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ZWINGLIANISME. ECCLÉSIOLOGIE


toute valeur salutaire, éliminé le caractère de mystère que le seul mot grec de mysterion suffisait à évoquer. Qu’est-il donc resté ? Une solennité chrétienne patriotique pleine de sérieux, une fête du souvenir en l’honneur de la mort rédemptrice du Christ, que Zwingli lui-même compare à la fête qui commémorait pour les gens de Glarus la bataille de Nâfels. La cène eucharistique prend tournure d’action de grâces de la communauté à son Maître et Rédempteur, et elle offre l’occasion de lui vouer à nouveau fidélité et obéissance. Le caractère de Zwingli s’exprime à plein dans cette conception claire et sobre. L’humaniste qui vit en lui rejette les derniers restes de pratique catholique comme entachés de superstition, et le spiritualiste fait en sorte que la relation de l’âme à Dieu reste purement spirituelle. Il est bien certain que, même dans la cène des chrétientés primitives sous la forme la plus ancienne que nous connaissions, des éléments plus puissants et plus réalistes étaient à l’œuvre, liés à des valeurs religieuses plus profondes. Zwingli a modernisé la cène, et en même temps il l’a vidée d’une part de sa signification. Sur un point essentiel, il est en défaut : on ne trouve pas chez lui le sentiment d’une communauté personnelle vivante entre le Christ et ses disciples restés sur cette terre ; il ne reste que le souvenir d’un fait salutaire appartenant au passé. Déjà Calvin ressentit vivement la carence d’une théorie aussi sèche ; c’est la raison pour laquelle il se sentit longtemps plus près des luthériens que des Suisses. Et le fait que la cène calviniste a fini par l’emporter même en Suisse allemande confirme notre impression de l’étroitesse et de la pauvreté de Zwingli en cette matière » (P. Wernle, Zwingli, 1919, p. 218).

b) De nos jours cependant, il ne manque pas d’auteurs, surtout en Suisse, qui affectent de ne pas voir tout ce que l’interprétation zwinglienne de la cène présente de rationalisme desséchant. Ils lui font honneur d’avoir devancé de plusieurs siècles une certaine exégèse symbolisante, qui juge de la cène en fonction du précédent juif (Dalman, Schlatter, Althaus). Pour G. Schrenk (Zwinglis Hauptmotive in der Abendmahlslehre und das Neue Testament, dans Zwingliana, t. v, 1930, p. 176-185), Zwingli, en s’attachant au caractère commémoratif de la cène, a voulu exprimer la pensée d’une communauté avec Jésus, reposant sur un fondement historique, et par là il a prévenu les désirs des théosophes et mystiques de notre temps. De même, Zwingli se meut dans la ligne du christianisme primitif, quand il restitue à la cène son caractère d’action de grâces joyeuse et de repas de communion fraternel ; en revanche le point faible de sa théorie, estime Schrenk, c’est d’avoir négligé l’aspect objectif de la cène, le don que Dieu y fait aux hommes. Déjà Calvin avait adressé à Zwingli la même critique. En vain Fr. Blanke essaye-t-il de la parer (art. cité, dans Monalschrijt fur Pastoralthéologie, xxvii, 1931, p. 320), en distinguant le Zwingli de la maturité de celui des dernières années. Nous avons déjà dit que nous ne croyons pas que les textes autorisent à admettre dans la théorie sacramentaire de Zwingli, et spécialement au sujet de l’eucharistie, une évolution vers plus d’objectivité.

c) Du côté catholique, on ne saurait citer de réfutation plus péremptoire de la doctrine zwinglienne que celle qu’en a donnée Cajétan dans l’opuscule De ermribus contingentibus in Euchuristiæ sacramento (1525). Elle i<e. au delà des position-. de Zwingli en matière eucharistique, m notion de la foi. point cardinal du

me, ci par i.i elli i valeur’! < critique « rncrale de celui-ci. Cajétan formule douze thèses extraites du Commentaire « f. Qutestiones algue omnta (ut pocanhu) quodlibeta Thomm " * Ca/etanl, etc. Lugduni, 1522, fol. 72° q.).

