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    1. TRINITE##


TRINITE. LES PREMIERS REFORMATEURS

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qui sont obscurément monstrées en l’Escripture ». Loc. cit., n. 3. Il justifie Yhomoousios contre Arius et Sabellius, n. 4. Cf. n. 16, 22. La distinction est nettement marquée entre « le Père, sa Parolle et le Sainct Esprit », distinction, mais non division ; distinction de toute éternité et qui n’a pas eu son origine depuis que le Fils a pris chair, n. 17. Les comparaisons tirées des choses humaines donnent difficilement une idée de ce mystère : il faut ici être très prudent afin de ne pas donner « occasion de mesdire aux méchants et aux ignorans de s’abuser », n. 18. Il n’est pas jusqu’à la doctrine catholique des relations qui ne soit accueillie d’une façon nette : « Car en chacune personne toute la nature divine doit être entendue avec la propriété qui leur compte… Le Père est totalement au Fils et le Fils totalement au Père, comme lui-même l’affirme (Joa., xiv, 10 sq.)… Par ces mots, dit saint Augustin, dénotans distinction, est signifiée la correspondance frelatio) que les personnes ont l’une à l’autre ; non pas la substance, laquelle est une en toutes les trois », n. 19. C’est encore la meilleure solution des difficultés : « Le plus seur est de s’arrêter à la correspondance, selon qu’il (Augustin) le déduit », n. 19. À la fin du chapitre, Calvin justifie le langage moins précis de certains Pères, notamment d’Irénée, n. 27, de Tertullien, n. 28, de Justin et d’Hilaire, n. 29.

Le catéchisme de Calvin, comme celui de Luther, sait allier l’aspect spéculatif et l’aspect pratique du mystère. En voici les passages essentiels : « En une seule essence divine, nous avons à considérer le Père, comme le commencement et l’origine ou la cause première de toutes choses ; son Fils qui est sa Sagesse éternelle ; le Saint-Esprit, qui est sa vertu et sa puissance, répandue sur toutes les créatures et qui néanmoins réside toujours en lui… En une même divinité nous concevons distinctement trois personnes et Dieu pourtant n’est pas divisé. — Si nous sommes enfants de Dieu, ce n’est pas par nature, mais seulement par adoption et par grâce… au lieu que le Seigneur Jésus, qui est engendré de la substance de son Père et qui est d’une même essence que lui, est appelé à bon droit son Fils unique. Car il n’y a que lui seul qui le soit par nature. — Le Saint-Esprit habite dans nos cœurs… nous illumine pour nous faire connaître ses grâces ; il les scelle, les imprime dans nos cœurs et les y rend efficaces… » Le catéchisme de Genève, de Calvin, en français moderne, Paris, 1934, p. 23, 30-31, 43.

2. Discussions avec Caroli. —

La doctrine trinitaire de Calvin fut néanmoins suspectée, en raison de la discussion qu’il eut avec Caroli, moine apostat de Paris, qui, en 1537, avait sommé Calvin de souscrire aux trois symboles des Apôtres, de Nicée et d’Athanase, afin de prouver son orthodoxie. Calvin s’y refusa. Dans un tract tout populaire, son ami Farel avait exposé le dogme de la Trinité en évitant les termes de l’École. On avait accusé Farel de partager les idées de Servet. Ces termes n’étaient pas non plus dans le catéchisme que Calvin et Farel venaient de publier ; et pourtant, dans V Institution de 1536, on les lirait. Devant le synode de Lausanne (14 mai 1537), Calvin lut une confession sur la Trinité, où il fait appel à « l’expérience active plus certaine que toute spéculation oisive » ; il proclamait la divinité du Fils « apprise par une expérience certaine de piété, certa pietatis experientia ». On retrouve ces expressions soit littéralement, soit substantiellement, dans Vinstilution de 1530 et dans le texte définitif de 1559, t. I, c. xui, n. 19. Nous en avons expliqué le sens plus haut. Si, dans sa défense de 1537, Calvin s’en tient à ces expressions, c’est qu’il ne veut pas se séparer ds Farel dans sa justification ; il déclarait accepter les termes reçus, mais ne pas s’y lier, « lafoi ne devant pas être liée à des mots et des syllabes ». Cf. Doumergue, op. cit., p. 97. Voir Defensio pro C. Farello et coUegis ejus, adversus Pétri Caroli calumnias, p. 311-319, dans Calvini opéra, Corp. reform., t. xxxv, col. 293. Ce fut là un sujet d’étonnement et une occasion d’attaque de la part des adversaires de Calvin. Voir, en particulier, iEgidius Hunnius, professeur à Wittemberg, Calvinus judaizans, Wittemberg, 1595 : « Jean Calvin n’a pas eu horreur de corrompre, d’une façon détestable, les passages et les témoignages les plus utiles de la sainte Écriture sur la glorieuse Trinité » (sous-titre).

