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WYCLIF, JEAN MUS ET LUTHER
« l’obéissance due au diable par Dieu » ne figure plus

ici. Elle disparaîtra complètement des formulaires lollards. Les Vingt-cinq points précisent également, contre l’opinion extrémiste lollarde, que « le prêtre en état de péché mortel peut administrer les sacrements pour le salut de ceux qui les reçoivent dignement ». Le donatisme est donc ici renié. En sens inverse, le document est plus agressif que Wyclif ne l’avait été contre les canonisations opérées par les papes. Il n’avait jamais dit en effet, comme il est dit ici, que « beaucoup de saints reconnus par l’Église sont en enfer ». Il n’avait pas non plus attaqué nommément saint Thomas Becket. Tout cela dans Arnold, Select english Works of Wycliꝟ. 1869, t. iii, p. 454-496.

Les mesures répressives contre les lollards, prises en 1388, eurent pour résultat de ralentir considérablement l’expansion de l’erreur. Mais au début de 1394, il devint évident que les lollards relevaient la tête. Le schisme durait toujours. Le pape de Rome, Boniface IX, exigeait la suppression en Angleterre des Statutes of Provisors et Præmunire, ce qui revenait à dire qu’il prétendait de nouveau disposer des bénéfices ecclésiastiques. Le mécontentement fut grand dans le royaume et comme toujours ce fut l’hérésie qui en profita. Le roi Richard II renouvela ses ordonnances contre les lollards, ce qui accrut son immense impopularité. L’opposition prit donc en main la cause lollarde. Sous la conduite des nobles affiliés ou favorables à la secte, Stury, Clifford, Latimer et Montague — ce dernier membre du Conseil privé royal et le plus haut protecteur que les lollards aient jamais eu — on essaya de faire discuter au parlement réuni à Westminster, le 27 janvier 1395, un projet de 1 "forme de l’Église, en Douze points, qui étaient d’inspiration wycliflte très marquée. Les critiques les plus avertis estiment que l’auteur de ces Douze points de 1395 ne peut être que Purvey, le secrétaire de Wyclif et le traducteur de la Bible, en sa seconde forme. En voici le contenu : « Le sacerdoce usuel, qui tire son origine de Rome, notre grande marâtre, ne saurait être le sacerdoce institué par le Christ dans ses apôtres ». — L’ordination des évêques est « un spectacle pénible pour un homme sensé », parce qu’on y « joue avec le Saint-Esprit ». — La transsubstantiation n’est qu’un « miracle imaginaire » tendant « sauf en peu de cas, à l’idolâtrie ». — « Plût au ciel que les prêtres fussent bien pénétrés des enseignements du Docteur évangélique (Wyclif) dans son Trialogus ». — L’office du Saint-Sacrement, rédigé par frère Thomas (d’Aquin) est faux et plein de miracles mensongers.

— Les exorcismes, les bénédictions du pain, du viii, de la cire, des croix, des habits, et autres du même genre, ont une saveur de « nécromancie ». — La confession auriculaire « exalte l’orgueil des prêtres qui, pour un coup à boire ou pour une pièce de monnaie, vendront la bénédiction du ciel ». De plus, elle tend, par ses t entretiens secrets », à provoquer le péché mortel. — En fait de reliques, les lèvres de Judas, qui ont touché le Christ, seraient une relique merveilleuse, si on pouvait les avoirl (Cela dit, bien entendu, par moquerie). — Les pèlerinages aux images muettes et aux crucifix aveugles sont proches parents de l’idolâtrie. L’homme dans le besoin est seul l’image de Dieu, eu plus parfaite ressemblance que la pierre ou le bois. - Les membres du clergé césarien, tonne dont se servait Wyclif pour désigner le clergé mondain servant dans les emplois civils, ne sont que des hermaphrodites >, des ambidextres », des hommes dont l’état est incertain et double, ni religieux ni civil, et les deux à la foisl

