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WYCLIF. DOCTRINE EUCHARISTIQUE


indulgence plénière du papel » Mais ce n’était pas seulement les abus que Wyclif entendait frapper. Il s’en prenait au principe lui-même. Il avait traité in extenso le problème des indulgences dans le c. xxhi de son De Ecclesia et il y revint dans le De potestate papæ, ainsi que dans divers tracts en anglais. Jean Hus, copiant mot pour mot le chapitre indiqué du De Ecclesia, en 1412, en ferait son Adversus indulgencias papales. C’est donc là qu’il faut chercher le sentiment de Wyclif. Or, il soutient que Dieu lui-même, qui seul peut accorder des indulgences, ne peut pas remettre le péché sans une satisfaction. Au surplus, remarque Wyclif, si le pape avait le pouvoir qu’il s’arroge, il devrait en user libéralement, autrement on doit le tenir pour responsable de la mort de toutes les âmes qu’il peut sauver. De Ecclesia, éd. Loserth, p. 551 sq. Tout le système des indulgences est donc faux et il faut être fou pour y croire. La prétention du pape de pouvoir disposer du trésor des mérites surérogatoires du Christ et des saints est absurde. Le concile de Constance devait condamner la proposition suivante de Wyclif : Fatuum est credere indulgentiis papæ et episcoporum. N. 42. On sait que ce fut à propos des indulgences qu’éclata, en 1517, la révolution luthérienne. Mais disons tout de suite que Luther ne connaissait à ce sujet ni la doctrine de Wyclif ni celle de son épigone Jean Hus.

Doctrine eucharistique.

Il ne semble pas qu’il

existe un lien quelconque entre la doctrine ecclésiologique de Wyclif et sa doctrine sur l’eucharistie. Tout au contraire, ce sont les attaques dont il fut l’objet à propos de ses idées sur le sacrement de l’autel qui le poussèrent au radicalisme que nous avons rencontré chez lui à l’égard des ordres mendiants. Le Dr Workman date de l’été de 1379 les premières attaques de Wyclif contre le dogme eucharistique traditionnel. Ce ne fut jamais sur la présence réelle que portèrent ses doutes, même dans les tracts les plus agressifs des années suivantes et, sous ce rapport, il convient de distinguer nettement entre les affirmations du novateur lui-même et celles de certains de ses disciples, les lollards. Ce qu’il prétendait ne pouvoir admettre c’était la disparition, de quelque manière que ce fût

— « annihilation » à la manière de Scot, puis « substitution » de la substance du Christ, ou bien « transsubstantiation » au sens thomiste, par passage interne de la substance du pain à celle du corps du Christ — de la substance du pain et du viii, ni la permanence des accidents sans sujet. Il s’agissait donc là pour lui de difficultés d’ordre métaphysique, d’objections philosophiques, à son sens, irréfutables.

Pour comprendre sa position, il est donc indispensable, de nous rappeler cette sorte de réalisme extrémiste qu’il professait en philosophie. Wyclif fut « réaliste » dans toute la force du terme et probablement le dernier des réalistes proprement dits. Il est réaliste d’une façon absolue, rigoureuse, intransigeante. II l’est jusqu’à l’absurde. Pour lui, quiconque n’est pas réaliste, c’est-à-dire n’admet pas l’existence réelle, à part des individus, des idées générales ou « universaux », en d’autres termes des prototypes spécifiques, rejette par le fait même le souverain domaine de Dieu, la réalité de la prédestination et du châtiment éternel, de la résurrection des morts, de la loi de la confession et de la communion et même de l’obéissance .-m doyen de sa farultél Workman, t. i, p. 186. Pour lui, les universaux, comme les individus, sont des idées de Dieu et participent de la réalité absolue qui file de Dieu. Dieu étant le suprême Réel, ses idées sont aussi réelles que lui. Rien n’est possible en dehors de ces Idées. Rien n’existe donc en dehors de ce qui est, sinon sous nos yeux, du moins en Dieu. L’être, qui est Dieu, est la mc-, urc du possible. Tout

