être réservé à l’union hypostatique, l’union substantielle entraînant l’unité substantielle. On ne saurait dire non plus que la substance de l’âme soit » informée » par la substance divine. Les Pères emploient souvent le mot de « forme » pour désigner l’adhérence du Saint-Esprit à l’âme en laquelle il imprime pour ainsi dire à la manière d’un sceau son image. « Ce n’est pas à la manière d’un peintre que le Saint-Esprit peint en nous la divine essence ; ce n’est pas ainsi qu’il nous rend semblable à Dieu ; c’est lui-même qui, étant Dieu et procédant de Dieu, s’applique, comme ferait un sceau à de la cire, au cœur de ceux qui le reçoivent ; c’est par l’union avec lui-même, 81à rîjç Jtpoç èauxè xotvovlaç, et par la ressemblance (ainsi produite), qu’il fait revivre les traits de l’image de Dieu. » S. CyTille, Thésaurus, ass. 34, P. G., t. lxxv, col. 612 A. Voir Terrien, op. cit., appendice v, Le Saint-Esprit a-t-il en propre un rôle de forme dans notre sanctification ? Doctrine des Pères latins et grecs.

lors, quel que soit le sens propre ou approprié à ilonner à l’action du Saint-Esprit en l’âme, il faut conclure avec le P. de Kégnon : « C’est la présence substantielle et personnelle du Saint-Esprit qui nous sanctifie en formant en nous son empreinte. Sans doute, la grâce habituelle n’est pas le Saint-Esprit, pas plus que l’empreinte de la cire n’est le cachet imprimant. Mais la présence du cachet est nécessaire et pour former l’empreinte et pour la conserver. Car l’flmp ost comme une eau qui ne garde la figure imprimée qu’autant que le cachet demeure en elle comme une sorte de vertu informante. » Donc, « la grâce sanctifiante est une qualité qui affecte la substance même de l’âme. Mais… cette qualité, qui informe l’âme, est le résultat immédiat de la Trinité comme la couleur d’une fleur est le résultat de la présence de la lumière ». Études…, t. iv, p. 484, 562. Si donc la production et la conservation de la grâce sanctifiante est l’effet de la venue en nous de la Sainte Trinité, l’habitation des divines personnes doit correspondre avec cette venue elle-même et précéder, au moins logiquement, la production de la grâce. Dans notre langage indigent et incapable d’exprimer adéquatement les réalités divines, un seul mot peut désigner d’une manière suffisamment claire cette sorte de présence : présence de l’être même de la Déité, présence ontologique.

b) Caractère spécial de cette présence. —

Ce qui distingue cette présence de la présence commune, c’est son caractère amical. Par elle-même, elle doit assurer à l’âme la possession effective des personnes divines qui se donnent à elle. Il y a donc, de la part de la Trinité, comme un abandon de soi et une invitation à jouir amicalement de la présence de l’ami. C’est ce qu’enseigne saint Thomas dans la q. xliii, où nous avons déjà puisé tant d’enseignements : « Nous ne possédons vraiment quelque chose, que si nous pouvons en user ou en jouir », a. 3. Cf. S. Bonaventure, In I am Sent., dist. XIV, a. 2, q. i, et ad 2° m ; cf. dist. XV, part, ii, a. un., q. i ; Alexandre de Halès, loc. cit., tit. 3, a. 2, n. 512, solutio, éd. citée, p. 732 ; Richard de Mediavilla, textes cités par les éditeurs de saint Bonaventure, In 7um Sent., dist. XIV, a. 2, q. i, ad2um, et par le P. Hocedez, Richard de Middleton, p. 280 ; Lessius, De perfec. div., t. XII, c. xi, n. 78.

La production de la grâce dans l’âme confère ce caractère spécial à l’habitation divine qui en est la condition préalable. Si la production de la grâce est réalisée en nous par l’application directe et immédiate que les personnes font de leur substance, il s’ensuit qu’on doit attribuer aux personnes divines et, par appropriation au Saint-Esprit, une certaine causalité d’ordre formel dans l’oeuvre de la justification. Causalité formelle exemplaire, agissant selon un mode qui sans doute nous échappe, mais qu’on ne saurait confondre avec le mode de causalité dans la création et la conservation de l’être naturel : suffisante, par conséquent, à justifier un mode nouveau de présence, puisqu’elle exige en l’âme juste la présence immédiate de la Trinité. « La raison de la présence spéciale de Dieu dans les âmes justes est un effet de Dieu qui est en elles et n’est pas dans les autres créatures. Or, cet effet ne peut pas être un acte : s’il en était ainsi, Dieu ne serait pas dans le juste endormi autrement qu’il n’est dans les autres créatures. Il faut donc que cet effet soit une disposition (aliquis habilus) : c’est à raison d’elle que le Saint-Esprit habite l’âme juste. » S. Thomas, In / » Sent., dist. XVII, q. i, a. 1, sed contra 3°.

Cet effet, qui n’existe que dans les âmes justes, est un effet assimilateur, qui imprime dans l’âme une image de la Trinité bien plus parfaite que celle qu’y dépose l’acte simplement créateur. Celle-ci est lointaine et ne dépend nullement du mode de faction dont elle résulte ; celle-là, au contraire, est incomparablement plus parfaite et dépasse l’autre de toute la supériorité du surnaturel sur le naturel : elle va même jusqu’à reproduire les traits les plus particuliers des personnes divines. Et c’est par là que se trouve respectée la loi des appropriations : Notre ressemblance avec-Dieu, pour être due à l’action commune ou plutôt unique des trois Personnes, n’exclut pas que s’y puisse discerne ! <lfs aspects correspondants à leurs tr ; its particuliers. Le don de sagesse, qui nous fait connaître Dieu, est proprement représentatif du Fils ; et de nu in. l’amour (la charité) qui nous permet d’aimer Dieu est