Les Douze articles attaquaient encore le culte rendu à saint Thomas Becket, en déclarant qu’il n’nvait pas été martyr. De plus, alors que Wyclif

avait glorifié la virginité, le texte de 1395 se livrait à une violente attaque contre le célibat ecclésiastique, comme tendant à la sodomie et à l’immoralité. On ne trouvait rien dans les Douze articles sur la suzeraineté fondée sur l’état de grâce. Cette doctrine de Wyclif était purement et simplement abandonnée. Par contre, alors que Wyclif, dans son De officio régis (hiver de 1378), avait expressément maintenu la légalité des serments, les lollards les déclaraient en général contraires à l’Évangile. C’est à eux qu’il faut attribuer la proposition 43 qui se trouve parmi les propositions de Wyclif condamnées à Constance : Juramenta illicita sunt quæ fiunt a<l corroborandos humanos contractus et commercia civilin. Denz.-Bannw., n. 623. Voir De officio régis, éd. Pollard et Sayle, 1887, p. 218 sq. — Cependant Wyclif condamnait, comme l’Église, les serments ou jurements inutiles ; cf. Sermons, t. iv, p. 415-417.

Les Douze propositions n’eurent, comme il fallait s’y attendre, aucun succès. Lord Montague, devenu plus tard comte de Salisbury, abandonna le parti lollard, ce qui ne l’empêcha pas d’être décapité par la foule de Londres, en 1400, pour avoir tenté de restaurer le pouvoir absolu du roi Richard IL Dans l’intervalle, l’archevêque-primat, Thomas Arundel, arrivé au siège de Cantorbéry en 1396, avait pris très vigoureusement en mains la répression des lollards. Sans entrer dans le détail de son action tenace et habile, disons seulement qu’il fit adopter par l’Assemblée du clergé — ce qu’on nomme en Angleterre : la Convocation — - en 1407, treize constitutions contre les écrits de Wyclif, contre les doctrines de ses disciples, contre les prédicateurs ambulants, contre l’enseignement de l’hérésie dans les universités. Il interdit notamment de façon absolue toute prédication non-autorisée par l’évêque. Nul pasteur de paroisse ne devait accepter un prédicateur non muni de l’autorisation épiscopale. Les curés des paroisses devaient s’en tenir dans leurs prédications — quatre fois l’an — aux thèmes prescrits par une ancienne constitution remontant au primat Peckham († 1292), à savoir « les quatorze articles de la foi (Symbole des Apôtres), les dix commandements, les deux préceptes de l’Évangile, amour de Dieu et du prochain, les sept œuvres de miséricorde et les sept péchés capitaux », que l’on exposerait « sans l’intervention d’aucune subtilité fantaisiste d’aucune sorte ».

C’étaient là de sages prescriptions, en somme, mais il paraît qu’elles mirent en sommeil à la fois l’enseignement universitaire d’Oxford, qui ne cessa plus de décliner, et aussi la prédication paroissiale qui devint à peu près nulle. Grâce aux mesures prises, toutefois, le lollardisme fut frappé à mort et il avait complètement disparu, sans laisser de trace, quand éclata la crise protestante, au xvi° siècle. Il n’eut donc sur elle qu’une influence très indirecte, en ce sens qu’il servit à affaiblir le respect et l’attachement envers le Siège pontifical et disposa les esprits en Angleterre à un séparatisme fondé sur la souveraine autorité du roi et du parlement, en matière religieuse comme en matière civile.

IV. Rapports BNTRB Wyclif, Jkan Mis 11 r.riiu.H. — Nous nous bornerons ici à préciser le degré de dépendance entre les doctrines fie Jean Ilus et celles de Wyclif. Pour la vie de Jean Uns et son enseignement voir ce mol. Pour Luther, le problème est des plus faciles à résoudre.

L’éditeur de l’ouvrage de Wyclif Dr rrntnlr Scrtp lnrir. Buddensieg, rapporte, qu’il a vu un psautier bohémien de 1572, dans lequel Wyclif est représente’tirant des étincelles d’un briquet, Hus en train d’allumer des charbons et Luther brandissant une torche érlniréc à ce feu. L’image est assez suggestive. Hus