ce qui est est nécessaire au même titre que Dieu. La liberté humaine elle-même, car Wyclif l’admet, est nécessaire, comme voulue de Dieu. C’est pourquoi, au nombre des propositions de Wyclif condamnées à Constance, nous rencontrons la suivante : Omnia d’1 necessitate absoluta eveniunt. N. 27. Par suite, rien de ce qui est ne peut être anéanti. Dieu même ne peut anéantir une substance sans se détruire lui-même. On ne peut toucher à rien sans toucher au divin, et on ne peut toucher à rien de divin sans détruire Dieul Or, de quelque façon que l’on s’y prenne, que l’on admette « l’annihilation » du pain dans l’eucharistie, ou que l’on soutienne que le pain est transsubstantié au corps du Christ, on touche toujours à de la substance, on touche à la » panité > et a la « vinité », qui font partie, en tant que prototypes éternels et infiniment réels, de la substance de Dieu. Donc le dogme de la transsubstantiation anéantit Dieul Les idées de Dieu sont hiérarchisées et c’est cette hiérarchie qui constitue l’ordre du monde. Toucher à cette hiérarchie, en faisant passer une substance dans une autre, par transsubstantiation, c’est anéantir l’ordre divin et Dieu lui-même. Dans la pensée de Wyclif, les idées générales sont comme des républiques dont les individus sont les sujets. L’Humanité existe à part des humains, comme la Panité et la Vinité à part des morceaux de pain et des gouttes de vin. L’Humanité, telle qu’elle existe de toute éternité en Dieu, communis humanitas, est précisément celle que Jésus a possédée. L’incarnation a consisté dans ce revêtement par le Verbe de la communis humanitas. Par suite, Jésus n’est pas seulement notre frère, il est l’homme général, l’homme éternel, l’homme total, l’homme unique, la source de l’humanité en chacun de nous. Il vit avec nous, souffre avec nous, meurt avec nous, est soumis avec nous à tous les maux qui nous atteignent. Mais pas plus que la mort n’est l’annihilation pour l’homme, pas davantage les transformations de la matière n’en atteignent la substance. Quand nous mangeons le pain et buvons le vin ordinaires, nous ne transformons pas en nous-même la panité et la uinité. Il en est de même dans l’eucharistie. Wyclif critique longuement dans son De eucharistia, publié probablement à l’automne de 1379, la théorie de saint Thomas d’Aquin, selon laquelle c’est la « quantité », demeurée sans sujet, qui sert de sujet aux autres accidents du pain et du vin consacrés sur l’autel. Et, comme il professe un certain respect pour un si grand théologien, il affirme qu’il est convaincu que ses écrits ont été falsifiés, après sa mort, par les frères inquisiteurs. De eucharistia, éd. Loserth, p. 139. En réalité, Wyclif semble n’avoir été familier qu’avec la doctrine de Scot qui est celle de l’annihilation de la substance du pain et du viii, par remplacement de la part de la substance du corps et du sang du Christ. Scot faisait appel, scion la tendance volontariste générale de sa théologie, à la loutc-puissance de Dieu, pour expliquer ce mystère. Occam l’avait suivi sur ce point. Cette doctrine prévalait à Oxford, au temps de Wyclif. Il se mettait donc en contradiction formelle avec le sentiment universel de son université, en refusant d’admettre la transsubstantiation au sens scotiste et au sens nominalistc. L’annihilation du pain et du viii, pour 1rs raisons susdites, lui paraît impensable. Voir sa Logiaa, éd. D/iewicki. 1899, t. If, p. 86-89. Dans un de ses derniers sermons, il disait : - Durant bien des années j’ai cherché à apprendre des frères en quoi pouvait consister l’essence réelle d* l’hostie consacrée. À la fin ils eurent l’audace de maintenir que l’hostie n’était plus rien. » Une autre fois, il disait que, scion les frères, l’hostie n’était plus « qu’un paquet d’accidents (tans lerpiel se trouve le i lu