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TRINITÉ. LA CRISE PROTESTANTE
Sanctus simul de Patre procedit et Filio. Hæ tres personæ sunt unus Deus et non tres dii ; qui a trium est una substantia, una essentia, una natura, una divinitas, una immensitas, una aeternitas, omniaque sunt unum, ubi non obviat relationis oppositio.
à la fois du Père et du Fils. Ces trois personnes sont un Dieu et non trois dieux ; les trois, en effet, n’ont qu’une substance, qu’une essence, qu’une nature, qu’une divinité, qu’une immensité, qu’une éternité, et tout en elles est un, là où l’opposition des relations n’empêche pas l’unité.


Dans cet exposé clair et précis de la foi trinitaire, le concile rappelle l’unité divine quant à l’essence, la trinité quant aux personnes et marque chaque personne de sa notion propre : au Père seul convient l’innascibilité ; au Fils, la génération ; au Saint-Esprit la procession du Père et du Fils. La profession de foi conciliaire proclame ensuite la distinction des personnes, indiquant expressément que chacune des trois personnes n’est pas les deux autres et se distingue d’elles par ce qui constitue sa personnalité. Elle indique ensuite que seul le Fils procède par mode de génération et qu’il est engendré « de la substance » du Père, c’est-à-dire qu’il lui est consubstantiel. Elle enseigne que le Saint-Esprit procède à la fois du Père et du Fils ; enfin, elle consacre les dernier progrès de la théologie trinitaire en affirmant qu’en Dieu, substance, essence, nature, divinité et tous les attributs essentiels, dont deux sont expressément nommés, tout est un, là où n’existe pas l’opposition des relations. C’était déjà la formule dogmatique du XIe concile de Tolède, voir col. 1705 ; reprise par saint Anselme, col. 17Il et par saint Thomas, col. 1743. Au concile de Florence, les deux principaux orateurs de l’union, Jean de Montenero pour les Latins, Bessarion pour les Grecs, avaient constaté l’accord unanime des Églises sur ce point de théologie confinant au dogme : Est vero secundum Doctores tam Grœcos quam Latinos, disait le premier, sola relatio, quæ multiplicat personas in divinis productionibus, quæ vocatur relatio originis, ad quam duo tantum spectant, a quo alius et qui ab alio. Et Bessarion : Quod nomina personalia Trinitatis relativa sunt, nullus ignorat. Hardouin, sourit., t. ix, col. 203, 339.


Propter hanc unitatem Pater est totus in Filio, totus in Spiritu Sancto ; Filius totus est in Patre, totus in Spiritu Sancto ; Spiritus sanctus totus est in Patre, totus in Filio.


Nullus ni allium aut prætecte aeternitate, aut excedit magnitudine, aut superest potestate. AEternum quippe et sine suffio est, quod Filius de Patre exstitit ; et aeternum ac sine suffio est, quod Spiritus sanctus de Patre Filioque procedit.


Pater quidquid est aut habet, non habet ab allo, sed ex se ; et est principium sine principio. Filius quidquid est aut habet, habet a Patre, et est principium de principio. Spiritus Sanctus quidquid est aut habet, habet a Patre, simul et Filio. Sed Pater et Filius non duo principia Spiritus Sancti, sed unum principium ; sicut Pater et Filius et Spiritus Sanctus non tria principia creaturæ sed unum principium.
En raison de cette unité, le Père est tout entier dans le Fils, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Fils est tout entier dans le Père, tout entier dans le Saint-Esprit ; le Saint-Esprit est tout entier dans le Père, tout entier dans le Fils.


Aucune personne ne précède l’autre par l’éternité ; aucune n’est supérieure à l’autre par la majesté ; aucune ne surpasse l’autre par la puissance. C’est de toute éternité et sans commencement que le Fils existe du Père ; c’est de toute éternité et sans commencement que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.


