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ZWINGL1. PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE


amis, les détenteurs du pouvoir républicain et de l’autorité politique et sociale, certaines améliorations en faveur des pauvres. Il trouve notamment très habile de faire attribuer les revenus de la dîme, dont profitaient jusque-là les corps ecclésiastiques, soit à des œuvres de bienfaisance, soit à des œuvres scolaires, et de faire diminuer les charges qui pesaient sur les paysans. Il fit un important sermon, qui fut publié le 30 juillet 1524, sous le titre De la justice divine et humaine, Opéra, t. ii, p. 458-468, et où il défendait l’ordre social menacé par les radicaux que dirigeaient quelques prêtres extrémistes et quelques laïques exaltés. Il publia aussi ses idées sur la formation scolaire de la jeunesse : Quo pacto ingenui adolescentes formandi sint, Opéra, t. ii, p. 536-551, et l’on reconnaissait bien, dans ce court opuscule, l’ancien humaniste et ami des lettres (1 er août 1523). Jusqu’alors, il n’avait pas touché aux usages liturgiques, mais le 29 août 1523, il publiait son De canone missse epicheresis, Opéra, t. ii, p. 556-608, qui ne tendait à rien de moins qu’à la suppression de la messe, ce qui, disait-il, devait amener la diminution du nombre des prêtres et alléger sensiblement le fardeau de l’entretien du clergé par la communauté des fidèles. En septembre, il dressait un plan de réforme de la collégiale du Grand-Munster, que le Conseil entérinait le 29, Vortrag und Gutachten betrefjend die Reformation des Stifts. Opéra, t. ii, p. 613-616. Allant plus loin même que Luther, qu’il avait rattrapé en peu de temps, il concédait, d’accord avec son ami et collaborateur Léon Jud, la suppression des images, réclamée par les radicaux, et, comme une opposition à ce sujet se manifestait jusque dans le Conseil, il parvint à faire décréter qu’il y aurait, sur la double question de la messe et des images, une seconde dispute, dans les mêmes conditions que la précédente. Elle se déroula du lundi 26 au mercredi 28 octobre 1523. Zwingli et Jud menaient le combat. Mais il s’agissait de convaincre les foules. Avec beaucoup de bon sens pratique, le Conseil décida, au terme de la dispute, de faire précéder toute innovation générale, concernant la messe et les images, de la diffusion de tracts rédigés par Zwingli et de prédications ambulantes, destinées à faire comprendre au peuple ce que l’on allait faire. Opéra, t. ii, p. 671-805.

Durant cette période, on assiste à une sorte de frénésie du réformateur et de Léon Jud pour la suppression des usages liturgiques anciens et la création de formes nouvelles, simplifiées et soi-disant plus conformes aux Écritures, tandis que le Conseil freine de tout son pouvoir, soit par routine, soit par attachement aux œuvres d’art qui ornaient les églises et les demeures privées, soit par crainte de troubles révolutionnaires dans la rue. Les radicaux au contraire, trouvaient toujours que l’on n’allait pas assez loin. À les entendre, une seule prière devait composer toute la liturgie conforme à la Bible : le Notre Pare, puisque le Christ n’en avait pas indiqué d’autre !

La soi-disant Réforme zwinglicnne suivit son cours, parmi des oppositions diverses, de droite ou de gauche, et elle s’accomplit de Noël 1523 à la Pentecôte 1524, progressivement, par pièces détachées, sous la pression des « évangéliques t. Opéra, Der Hirt, t. iii, p. 1-68 ; Ordnung von den drei Kilchhôren, t. iii, p. 95-96 ; Vorschlng wegen der Hilder und der Messe, t. iii, p. 120-131.

