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ZWINGLIANISME. IDEES SOCIALES


pas sans envie les privilèges dont jouissaient les chanoines du Grossmùnsterstift. C’était la Bastille de Zurich, « un État dans l’État », a-t-on dit (E. Egli), la seule puissance capable de s’opposer à l’ascendant de la municipalité zurichoise. Elle tomba en 1523, à la suite d’une réforme à laquelle elle dut consentir et qui la mit sous la coupe de l’autorité séculière ; l’organisation du chapitre fut aussi remaniée de façon à s’adapter au statut de la nouvelle Église évangélique, mais il garda son droit à percevoir la dîme. Entre temps, Zwingli en était devenu membre (printemps 1521) : il sut à temps corriger sa thèse (cf. Vortrag und Gutachten belrefjend die Reformation des Stifls, septembre 1523, C. R., ii, 609 sq. ; spécialement 615, 11).

b) Parmi les abus que présentait la situation sociale aux environs de 1520, le plus criant, à son jugement, était : le service mercenaire et les pensions (cf. E. Beurle, Der politische Kampf um die religWse Einheil der Eidgenossenschaft, Linz, 1920, p. 15 sq.). Aussi son effort principal porta-t-il de ce côté : préparer l’opinion publique à Zurich, et aussi loin que son influence pouvait s’étendre, à un renversement de la politique de la Confédération et obtenir spécialement de la municipalité de cette ville la condamnation du régime des pensions. Il eut gain de cause (cf. mandat du Il janvier 1521). Avant même de prendre cette décision qui interdisait de recevoir des pensions de l’étranger sous les peines les plus sévères, le Conseil avait refusé d’adhérer à l’alliance française : Zwingli salua ces événements comme « le premier fruit de l’Évangile à ceux de Zurich » (C. R., i, 70). Il poursuivit jusqu’au bout avec une ténacité indomptable cette politique qui pourtant lui valut bien des ennemis (C. R., iii, 484, 23). En 1529, il fit de sa reconnaissance par l’ensemble des cantons une condition sine qua non de la paix, et quelques années plus tôt, à Zurich même, la tête du vieux Jakob Grebel, inculpé d’avoir touché une pension de l’étranger, tomba sous la hache du bourreau. Ce parti pris politique et surtout cette rigueur nous surprennent. Nous avons peine à réaliser tout ce que représentait pour la Confédération, à la troisième décade du xvr 3 siècle, au point de vue national, social, économique, l’abandon du mercenariat. Zwingli en a résumé les dangers en quelques points (cf. Eine gôttliche Vermahnung an die Eidgenosscn zu Schwyz, 16 mai 1522, C. R., i, 155 sq. ; Eine frcundliche Bitte und Ermahnung an die Eidgenossen, 13 juillet 1522, ibid., 210 sq.).

Politiquement, le mercenariat (Solddienst) épuisait les ressources vitales du pays, alors même qu’il paraissait le fortifier en l’alliant à telle ou telle puissance ; mieux valait un isolement apparent, auquel correspondait une force intérieure réelle. Économiquement, il conduisait à abandonner la culture pour un métier plus périlleux, mais aussi plus lucratif. Zwingli se plaint qu’on ne trouve plus assez de bras pour cultiver la terre. Argue-t-on que celle-ci ne suffit pas à nourrir ses habitants, il prétend le contraire, citant même l’exemple de César qui, au lendemain des dévastations de la guerre, renvoie ses compatriotes à la terre comme seule capable d’assurer leur subsistance. Que l’on mène une vie simple et frugale, modère ses goûts et renonce aux besoins que les campagnes à l’étranger ont fait naître, et moyennant quelques échanges la Suisse suffira à faire vivre son peuple. Indépendance politique et autarcie économique, telles sont, traduites en style moderne, les consignes de Zwingli. Mais c’est surtout moralement et socialement qur le système alors en faveur apparaît au réformateur comme pernicieux. Le mercenariat avec le régime annexe des pensions ne se soutient, à son jugement, que par la cupidité insatiable