Tout ce que le Père est ou possède il le tient non d’un autre, mais de lui-même, il est principe sans principe. Tout ce que le Fils est ou possède, il le tient du Père, il est principe issu de principe.Tout ce que le Saint-Esprit est ou possède, il le tient tout ensemble du Père et du Fils. Et pourtant, le Père et le Fils ne sont pas des principes du Saint-Esprit, mais un seul principe ; tout comme le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont pas trois principes, mais un seul principe des créatures.
Quoscumque ergo adversa et contraria sentientes damnat, reprobat et anathematizat et a Christi corpore, quod est Ecclesia, alienos esse denun tiat.


Denz.-Bannw., n. 703-705
Tous ceux qui professent des doctrines contraires et opposées à ces vérités, le concile les condamne et les anathématise ; il les déclare séparés du corps du Christ, qui est l’Église.




Les premiers mots de cette définition rappellent que les trois personnes, quoique distinctes entre elles en raison de leur origine et de leur relation mutuelle, sont tout entières l’une dans l’autre selon leur communauté d’essence. C’est ce qu’on appelle la circumincession. Voir ce mot, t. ii, col. 2527 ; simple conclusion de la doctrine des relations subsistantes et de leur consubstantialité. Vient ensuite l’exposé de l’enseignement catholique sur l’égalité parfaite des trois personnes, nonobstant les propriétés d’origine, complété par deux affirmations : l’unité du principe de la spiration active ; l’unité du principe créateur en Dieu ; toute action ad extra étant commune aux trois personnes.

Ces définitions de Florence sont demeurées dans l’Église la pierre de touche de l’orthodoxie, quand il s’agit de rappeler aux Orientaux les conditions de l’unité catholique. Voir la profession de foi imposée aux Gréco-Busses par Grégoire XIII (1575), Denz.-Bannw., n. 1084 ; la constitution Nuper ad nos (16 mars 1743) de Benoît XIV, rappelant aux Maronites qu’il leur faut adhérer à la doctrine définie par les conciles, notamment, en ce qui concerne la Trinité, aux définitions de Nicée, Constantinople et Florence. Denz.-Bannw., n. 1460-1461, 1468. Enfin, c’est encore l’adhésion à la procession du Saint-Esprit que Pie X demande aux Orientaux pour s’unir à Rome. Voir la Lettre aux délégués apostoliques de Constantinople, Grèce, Egypte, Mésopotamie, Syrie, Indes orientales. Denz.-Bannw., n. 3035.

Le concile termine en anathématisant ceux qui refuseront de souscrire à la doctrine définie et, reprenant l’expression de saint Paul, Col., 1, 24, il les déclare désormais étrangers « au corps du Christ, qui est l’Église ».


III. La crise protestante et ses répercussions dans la théologie catholique : concile du Vatican et encyclique « Pascendi ».

Tout entiers à ce qu’ils considéraient comme leur œuvre essentielle : établir la justification et le salut de l’homme par la foi en Jésus-Christ, les premiers réformateurs n’ont pas attaqué le dogme catholique de la Trinité. Bien plus, ce dogme leur apparaissait, et à juste titre, comme la condition préalable de la sotériologie chrétienne. On aurait tort cependant de croire que la crise protestante fut sans influence sur la croyance trinitaire. Bien vite, en effet, les cadres traditionnels, conservés par Luster, Mélanchthon, Zwingle et Calvin, furent brisés. Une vague antitrinitaire déferla au sein de la Réforme. Un danger, plus grave encore peut-être, surgit de la philosophie indépendante qui, différentes formes, donna aux assertions dogmatiques des interprétations rationalistes. La réaction de Schleiermacher, s’efforçant de rendre au dogme une valeur réelle devant la conscience chrétienne, l’a simplement dépouillé de toute valeur objective. Ces interprétations ne sont pas seulement un témoignage irrécusable des nouvelles « variations » protestantes en une matière qui semblait en comporter le moins ; elles fournissent une contribution non négligeable à l’histoire du dogme catholique, en raison des répercussions qu’elles ont eues sur la théologie catholique du