La foi ne s’étend pas aux choses sensibles, argue Zwingli : à quoi Cajétan répond finement que les choses sensibles sont seulement : extrema rerum creditarum, nam mullæ res créditée consistunt in coniunctione rerum sensibilium cum rébus insensibilibus. Aussi bien le Symbole mentionne assez de réalités corporelles qu’il propose à notre foi : le crucifiement, la mort, la sépulture, l’ascension, bref le mystère du Dieu fait homme. Zwingli n’y a pas accès. Hsec omnia corpora sunt ; quomodo ergo dicitur quod ad fidem nullo pacto spectat quidquid corpus est. Il est également faux que la doctrine de la présence réelle conduise à dédoubler la voie du salut : foi au Christ, foi aux sacrements. Ce dualisme se résout, si les sacrements sont les instruments institués par le Christ pour opérer notre salut. Encore une notion étrangère à Zwingli. Par ailleurs, Cajétan rétablit la vérité en ce qui concerne la conception catholique authentique de la présence eucharistique, et il donne de Joa., vi et des paroles de la consécration une exégèse véritable.


VI. Ecclésiologie.

On considérera successivement :
I. La notion d’Église.
II. La notion de ministère.
/II. Comment Zwingli conçoit le rapport des deux communautés : ecclésiastique et civile (Église et État).

I. notion d’église. —

La pensée de Zwingli sur l’Église est traversée par une double opposition : entre Église universelle et Église particulière ; entre Église invisible et Église visible (ou sensible). Ces deux antinomies se partagent entre elles les deux périodes de son activité polémique, dirigée successivement contre les catholiques et contre les anabaptistes. L’année 1525 marque le tournant. Là Zwingli passe d’une opposition à l’autre, et en même temps il effectue, comme on le pressent, un progrès dans le sens du dualisme qui est le fond de sa pensée philosophique : entre l’idéal et le sensible. La notion d’Église, comme celles annexes de foi et de sacrement, est entraînée sur cette pente : c’est dire qu’elle subit certaines altérations, qui sans doute sont le contrecoup de la polémique, mais qui aussi, et ce point n’a pas été suffisamment accentué par les critiques, correspondent à la tournure toujours plus nette et plus consciente de l’esprit de Zwingli. Est-ce à dire cependant qu’entre l’Église des dernières œuvres (1530) et celle des premières (1523) il n’y ait point de ressemblance ni de commune mesure ? Certains l’ont pensé, et à prendre superficiellement la définition de l’Église ici et là : communauté des croyants, communauté des élus, on serait tenté de leur donner raison. Mais c’est là une erreur, et l’homogénéité du concept d’Église à travers les œuvres de Zwingli est plus grande qu’on ne le croit. On s’en apercevra en parcourant celles-ci rapidement dans l’ordre chronologique.

Autre remarque : dans la première période qusqu’en 1525), l’audition de la Parole (plutôt que la prédication ) joue un rôle important dans la constitution de l’Église, et le dualisme entre Esprit et Parole, que nous avons étudié plus haut, se fait jour. Dans la seconde, c’est plutôt la profession de foi publique, on. ce qui, pour Zwingli, revient au même, le sacrement, qui est mis en évidence (contre les anabaptistes). Cette constatation a son prix, car. en même temps que la profession de foi. c’est un nouvel aspect de l’Église qui apparaît. Naguère, Zwingli avait surtout insisté sur la foi intime et Vécue, gage d’appartenance à la véritable Fglise ; cette fois, il met plutôt l’accent sur la profession extérieure et publique de foi et ili fraternité chrétienne, spécialement à l’occasion de la réception des sacrements (baptême et inme

démonstration extérieure ne correspond pas toujours aux sentiments Intll : i pu voir que