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ZOSIME. QUESTION PÉLAGIENNE


ambiguïté : nihil, post hæc fam aperla et manijesta quæ protulit, dubii sanctitas vestra resedisse cognoscal. Communication des actes de l’assemblée romaine était adressée au primat d’Afrique, qui pourrait ainsi juger sur pièces.

2° Appel à Rome de Pelage ; absolution de Pelage et de Célestius. — Très peu après l’envoi de cette lettre, arrivait à Rome un autre appel formulé, celui-ci, par Pelage lui-même. Renseigné, selon toute évidence, sur la direction dans laquelle le vent soufflait à la Curie, le moine breton ne s'était pas privé de mettre en cause les deux personnages, Héros et Lazare, rendus responsables de ses mésaventures. À quoi il joignait une lettre du nouvel évêque de Jérusalem, Praïle, se portant garant de son orthodoxie. Dans une longue profession de foi, il exposait l’essentiel de sa doctrine et trouvait le moyen de la présenter sous les couleurs les plus acceptables : quid sequetur, quidve damnaret, sine aliquo fuco, ut cessarent totius interpretationis insidiæ cumulavit. Tout cela fut soumis à une nouvelle assemblée publique. Récit dans la lettre Jaffé, n. 330, adressée, comme la précédente, à Aurèle et à l'épiscopat africain, le 21 septembre 417 (La date est à remarquer ; c’est à la fin de septembre que se multiplient les lettres de la Curie, inspirées par Patrocle, cf. ci-dessus). L’assemblée, écrit sérieusement Zosime, pouvait à peine retenir ses larmes, en pensant que l’on avait pu ainsi diffamer des hommes — il s’agit de Pelage et de Célestius — d’une foi si sûre : Vix fletu quidam se et lacrymis temperabant, taies etiam absolûtes fidei infamari potuisse. Et la diffamation provenait de ce Héros, de ce Lazare, ces brouillons, ces calomniateurs, qui avaient surpris la bonne foi des Africains ! Avec une truculence indignée le pape disait leur fait à ces tristes personnages ! Où étaient-ils, eux les accusateurs, alors que Pelage et Célestius venaient humblement se soumettre au jugement du Siège apostolique ? Quand il s’agissait de courir après des évêchés, ils ne reculaient devant aucune démarche ; aucun voyage ne leur était trop pénible. Mais quand avait été en jeu la réputation d’innocents, eux accusateurs ou témoins, ils s'étaient fait porter malades, et c’est seulement par leurs lettres que ces deux pestes avaient empoisonné toute l’Afrique, pour ne pas dire toute l'Église : totam Africam universumque tranquillum catholiess serenitatis innubilant ad libidines suas duse pestes. L’assemblée romaine avait donc prononcé l’absolution de Pelage et de Célestius ; de quoi les Africains ne pouvaient que se réjouir : sit vobis gaudium eos quos falsi testes criminabantur agnoscere a nostro catholico corpore et catholica veritate nunquam fuisse divulsos. Au fait les deux personnages incriminés avaient condamné ce qui devait l'être, promis de suivre ce qu’il fallait croire. Le Siège apostolique transmettait donc aux Africains les papiers envoyés par Pelage ; la lecture de ceux-ci ne pourrait qu'édifier les évêques : la doctrine était sauve, innocents les personnages qu’on avait faussement accusés d’y avoir porté atteinte. En même temps que cette lettre le messager de Zosime emportait une citation destinée à Paulin de Milan, qui résidait toujours à Carthage : il devrait venir à Rome soutenir l’accusation jadis portée par lui contre Célestius.

Réaction de l’Afrique.