3. L’affaire Servet. —

Entre la deuxième et la troisième rédaction de l’Institution s’est placée l’affaire Servet. Calvin juge nécessaire d’entrer en polémique avec l’antitrinitaire et de réfuter ses idées. Mais cette polémique n’ajoute rien à ce que nous connaissons de la doctrine du réformateur. Cette polémique a trouvé place dans les derniers paragraphes du c. xiii, n. 20 sq. On en retiendra surtout l’affirmation suivante : ’Que si la distinction des personnes, selon qu’elle est difficile à comprendre, tourmente quelques-uns de scrupules, qu’il leur souvienne que si nos pensées se laschent la bride à faire des discours de curiosité, elles entrent dans un labyrinthe ; et combien qu’ilz ne comprennent pas la hautesse de ce mystère, qu’ilz souffrent d’estre gouvernés par la saincte Écriture », n. 21. Une telle polémique devait rassurer les adversaires de droite ; à gauche, on ne pouvait qu’accuser Calvin de conservatisme étroit. C’est cette accusation qu’on retrouve sous la forme à peine voilée d’une absolution de simple opportunité, chez Harnack : « Si l’on considère la question en soi, il est profondément regrettable que, si près de ce progrès immense (l’adoption de l’antitrinitarisme), la Réforme n’ait pas fait le pas décisif ; mais si l’on pense que les principaux antitrinitaires n’avaient aucune idée de la conception de la foi de Luther et de Zwingle, et se laissaient aller en partie au pire nominalisme, il faut juger que la tolérance vis-à-vis d’eux aurait probablement amené au xvi » siècle, la dissolution de la foi évangélique, tout d’abord dans les pays calvinistes. » Lehrbuch der Dogmengeschichle, 1890, t. iii, p. 665, note 2.

Sur la doctrine trinitaire de Calvin, voir Benjamin B. Werflclds, Calvin’s Doctrine of the Trinity, dans The Princeton théologal Review, oct. 1909, p. 553-652.

Les confessions calvinistes. —

S’il pouvait exister un doute sur la pensée de Calvin, il serait levé par la lecture des « confessions » qu’il a inspirées :

1. La Confession des Pays-Bas :

Art. 9 : Il est donc manifeste que le Père n’est point le Fils et que le Fils n’est point le Père ; semblablement que le Saint-Esprit n’est pas le Père ni le Fils. Cependant ces personnes aussi distinctes ne sont pas divisibles, ni aussi confondues ni mêlées… Le Père n’a jamais été sans son Fils ni sans son Saint-Ksprit, pour ce que tous trois sont d’éternité égale en une même essence. Il n’y a ni premier ni dernier : car tous trois sont un en vérité et puissnnce, en bonté et miséricorde. Le catéchisme de Genève…, appendice, p. lHfi, a. 8 ; cf. p. 180.

Cette doctrine de la Sainte-Trinité a toujours été maintenue en la vraie Eglise depuis le temps des apôtres jusques à présent contre aucuns faux chrétiens et hérétiques… lesquels à bon droit ont été condamnés par les saints Pères… Nous recevons volontiers en cette matière les trois symboles, celui des Apôtres, celui de Nicée et d’Athanase et semblablement ce qui a été déterminé par les anciens, conformément à eux. P. 190.

Art. 10 : Nous croyons que.lésus-Christ, quant à sa nature divine, est Fils unique de Dieu, éternellement engendré, n’étant point fait ni créé, d’une essence avec le Père coôtornel…, étant en tout semblable a lui, lequel est Fils de Dieu, non point seulement depuis qu’il a pris notre nature) mais de toute éternité… P. 191.

Art. Il : Nous croyons ot confessons aussi que le Saint-Esprit procède éternellement du Pèro et du Fils, n’étant point fait ni créé ni engendré, mais seulement procédant DICT. DE THÉOL. CATHOL. T. — XV. — 56.