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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LES DOCTRINES ANTITRINITAIRES

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deur de la gloire de Dieu ; et il est ensemble aussi vray Dieu ». Texte latin dans Corp. Reform., t. xxxvii, col. 389-390. — Dans une lettre adressée aux pasteurs, Gentilis conclut : « Ainsi faisant, je tiens pour certain que vous abolirez, par l’esprit de Dieu qui habite en vous, tous ces monstres, qui ont si souvent renversé la Trinité et remettrez icelle Trinité en sa première beauté et pureté qui jusques ici a esté délaissée et salie de tant de blasphèmes. » Ibid., col. 399. Condamné, Gentilis abjura le 29 août ; mais au lieu de faire amende honorable en public, il se sauva à Lyon, où il publia ses Antidota : seul, le Père est àuTO0e6ç, essentiator ; le Fils est ëTepo6e6ç, essentialus. Quant à la « personne » du Père, elle est « magique, sophistique, fictive, fantastique, diabolique ». Cf. Trechsel, op. cit., t. ii, p. 333, note 5. Après un bref séjour en Pologne, Gentilis revint à Gex et fut repris par le gouvernement bernois qui le fit décapiter, 10 septembre 1566, comme blasphémateur et parjure. Voir l’exposé de toute l’affaire dans Corp. Reform., t. xxxvii, col. 365-420.

Enfin, François Stancaro de Mantoue, réfugié en Suisse, dut partir également pour la Pologne († 1574). Il n’est antitrinitaire que parce qu’il cherche à écarter de l’essence divine tout ce qui, dans l’œuvre de la rédemption, pourrait en compromettre l’immutabilité. Son antitrinitarisme se résout, en fin de compte, en un nestorianisme très accentué.

Pour être complet, il faudrait citer les théologiens polonais antitrinitaires : Pierre Gonesius (Goniadski), pasteur à Wengrow, dont les idées offrent une grande analogie avec celles de Servet, Grégoire Pauli, Statorius et son disciple Rémi Chelinski. On a vu comment, après le synode de 1562, un schisme se produisit parmi les protestants polonais, entre trinitaires et unitaires. Les antitrinitaires eux-mêmes se divisèrent en partisans et adversaires de la préexistence de Jésus-Christ. Franz Davidis poussa la logique du système antipréexistentiel en refusant l’adoration au Christ, quatenus homo. Désormais, l’histoire de l’antitrinitarisme polonais se confond avec l’histoire du socinianisme. Sur tous ces auteurs on consultera la correspondance et les œuvres de Calvin, cf. VIndex historique, à la fin du t. l du Corpus Reformatorum.

Le socinianisme. —

Sur l’histoire et les doctrines antitrinitaires des sociniens, voir t. xiv, col. 2326 sq. Il ne serait pas difficile de montrer que, si l’erreur de Michel Servet procède d’un mélange de sabellianisme et de mysticisme platonicien, celle des Socins suit plutôt l’impulsion de Paul de Samosate, avec son rationalisme plus ou moins moraliste. Socin, c’est Servet, moins sa métaphysique. Pour bien comprendre l’antitrinitarisme socinien, il faut le replacer au point de vue de son temps : c’est un rationalisme supranaturaliste.

Il cherche surtout à ramener les doctrines chrétiennes à des conceptions conformes aux exigences de la raison, mais en mémo temps, il croit à une révélation surnaturelle contenue dans la Bible et, par conséquent, il s’ingénie à interpréter l’Écriture sainte de manière que ses enseignements soient toujours et en tout d’accord avec la raison… Par conséquent tous les dogmes contraires à la raison doivent d’avance être considérés comme non-scripturaires…

La doctrine de la Trinité est contraire à la raison :

1. parce qu’elle enseigne l’existence de trois personnes divines sans pouvoir rétablir d’une manière acceptable l’unité de Dieu qu’elle nie et que, dans les vains eflortt de la théologie traditionnelle pour échapper à cette conséquence, elle tombe fatalement ou dans le trithélsme ou dans le modalisme ;

2. parce qu’en attribuant à chaque personne divine des propriété* distinctes, elle Introduit l’imperfection dana la nature divine, puisque les propriétés distinctes de l’un manquent aux deux autres ;

3.parce que l’Idée de génération est Inapplicable à l’Être divin et suppose la profonde subordination de l’être engendré qui ne tire pas son existence de lui-même ;

4. parce qu’au chapitre de l’incarnation du Fils, vrai Dieu et vrai homme, elle aboutit à stipuler l’existence d’une seule personne ayant deux natures, personnelles toutes les deux, de sorte que le Christ est a la fois infini et fini, parlait et imparfait, impassible et souffrant, impeccable et tenté, prié et priant, etc.

