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ZWINGLIANISME. EUCHARISTIE


/II. l’eucharistie. — La doctrine eucharistique de Zwingli est-elle d’une seule venue ? Et comment l’apprécier ? Cette question a reçu des réponses diverses et la solution dépend sans doute en partie de la méthode adoptée. Il nous paraît que le plus sûr est d’abord (1°) de considérer cette doctrine telle qu’elle est fixée dans les principaux ouvrages de Zwingli ; puis (2°) de remonter et de la saisir à l’origine ; après quoi (3°) nous envisagerons les derniers développements qui gravitent autour du colloque de Marburg (1529). Celui-ci a été commémoré en 1929 par luthériens et calvinistes, qui se sont retrouvés, après quatre siècles écoulés, dans une position semblable à celle de Luther et de Zwingli et de leurs partisans : alors, comme jadis, il fallut renoncer à la célébration commune de la cène. Aussi l’examen de cette doctrine a-t-il un intérêt supplémentaire d’actualité. D’autre part, si la distance entre Zwingli et Luther devient surtout sensible sur le point de la cène, c’est que les thèses spiritualistes du premier se trouvent ici portées à leur maximum de tension : c’est donc à une épreuve de force qu’est soumis ici tout son système. Et c’est dans cette perspective élargie qu’il convient d’insérer les ouvrages et péripéties que nous allons brièvement repasser. Leur étude complète exigerait du moins un regard sur les innovations liturgiques de Zwingli : elles achèvent de faire saillir et elles illustrent les implications de la doctrine (cf. Joh. Bauer, Einige Bemerkungen iiber die àltesten Zùricher Lilurgien, dans Monatschrifl fiir Gollesdiensl und kirchliche Kunst, xvii, 1912, fasc. 4-6 ; et la notice de V. Kôhler, C. R., iv, p. 1-9. Quant aux œuvres, cf. De canone missæ epichiresis (29 août 1523), C. R., il, 552 sq., avec YApologia (9 octobre 1523), ibid., 617 sq. ; Vorschlag wegen der Bilder und der Messe (mai 1524), C. R., iii, 114 sq. ; et surtout : Aktion oder Brauch des Nachtmahls (mars-avril 1525), C. R., iv, 13 sq.). Une simple référence suffira, qui donne le ton et le cadre de ce qui suit : « nous espérons à la Pâque prochaine (1525) pouvoir accomplir le rite chez nous de la manière suivante : Nous dresserons une table, placerons le pain et le viii, et dirons que par ce sacrement grâces sont rendues (à Dieu) et les chrétiens sont unis entre eux » (Lettre à Franz Lambert, C. R., viii, 277, 4 ; cf. ibid., v, 599-602 ; 726).

Ouvrages eucharistiques.

1. La 18e des Schlussreden

(Auslegung der 67 ScMussreden, juillet 1523) est dirigée contre la messe, renouvellement du sacrifice du Christ. Zwingli fait ici cause commune avec Luther ; tout au plus une variation d’expression s’accuse-t-elle entre eux. Luther parle de « testament », Zwingli de « mémorial » (Wiedergedàchlnis, C. R., ii, 137, 32 sq.), le premier insistant davantage sur la réalité ou gage que le Christ nous laisse de la Rédemption accomplie, le second sur l’acte par lequel la communauté assemblée en son nom commémore le bienfait du Calvaire. Cependant, dans cet écrit initial (plus rarement dans la suite, cf. cependant l’image de l’anneau nuptial, C, R.. iv, 858, 3), Zwingli ne refuse pas de voir dans le sacrement (C. R., ii, 122, 5), et spécialement dans la cène, un signe sûr ou sceau » (ibid., cf. C. /{., ii, 125, 7 : « signes ou gages » ) de la rémission des péchés, du moins pour les faibles. Cette clause est essentielle : « Quand ils croient fermement que le Christ les a racheté ! sur la croix et dans cette conviction mangent sa chair et boivent son sang, reconnaissant Qu’ils leur sont donnés en assurance de salut, Irurs péchés leur sont pardonnes, comme si le Christ était mort sur la croix peu de temps auparavant’(ibid., 127. 22). C’est là sans doute, de tous les traités eucharistiques de Zwingli, le passage le plus réaliste. Voir aussi Ibid., 143, 16 sq. Ailleurs il a soin de dissocier du rite eucharistique les fruits de la rédemption acquis à la foi (cf. Arnica Exegesis,

C. R., v, 673, 14 : At illam dudum ederat, cum filio Dei flderet, et Antwort iiber Straussens Bùchlein, ibid., 500, 10 : Dann das næhtmahl ist nit zuo ussbreiten des gloubens oder meren yngesetzl, etc.).

