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    1. TRINITE##


TRINITE. HABITATION DANS LES AMES

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sellement admis que Dieu est présent par son essence partout où s’exercent sa puissance et sa providence. C’est la présence d’immensité. Mais il suit de là que » plus une créature participe à son opération et à sa grâce, plus elle est le lieu de Dieu ». S. Jean Damascène, De fide orth., . I, c. xiii, P. G., t. xciv, col. 852 B. « Dieu donc, agissant dans l’âme pour y produire des effets qu’il ne produit nulle part ailleurs, peut et doit être considéré comme y étant particulièrement présent. A eux seuls, ces effets exigeraient la présence de son essence, et ainsi peut-on dire que si Dieu, par impossible, n’était point substantiellement présent partout, il le serait du moins à l’âme juste, qui ne peut être transformée à son image sans que lui-même la marque de son empreinte. » P. Galtier, L’habitation des trois personnes, Paris, 1928, p. 155.

A cette explication on peut reprocher « de ne pas établir une distinction assez marquée entre le mode de présence propre aux âmes justes et celui qui leur est commun avec tous les êtres ». Id., ibid., p. 156. Le P. Terrien, qui met en valeur cette manière de voir, reconnaît explicitement sur ce point la faiblesse de l’explication. Il pense toutefois résoudre la difficulté en montrant que, « s’il arrive que des effets, comme ceux de la grâce et de la gloire, soient d’un ordre excellemment supérieur et surpassant à l’infini les autres ouvrages sortis de la main divine, Dieu sera dans la créature qui les reçoit d’une manière infiniment plus intime que dans le reste de la création ». La grâce et la gloire. 1. i. p. 246.

Autre objection, déjà formulée contre l’explication de Ripalda : « Ce n’est pas tout un d’opérer sur un être et d’être présent en lui ». La présence èvépYeiqt n’est pas la présence oùa’ux. xai èvurràp^si. Mais, répond en substance Terrien, en l’action divine, il ne faut pas distinguer substance et opération : « La grâce est un rayon dans lequel le foyer qui l’émet passerait tout entier ; elle est encore une eau jaillissante qui, venant baigner l’âme, y porte la source même d’où elle est sortie. » Ibid., p. 245.

2° Solutions préconisant une « présence substantielle » des personnes divines. —

La Tradition, qui est ici la seule règle possible de nos traductions humaines touchant les réalités divines, semble exiger quelque chose de plus que ce qu’apportent les solutions précédentes. Entre la présence divine qui se rattache à l’opération et celle qui se rattache à la substance, il doit y avoir plus qu’une différence de degré ; il y a une différence d’espèce. Aussi doit-on parler de présence substantielle.

Il ne semble pas possible, en effet, d’entendre autrement les textes de l’Écriture, où il est répété avec tant d’insistance que le Saint-Esprit et les autres personnes de la Trinité viennent en nous, habitent en nos coeurs « comme dans un temple ». Le Saint-Esprit est expressément désigné comme le « gage », V « empreinte », la « marque » laissée en nous par Dieu en vue de notre rédemption et de notre salut. Cf. II Cor., i, 21 sq. ; Eph., i, 13 ; iv, 40. « Il est impossible, déclare Suarez, que ces locutions et autres semblables dont est émaillée l’Écriture, puissent s’entendre de la seule infusion de la grâce créée ; il faut, pour en rendre compte, admettre que la personne divine est envoyée à l’âme d’une manière plus personnelle. » De Trin., t. XII, c. v, n. 8. La doctrine des Pères sur ce point est aussi nette que possible. On l’a vu plus haut, col. 1835 sq. Quant aux théologiens, c’est la presque unanimité qui enseigne une présence substantielle des personnes. « Le don de la justification n’est pas constitué par le seul don de la grâce créée et inhérente, mais encore et surtout par le don de la grâce incréée et inhabitante… Bien plus, la grâce créée n’est accordée qu’en vue de la grâce incréée, car l’homme ou toute autre créature (intelligente) ne pourrait entrer dans la société divine, si auparavant ne lui étaient infusés les principes intérieurs d’opération et de béatitude surnaturelles, qui sont précisément les dons de la grâce habituelle. » Billot, De Deo trino, p. 648.