Cette doctrine n’est pas moins contraire à l’Écriture, qui insiste partout sur l’unité rigoureuse de Dieu. Les trois termes de la trilogie chrétienne, Père, Fils et Saint-Esprit, correspondent à trois éléments essentiels de la dispensation chrétienne, mais non à la métaphysique trinitaire. Le passage des trois témoins (I Joa., v, 7) n’est pas authentique et, quand il est dit que le Père et le Fils sont un, cette expression ne doit s’entendre que de leur accord en volonté, en intention et en action… A Réville, art. cit., p. 387-388.

Parmi les disciples des Socins, Jean Crell (Crellius) est celui qu’ont le mieux connu nos théologiens catholiques. Petau lui a consacré presque entièrement le 1. III de son De Trinitate, s’appliquant dans les c. i, ii, iv, à réfuter les arguments de Crell contre la divinité du Fils ; dans le c. iii, à montrer qu’on ne peut refuser au Christ d’être Dieu comme le Père ; dans les c. vu-vin, à venger la divinité du Saint-Esprit ; enfin, dans les c. ix-x, à rétablir la vérité du mystère tout entier de la Trinité. Bossuet, d’une manière plus générale, attaque à plusieurs reprises la doctrine et surtout l’exégèse de Crell. Voir Le Nouveau Testament de Richard Simon, dans Œuvres, Paris (Lachat-Vivès), t. iii, l re instr., n. 14, p. 392 ; 2e instr., n. 2, p. 479 ; Défense de la Tradition et des Saints Pères, t. III, passim, t. iv, p. 74 sq. L’évêque de Meaux s’attache également à réfuter les erreurs sociniennes en général. Voir la 2e instruction citée et les Avertissements aux protestants, 1 effet 6e avertissements, ibid., t. xv, p. 181 sq. ; t. xvi, p. 1 sq. Suarez fait une brève allusion aux hérétiques de Transylvanie, De Trinitate, t. II, c. iv, n. 3, renvoyant à Bellarmin, De Christo, 1. 1. (Il s’agit de la divinité et de la préexistence du Christ.)

En général, les sorbonnistes ont accordé une grande attention aux erreurs trinitaires des sociniens. On verra plus loin que cette préoccupation a donné à leurs traités une allure nouvelle. Voir Tournely, De Trinitate, q. i, a. 4 (réfutation de Michel Servet, de Gentilis et des sociniens) ; Witasse, id., q. ii, sect. ii, n. 15-16 ; sect. iii, n. 12-13 ; q. iii, a. 2, passim ; q. iv, a. 2, sect. i (préexistence du Christ) ; sect. n (éternité du Christ) ; sect. m (consubstantialité du Christ par rapport au Père éternel) ; a. 3, divinité du Saint-Esprit ; et les autres.

L’unilarisme. —

Au point de vue doctrinal, il y a peu de chose à ajouter à ce qui a été dit sur le socinianisme et l’antitrinitarisme, en ce qui concerne l’unitarisme, qui n’est autre que la transposition en Angleterre et en Amérique des théories sociniennes.

Les idées antitrinitaires furent apportées en Angleterre par les juristes italiens, notamment Pierre Vcrmigli et Bernardin Ochino. On doit y ajouter, venant d’Espagne, Enzinos ou Dryandcr ; de France, Pierre Alexandre ; de Strasbourg, Buccr et Fagius ; de Pologne, Jean de Lasco qui fut le fondateur de « l’Église des étrangers » en Angleterre.

En principe, l’Église des étrangers proclamait le dogme de la Trinité. Bientôt cependant les unitaires y marquèrent leur point de vue. Voir Unitariens. Bernardin Ochino fut à leur tête, avec ses Labyrinthes et ses Trente dialogues sur la Trinité. Après Ochino et dans les dernières années d’Elisabeth, l’unitarisme fut représenté par l’espagnol Antonio Corrao. Dans son ouvrage, L’œuvre de. Dieu, il incline, au sujet de la Trinité, vers des solutions subordinatirnncs. L’architecte Italien Jacques Acontius déclara, dans ses Stratagèmes que la connaissance du mystère trinitaire n’était pas nécessaire pour le salut. L’assemblée de Westminster de 1048 condamna fc. idées