Mais si Zwingli et Luther sont unanimes à condamner la messe, la pensée sacrificielle est néanmoins plus présente à l’esprit du réformateur suisse que de l’allemand. On peut dire avec P. Wernle (Zwingli, p. 61 sq.) qu’entre eux ils se sont partagés les deux aspects de la tradition : sacrifice et sacrement, exception faite, bien entendu, des déviations qu’ils leur ont fait subir. Qu’est-ce donc que la cène pour Zwingli dans les ScMussreden ? « Une action de grâces intime pour le bienfait et un mémorial de la Passion humiliante (du Sauveur) qui nous a réconciliés avec Dieu, ce qui ne saurait manquer de combler de joie le fidèle, au point qu’il ne sache exalter et glorifier assez la munificence de Dieu » (C. R., ii, 137, 20). C’est là une constante de la pensée zwinglienne en la matière : mettre l’accent sur le caractère joyeux et fraternel de la cène. Zwingli rencontre ici des valeurs chrétiennes authentiques ; il peut d’ailleurs s’appuyer sur le terme d’eucharistie ou de synaxe, synonymes d’actions de grâces et d’assemblée fraternelle (cf. C. R., iii, 775, 20 ; 807, 11).

Ici, comme quand il s’agit du sacrement en général (cf. supra, col. 3812), la philologie semble lui donner raison. Cependant, chez Zwingli, le mémorial de la Croix du Christ, perdant tout réalisme, ressemble à une fête liturgique quelconque (cf. C. R., v, 661, 12) ; bien plus, il tend à être assimilé à une fête du souvenir civique ou patriotique (cf. C. R., iv, 218, 6) ; et s’il reprend son sens religieux, c’est seulement comme repas de communion fraternelle. Ce trait n’est pas encore accusé ici. En revanche les Schlussreden contiennent une longue digression sur le ch. vi de saint Jean, qui amorce les développements futurs (C. R., ii, 142-3). « Voyez donc, conclut-il, le corps et le sang du Christ ne sont pas autre chose que la parole de la foi, savoir que son corps immolé pour nous et son sang répandu pour nous nous ont rachetés et réconciliés avec Dieu ; ai nous croyons cela fermement, notre âme est nourrie et abreuvée de la chair et du sang du Christ » (ibid., 143, 11). L’interprétation symbolique s’annonce. Quand ce texte aura évincé tous les autres et subi l’attraction du système zwinglien, elle sera acquise.

Dans la lettre à Wyttenbach (15 juin 1523 ; C. R., vm, 84 sq.), Zwingli nie la transsubstantiation ; il se prononce contre la sainte Réserve (ego pulo eucharistiam in usu tantum esse et, si usus absit, abesse etiam eucharistiam, viii, 87, 3), exalte la foi au détriment du sacrement (ibid., 86, 23 sq. ; 87, 20). Il n’y a de présence réelle que pour la foi : Zwingli le manifeste à l’aide d’une figure. De même qu’il but frapper la pierre pour en faire sortir le feu, « le Christ n’est contenu sous l’espèce du pain que si on l’y cherche p ; « r la foi ; bien plus il est mangé, mais d’une manière admirable que le fidèle ne doit pas scruter anxieusement » (ibid., 88, 7 sq.). Zwingli déclare s’exprimer librement ; cependant il ne va pas jusqu’au bout de sa pensée : À duc multa sunt, quar coram fortasse Irmpestii’ius comme ntaremur quam literis… (ibid., 88, 19). On peut présumer qu’il s’agit ici de développements concernant V interprétation symbolique vers laquelle, nous le pensons, Zwingli s’orientait dès cette période.

2. Dix-huit mois cependant devaient encore s’eioiiler avant qu’il la proposât ouvertement. Dans 1rs traités de cette seconde période que nous niions succinctement passer en revue (et auxquels il taul | oindre In lettre à Franz Lambert et aux Strasbourgcois, C. R.,