On a vu comment Pierre Lombard a excédé en n’admettant que la présence substantielle de l’Esprit Saint et non la grâce créée. Saint Thomas a bien marqué cependant le point de vue du Maître des Sentences : « Par là, dit-il, il exclut l’erreur de ceux qui disent que, dans la procession (mission) temporelle, le Saint-Esprit n’est pas donné, mais seulement ses dons. » In I am Sent., dist. XIV, expos, textus ; cf. Sum. theol., I », q. xliii, a. 3. Voir aussi Albert le Grand, Summa, I », q. xxxii, memb. i. Chez les thomistes, la cause est d’avance entendue : « Il est certain que dans la justification sont donnés à l’homme les dons de la grâce et de la charité…. mais encore la personne même de l’Esprit-Saint dans sa substance. Doctrine tellement certaine, que le sentiment opposé serait une erreur. » Banez, In 7 iiii, q. xliii, a. 3. Alexandre de Halès, saint Bonaventure et son école, Scot et ses disciples et jusqu’aux nominalistes ne pensent pas autrement. Cf. Alexandre, Summa, I », q. Lxxiii.memb. iv ; S. Bonaventure, In II am Sent., dist. XXVI, a. 1, q. ii ; Scot, Occam, Biel, Durand de Saint-Pourçain dans leurs commentaires de la dist. XIV. Saint Bonaventure fait même à ce sujet une remarque digne d’être signalée. Il se demande si, dans l’âme juste, la grâce est un don créé ou incréé. Le don incréé ne fait pour lui aucun doute : c’est l’Esprit Saint et « cela est déterminé par la foi et par l’Écriture : qui dirait le contraire serait hérétique ». Quant à l’existence du don créé, il en est moins certain, quoiqu’il l’estime beaucoup plus probable. On sait que depuis le concile de Trente, sess. vi, c. vu et can. 11, le doute n’est plus possible. Cf. Terrien, op. cit., t. ii, appendice i, Quelques textes des anciens scolastiques sur la grâce créée et la grâce incréée et sur le rapport de l’une à l’autre.

Les théologiens grecs sont également unanimes. Il suffira de citer Veccos, Liber inscriptionum, viii, dans Làmmer, Scriptorum Grœciie orth. bibliotheca selecta, Fribourg-en-B., 1866, t. i, p. 587 sq. ; cf. P. G., t. cxli, col. 673 sq. ; Bessarion, Apologia inscriptionum Vecci, id., ibid., p. 564 sq. ; cf. P. G., t. clxi, col. 969970. Voir aussi Arcudius, dans le premier de ses Opuscula aurea ; ici t. i, col. 1773. On consultera aussi, de Bessarion, le discours tenu au concile de Florence, Or. dogmatica, c. vii, viii, dans Hardouin, Concil., t. ix, p. 355.

On notera ici qu’en déclarant que « l’unique cause formelle (de la justification) est la justice de Dieu, non celle par laquelle il est juste lui-même, mais celle par laquelle il nous justifie », justice qui nous est « inhérente », le concile de Trente, sess. vi, c. vii, can. 11, Denz.-Bannw., n. 799, 821, n’a voulu que condamner l’erreur protestante de la justification extrinsèque. La doctrine de la présence substantielle de la Trinité dans l’âme comme appartenant à l’élément formel de la justification n’en est pas pour autant atteinte. Il semble même que le concile présuppose notre doctrine et l’insinue, en enseignant que Dieu est la cause efficiente de la justification parce qu’ « il nous marque et nous oint de l’Esprit-Saint promis », et « que la grâce et la charité sont répandues dans nos cœurs par l’Esprit-Saint », etc. Sans doute, il ne faut pas concevoir l’Esprit-Saint comme « informant » l’âme juste : la présence substantielle de la divinité en nous doit être plutôt considérée comme le terme de la relation nouvelle qui s’établit par la grâce entre l’âme et Dieu et dont la grâce créée est elle-même le fondement. Cf. S. Thomas, In I* m Sent., dist. XIV, q. ii, a. 2, ad2um ; S. Bonaventure, In II aBi Sent, dist.