Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3741
3742
ZWINGLI. ŒUVRES

lière, par des « semences du Logos », selon l’expression d’un saint Justin, et non par les forces de la raison pure. Il est donc éminemment fidéiste. Et tout de suite, il confond entièrement ces deux termes : religion et christianisme. Ce qu’il entend donc par la vraie et la fausse religion, ce n’est pas le moins du monde une opposition entre le christianisme et les religions païennes, mais uniquement une opposition entre sa religion à lui et le catholicisme. Voici le plan de cette théologie : En deux chapitres initiaux, il parle de la nature de Dieu, et de celle de l’homme déchu. Il parle ensuite de la religion révélée dans l’Ancien Testament et du christianisme. Les chapitres sur l’Évangile, la pénitence, la loi et le péché sont les plus importants pour la théologie zwinglienne. Ils ne contiennent du reste, pour nous, rien de nouveau. Un chapitre spécial est consacré au péché contre le Saint-Esprit, qu’il identifie avec l’incrédulité et qui est, logiquement, le seul irrémissible, puisque l’on ne peut être sauvé que par la foi. Tout ce qui précède constitue la pars construens, la partie positive du traité. Mais l’auteur n’oublie pas les attaques contre la religion catholique. Il critique, comme d’ordinaire, en autant de chapitres, le pouvoir des clés, la conception catholique de l’Église et des sacrements. Il expose sa théorie toute symbolique du baptême, puis de l’eucharistie, et c’est le premier traité où il expose très en détail sa doctrine eucharistique.

Il ne cache pas, dès le début du chapitre consacré à ce sacrement, qu’il a fait des progrès, depuis la publication de son Exposition des thèses de 1523, et qu’il a résolu de proclamer désormais la vérité sans atténuation pour les faibles. Le progrès consiste en ceci qu’il avait présenté, deux ans auparavant, l’eucharistie comme un « Mémorial de la mort du Christ », en même temps que comme une « consolation de la foi » pour les consciences vacillantes, tandis que maintenant, il ne conserve plus que le premier point de vue. Partant du terme même d’eucharistie, il affirme que le Christ « a voulu que nous puissions fêler, dans la cène, un joyeux souvenir de sa personne et lui dire publiquement notre reconnaissance pour le bienfait qu’il nous a par là si richement accordé ». Le fait essentiel, à ses yeux, est que « quiconque, de la sorte, prend part à cette action de grâces publique, prouve par là même en face de toute la communauté qu’il appartient au nombre de ceux qui ont confiance au Christ qui nous y est présenté (symboliquement) ». Du reste, c’est ce que veut dire le terme de « communion » qui veut dire « communauté ». Sur tout cela, voir l’art. Sacramentaire. Après avoir traité assez longuement de l’eucharistie, l’ouvrage passe rapidement sur la pénitence, les autres sacrements, le mariage, les vœux, l’invocation des saints, le mérite, le purgatoire, l’autorité chrétienne, le scandale, le culte des statues et images. Et le tout se termine par un épilogue où sont résumées les vues principales. Cet épilogue est l’une des meilleures choses que Zwingli ait écrites, si l’on fait abstraction des erreurs qu’il y renouvelle. Il y établit avec force et justesse, que

« la vie de l’homme ne diffère en rien de celle de la

brute, si l’on enlève la religion. » Il a bien raison en cela, encore que l’on devrait ajouter que « sans la religion » la vie de l’homme, à cause du péché originel et du désordre qui en découle dans la nature humaine, est au-dessous de celle de la brute, où l’existence d’un ordre est indéniable. Mais nous savons par ailleurs que le réformateur n’a pas compris le péché originel dans son essence.