des hommes ; on y vend à prix d’argent le sang de ses frères. Ceux-ci, quand ils ne périssent pas en campagne, ramènent au pays des vices ou des mœurs nouvelles qui ne cadrent pas avec la simplicité ancestrale et l’idéal évangélique. Une révolution dans les mœurs et les usages de la vie domestique et publique s’accomplit obscurément, tout en se couvrant des titres du prestige et de la gloire. En même temps, des fortunes immenses s’accumulent. Les capitalistes du temps étaient les pensionnés et plus encore les notables des villes, agissant pour le compte de l’étranger dont ils étaient comme les fermiers. Zwingli compte comme bien mal acquis l’avoir d’un capitaine des gardes, qui s’est enrôle au service d’un prince étranger (C. R., ii, 297, 10). Cette nouvelle noblesse d’argent s’alliait souvent à l’ancienne pour faire échec à la Réforme ; raison de plus pour la combattre.

c) Zwingli serait sans doute devenu le Savonarole de Zurich, s’il n’y avait pas eu les anabaptistes. Ceux-ci lui soufflèrent son programme social, et, avec leur esprit étroit et leur biblicisme, ils le transformèrent en un absolu : les chrétiens sont déliés de toute obligation à l’égard de l’autorité, ne sont pas tenus à la prestation de la dîme, etc. (Cf. C. R., ii, 473, 1.) Circonstance aggravante : cette doctrine était prêchée dans les campagnes, dans le temps même où une vague de mécontentement contre les seigneurs, venue d’Allemagne, déferlait sur le canton de Zurich. Une collusion entre l’anabaptisme et le mouvement paysan, qui semble bien prouvée pour les années 15241526 (cf. V. Claassen, Schweizer Bauernpolilik im Zeitalter Ulrich Zwinglis, Socialgeschichtliche Forschungen, hrsg. von St. Bauer und L. Moritz Hartmann, fasc. iv, Berlin, 1899), pouvait dégénérer en insurrection contre l’autorité et ébranler l’ordre social ; en même temps, elle eût discrédité à tout jamais la Réforme aux yeux des autorités et des possédants, à quelque classe qu’ils appartinssent. La municipalité de Zurich et Zwingli lui-même prirent peur. La tactique de ce dernier pour désarmer l’opposition rurale fut de dissocier les paysans des prédicants anabaptistes, en réservant ses rigueurs pour les seconds et en adoptant à l’égard des premiers un ton conciliant, voire en faisant quelques concessions superficielles (ainsi en suggérant l’abrogation de la petite dîme, si la grande était payée ponctuellement, hypothèse d’ailleurs vaine), tout en demeurant intransigeant pour le fond, entendez sur le respect dû à l’autorité, le paiement des intérêts contractés et des dîmes, etc. Les documents de cette crise sont intéressants, car ils montrent que Zwingli avait su gagner la confiance à la fois du Conseil et des paysans, et que notamment le premier s’en rapportait à son jugement en matière économique (cf. les n. 57, 58, 62, 66 du t. iv des Œuvres).

2. Sources et inspiration de la doctrine sociale de Zwingli. — a) À quelles sources puisait et à quelles normes se tenait ce jugement ? La Bible prise dans sa teneur littérale semblait donner raison à l’adversaire : ainsi dans sa condamnation du prêt à intérêt. Mais l’Écriture présentait aussi une autre série de textes et comme une seconde ligne de défenses sur lesquelles Zwingli se replia (cf. Rom., xiii, 1-7 : I Tim., vi, 1 ; I Petr., n. 13-18). Ici il n’est question que de respect de l’autorité et des contrats, de Jostii a et d’équité ; par là même l’Écriture sanctionnait, du moins indirectement, tout ce qui était approuvé par l’autorité et stipulé par contrat, donc le paiement des intérêts et des dîmes, alors même qu’une base institutionnelle, dans l’Ancien ou le Nouveau Testament. f ; iis : iit définit. À cette occasion. Zwingli ne craignit pas de sVmr/rr du principe de In suffisance de V f’rriliirr.