Les paternelles exhortations et les protestations de l’évêquc de Constance demeuraient pareillement vaines. Zwingli tenait le peuple et, par le peuple, le Conseil. La position de ce dernier est assez bien définie dans ce passage d’une adresse au pape, en date du 19 août 1524, qui avait pour but de réclamer un arriéré de solde militaire : » Nous ne pouvons

assez nous étonner de ce que Votre Sainteté nous tient pour suspects de luthéranisme, comme si nous favorisions cette secte, alors qu’Elle devrait avoir la persuasion que nous ne permettons pas que l’on prêche autre chose que la pure parole de Dieu et ce que chacun peut défendre au moyen de l’Écriture du Nouveau ou de l’Ancien Testament. Que s’il en est arrivé autrement, dès que nous pourrons être informés de notre erreur, nous voulons nous en éloigner bien volontiers : nous ne pouvons agir autrement ù cause du peuple ! » Egli, Aktensammlung zur Geschichte der Zilricher Reformalion, Zurich, 1879, n. 570. C’était donc le peuple qui menait le Conseil 1 C’était le peuple qui exigeait que tout se fît selon l’Écriture 1 Mais ce que le Conseil omettait de dire, c’est que le peuple n’aurait jamais rien su de l’Écriture, sans les prédications tendancieuses de Zwingli, et que ce que l’on prenait pour le verdict de l’Écriture n’était que l’interprétation arbitraire de Zwingli. Ce fut lui, naturellement, qui répliqua aux observations de l’évêque, dans Christliche Antwort Burgermeislers und Rats zu Zurich an Bischof Hugo, 18 août 1524, Opéra, t. iii, p. 153-229. Mais ce furent le bourgmestre et les conseillers qui signèrent seuls cette justification des innovations contre les images, les sacrements et la messe.

Ce qui est très caractéristique de la « prudence » de Zwingli, c’est qu’il se garda bien d’affronter les théologiens catholiques qu’il sentait capables de lui tenir tête et de démontrer ses erreurs devant un auditoire public. En vain, Jean Eck le défia-t-il durant deux ans, en vain accepta-t-il de venir défendre le catholicisme à Baden, du 21 mai au 8 juin 1526, sur l’invitation du canton de Berne. Il ne trouva devant lui qu’Œcolampade de Bâle, Berchtold Haller de Berne, Œschli de Schaffhouse, mais Zwingli s’était abstenu de paraître. Parmi les arbitres, il s’en trouva quatre-vingt-dix à se prononcer en faveur d’Eck, et seulement onze pour les novateurs. Zwingli qui connaissait fort bien le mécanisme des conférences contradictoires et qui savait combien il est nécessaire de préparer son terrain d’avance pour s’assurer la victoire, avait prévu l’événement. Il s’était borné à exhaler sa haine contre Eck, en lui écrivant, fin-août

1524, une lettre dont il faut citer quelques lignes, pour que l’on puisse juger de sa puissance d’injure, en comparaison avec celle de Luther, qui est connue de tous : Toute ta vie, lui disait-il, a été immonde depuis ton enfance, ta langue pétulante, ta bouche maudite, ta voix impure, tes yeux libidineux, ton front impudent… Tu es prêt à tout crime, aucun ne te fait honte t… » Opéra, t. viii, p. 217.

Mais s’il se montrait si acharné contre les catholiques, il témoignait, envers les extrémistes de gauche, dune indulgence que l’on n’avait pas rencontrée chez Luther. Du côté catholique, c’était le Conseil de Zurich qui freinait. Du côté anabaptiste, c’était Zwingli. II conseillait de laisser une certaine liberté d’allures aux exaltés. De fait, le radicalisme gagna du terrain. La secte anabaptiste serpenta en Suisse et dans le sud de l’Allemagne, en faisant partout des ravages dans les âmes. On vit même, au début de

1525, des illuminés parcourir les rues de Zurich en prononçant contre la cité de sombres malédictions au nom de cette même Bible qu’on avait si fièrement invoquée contre la tradition catholique. Zwingli fut contraint de se rebiffer. Comme Luther, quoique inoins brutalement que lui, il voulait mie Hé forme ordonnée et bourgeoise. Il lança donc, contre les anabaptistes, au cours de 1525, trois écrit ! importants : Du baptême, du rebaptême et du baptême des enfants (27 mai) ; De la fonction de prêcher (30 juin). Réplique au livre baptismal de Rallhasnr llubmayer