4o Sermo de providentia (1530). — On doit considérer encore comme l’une des sources à étudier pour connaître la doctrine de Zwingli le sermon qui fut donné par lui, à Marbourg, à l’occasion du Colloque tenu dans cette ville, en présence du landgrave de Hesse, au sujet de la querelle eucharistique, entre les délégués wittenbergeois, ceux de Strasbourg et ceux de Zurich. Voir l’art. Sacramentaire. Ce sermon, repris et retravaillé, fut publié par lui en 1530. Il y établit les 7 points que voici : 1. Dieu étant le souverain Bien, il existe nécessairement une providence par laquelle Dieu prend soin de toutes choses et dirige toutes choses. — 2. La providence se distingue de la sagesse, en ce que la sagesse ne traduit qu’un pouvoir théorique, une possibilité d’action, tandis que la Providence se confond avec la puissance agissante de Dieu. — 3. Les causes secondes ne sont pas de véritables causes, car tout dépend de Dieu seul, tout reçoit de lui sa puissance d’agir, aucune causalité indépendante ne peut exister en dehors de lui, car tout être créé reçoit de Dieu seul son être et toutes les qualités qu’il comporte. Il n’y a donc, dans la suite des événements de l’univers, ni causalité libre, ni hasard. Tout arrive nécessairement, comme Dieu l’a voulu et le veut. Nier cette vérité, c’est nier Dieu lui-même. — 4. Parmi toutes les créatures visibles, l’homme tient la première place. Mais tandis que son esprit tend vers la vérité et la justice, son corps tend vers la terre, la boue, la chair. Toute la destinée humaine, en son tragique, tient dans ce dualisme. Dieu a voulu cependant formuler une loi, car sans loi, il n’y a pas de péché. Sans péché, pas de Sauveur. Donc, pour introduire Jésus-Christ dans le plan de la création, il fallait le dualisme humain, la maladie originelle, la loi créant le péché. — 5. La sagesse divine n’a donc pas agi sans prévoyance en créant l’homme et en lui donnant une loi qui fût avant tout source de connaissance de Dieu et de ses volontés, alors même que Dieu prévoyait que l’homme tomberait nécessairement. — 6. La Providence se traduit, pour les hommes, au moyen de l’élection, que les théologiens appellent la prédestination et qui est ferme et immuable, en sorte que sa source n’est autre que la bonté et sagesse de Dieu. Naturellement, dans ce passage de son sermon, Zwingli se garde bien de prouver comment un Dieu si bon et si sage a pu, sans violer ni la bonté ni la sagesse, créer des hommes qu’il savait devoir tomber en enfer, sans qu’ils aient, n’étant pas libres et n’étant pas même causes réelles do leurs actes, la moindre possibilité d’y échapper ! — 7. En preuve de tout ce qu’il vient d’avancer, Zwingli parcourt la Bible et donne des exemples de la Providence.

5o Les confessions de foi (1528-1531). — On peut trouver, parmi les œuvres de Zwingli, au moins quatre confessions de foi. Nous en avons signalé une ci-dessus, col. 3740, dans Eine kurze Anleitung, de 1523. Une seconde serait le premier sermon donné à Berne, lors de la dispute de 1528, sur le symbole des Apôtres. Nous n’y remarquerons que l’affirmation très nette par l’auteur de la perpétuelle virginité de Marie, et également un exposé nouveau de la doctrine eucharistique zwinglienne que l’on ne s’attendait pas à trouver dans le commentaire du symbole. Il y déclare fièrement que « personne ne l’a conduit à la vraie interprétation de l’eucharistie, si ce n’est la foi ». Il veut dire que la vraie foi n’a nul besoin d’être nourrie comme le pense Luther. Une foi qu’il faut nourrir ne serait donc pas la vraie foi !

On possède encore une confession posthume de Zwingli intitulée Brevis ac distincta Summa sive expositio christianæ fidei ab Huldrico Zwinglio prædicatæ. Elle était adressée comme le Commentarius de 1525, ci-dessus col. 3740, au roi de France François Ier, toujours dans le vain espoir de le gagner sinon à la religion zurichoise du moins à une alliance contra l’empereur. Elle fut composée au cours de 1531 et publiée seulement en 1536.