L’arrivée à Carthage de

ces diverses pièces causa dans l'épiscopat africain, très rapidement mis au courant, la plus vive effervescence. Dans une lettre à Paulin de Noie, Augustin ne cachait pas la douleur que lui causait le changement de front de Rome. Epist., clxxxvi, n. 41, P. L., t. xxxiii, col. 832. Paulin de Milan répondait de son côté par un Libellus adressé au pape Zosime, où il déclarait qu’il ne viendrait pas à Rome. A

quoi bon ? La manière dont le pape avait instruit en personne la cause de Célestius montrait bien que Zosime n’avait point sur la question doctrinale d’autres sentiments que son prédécesseur. Texte dans P. L., t. xx, col. 711-716. Mais surtout le primat Aurèle exprimait dans une lettre véhémente les sentiments qu’avait suscités en Afrique la nouvelle attitude du Saint-Siège. Lettre connue seulement par Augustin, Contra duas epistolas pelagianorum, I. II, m, 5, t. xliv, col. 574. L’adhésion, disait Aurèle, que Célestius aurait donnée au jugement d’Innocent I er ne suffisait pas pour que l’on pût l’absoudre ; il devait explicitement retirer son libellus, faute de quoi des gens peu avertis seraient tentés de croire que des doctrines hérétiques avaient été approuvées par le Siège apostolique, qui avait déclaré ce libellus catholique : multi parum intelligentes magis in libello ejus illa fidei venena a Sede aposlolica crederent approbata, propterea quod ab illa dictum erat eum libellum esse catholicum. Le clergé romain ne craignait-il donc pas d’encourir le reproche de prévarication ? Sed si, quod absit, ila tune fuisset de Cœlestio vel Pelagio in Romana Ecclesia judicatum… ex hoc potius effet prsevaricationis nota Romanis clericis inurenda.

Première réponse de Rome.

Porté à Rome,

en même temps que le libellus de Paulin par le sousdiacre Marcellin, ce document qui devait être considérable — epislolse volumen, dira de lui le pape Zosime — et qui avait été délibéré dans un concile restreint d'évêques africains, montra au pape la gravité de la situation. Une lettre apostolique partit le 21 mars à l’adresse d' Aurèle et de son concile. Jaffé, n. 342. Un long préambule — le lire dans DenzingerBannwart, n. 109 ; Cavallera, Thésaurus, n. 342 — expliquait que le Siège apostolique n’avait pas coutume de laisser discuter ses jugements. Les lois divines et humaines étaient d’accord pour mettre hors de conteste l’autorité conférée par le Christ à Pierre et qui était passée à ses successeurs ; Pierre ne saurait souffrir que la moindre atteinte vînt ébranler quelque décision que ce fût à laquelle il aurait communiqué l’inébranlable autorité de son nom. Tous ces considérants étaient pour masquer la reculade du pape : en définitive il n’avait pas voulu terminer définitivement l’affaire de Célestius ; ses décisions de l’année précédente n'étaient qu’une invitation aux Africains à se concerter avec lui. Qu’on ne s’imaginât pas à Carthage que Rome avait, sans autre forme de procès, ajouté foi aux belles promesses de Célestius. Les choses demeuraient dans le statu quo ante.

L’action des Africains.

Invitation non dissimulée aux Africains à reprendre sur nouveaux frais,

cette fois de concert avec Rome, la question pélagienne ! Mais Aurèle et ses évêques n’entendaient pas se laisser manœuvrer. La lettre de Zosime arrivait à Carthage le 29 avril. Deux jours après s’ouvrait, dans la capitale africaine, le grand concile, réunissant plus de deux cents évêques, qui allait exprimer sur la doctrine de la grâce et du péché originel le dogme catholique, en même temps qu’il mettrait des conditions à la rentrée dans l'Église de Pelage et de Célestius. Sur les décisions de ce concile voir l’art. Milève (Conciles de), t. x, col. 1752 sq., les canons conciliaires ayant été faussement attribués à la réunion de ce nom. Une lettre adressée au pape Zosime précisait la situation ecclésiastique des deux accusés : « Nous déclarons, disait-elle, que le jugement du pape Innocent porté contre Pelage et Célestius conserve toute sa force, jusqu'à ce que ceux-ci aient reconnu explicitement que la grâce de Dieu donnée par Jésus-Christ n’est pas seulement nécessaire pour connaître, mais encore pour accomplir le bien, de sorte que sans elle nous ne pouvons rien faire. »