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WERNZ (FRANÇOIS-XAVIER) — WESSEL


son grand ouvrage Jus decrelalium, 4 vol., Rome, 1894-1904 ; 2e éd., t. i-m, Rome, 1905-1908, t. iv, Prato, 1911 ; pour les t. ni et iv, l’auteur, devenu entre temps général, chargea le P. Laurentius des remaniements nécessaires. L’ouvrage, resté incomplet, fut complété par le t. v, De judiciis ecclesiasticis, rédigé par les P. Ojetti et Vidal, d’après le cours lithographie du P. Wernz, Prato, 1914, et le t. vi, Jus pœnale, par le P. Ojetti, Prato, 1913. Après la promulgation du nouveau Code, le P. Pierre Vidal, professeur à l’université grégorienne, publia une refonte complète, Jus canonicum ad Codicis normarn exactum, 7 t. en 10 vol., Rome, 1923-1938. L’ouvrage fut dès sa l re édit. universellement estimé pour sa solidité, sa clarté, la sûreté des principes et des décisions, l’étendue de l’information historique.

L. Koch, Jesuitenlexikon, 1934, col. 1841-1842 ; Buchberger, Lexikon fur Théologie und Kirche, t. x, 1938, col. 83 ; Civiltà cattolica, 29 août 1914, p. 605-611 ; Stimmen der Zeit, 1916, p. 340-354 (par le futur cardinal Fr. Ehrle).

J.-P. Grausem.


WESSEL. — Théologien considéré comme l’un des précurseurs de Luther (1419-1489). I. Vie. II. Doctrine.

I. Vie.

Ce personnage est assez mal connu. Son nom même a été l’objet de longues discussions. Longtemps on l’avait appelé Jean de Wessel. On est d’accord actuellement pour admettre qu’il a dû y avoir confusion avec son contemporain Jean de Wesel (voir le mot Rucherat, t. xiv, col. 145). Le nom de Wessel serait très probablement un nom de baptême, tandis que le nom de famille aurait été Gœsefort ou mieux Gansfort, nom d’un village d’où cette famille était originaire. Wessel naquit à Groningue, ville de la Frise, vers 1419. Et ce fut là aussi qu’il revint mourir, après de nombreuses pérégrinations, le 4 octobre 1489. Non loin de sa ville natale se trouvait un couvent de frères de la vie commune, sur l’Agnetenberg. C’est dans ce couvent que vivait alors Thomas a Kempis, l’auteur de la célèbre Imitation de Jésus-Christ. Wessel reconnaissait plus tard qu’il devait à ce livre et à son auteur ses premiers sentiments de crainte de Dieu. Il n’entra cependant pas au couvent et, de Groningue, il vint faire ses études théologiques à l’université de Cologne, à partir de 1449. Il y devint maître es arts et zélé partisan du réalisme thomiste. Mais l’initiation mystique puisée dans l’Imitation fut sans doute ce qui le poussa vers saint Bernard, saint Augustin et le platonisme. Enfin, il s’intéressa aux langues anciennes et apprit le grec et l’hébreu, ce qui, pour son temps, était une grande rareté. Dès cette époque, il commença à entasser des cahiers de notes, provenant de ses réflexions et de ses lecture ?, et qu’il appelait d’un nom original son mare magnum. L’idée lui vint un jour de partir pour Paris où l’on disait que les nominalistes tentaient de supplanter les réalistes. C’était un peu après 1450. Les études renaissaient en France au lendemain de la guerre de Cent ans. Wessel trouva la Sorbonne plongée dans des luttes redoutables. Mais il avait sans doute présumé de son savoir, car, venu en thomiste dans la capitale française, il passa bientôt au scotisme, puis au nominalisme pur, ce qui impliquait, à cette date, un certain esprit d’opposition à l’enseignement traditionnel et à l’autorité pontificale.

Son séjour à Paris dura seize ans. Il est à remarquer que Wessel toujours plongé dans l’étude et indifférent aux honneurs n’entra pas même dans les ordres et ne revêtit aucune charge. Il s’était fait des amis et admirateurs, mais aussi des adversaires. Les premiers lui avaient donné le surnom de lux mundi, qui nous surprend un peu, les seconds celui de magister contradictionum, qui se justifie davantage. On ne sait pas

bien pourquoi il fit, vers 1470, un voyage à Rome et séjourna quelque temps dans la ville des papes. Mais il revint bientôt à Paris, pour en repartir autour de 1475, très probablement à la suite de l’interdiction portée contre les maîtres nominalistes par le roi Louis XL II passa les dernières années de sa vie dans son pays natal, partageant son temps entre la dévotion et l’étude.

II. Doctrine.

C’est surtout au titre de pré-réformateur que l’attention de la postérité s’est attachée à la mémoire de Wessel. Mais ce titre lui-même a été l’objet de vives controverses. À vrai dire, Wessel n’a laissé que des écrits d’occasion, des essais ou aperçus, qui semblent être parfois de simples extraits de son mare magnum. C’est pourquoi il est malaisé de se faire une idée sûre de sa doctrine. Il n’est même pas certain que la connaissance de ses ouvrages perdus ne changerait pas du tout au tout notre jugement sur son compte. Ce qui est évident, c’est qu’il n’y a pas l’ombre de système suivi dans les quelques œuvres d’allure plutôt mystique qui nous restent de lui. Cependant Luther, qui le connaissait sans doute mieux que nous, n’a pas craint, en publiant certains écrits de lui, avec une préface de son cru, de déclarer que « s’il avait lu les ouvrages de Wessel, ses ennemis n’auraient pas manqué de dire qu’il avait tout tiré de lui », tant l’inspiration de ses propres œuvres coïncide avec celle de Wessel. En sens diamétralement opposé, l’un des plus redoutables adversaires de Luther, le vigoureux polémiste Jean Fabri, vicaire général de Constance, puis évêque de Vienne, soutenait, en 1528, que, sur trente et un points très importants, la doctrine de Wessel n’était pas celle de Luther.

Plus près de nous, l’historien Ullmann a tenté de démontrer que Wessel était bien un précurseur authentique de Luther. Johann Wesset, ein Vorgânger Luthers, Hambourg, 1834, 2e édition plus étendue, en 1841-1842, sous le titre : Reformatoren vor der Re formation, 2 vol. Mais il a été réfuté par Friedrich, dans Johann Wessel, ein Bild aus der Kirchengeschichle des 15. Jahrhunderls, Ratisbonne, 1863. Et le plus récent biographe de Wessel, Van Rhijn (1917), estime en effet qu’il est excessif de regarder ce théologien, mystique plus que spéculatif, comme un vrai précurseur de Luther.

Essayons de faire la balance des idées proluthériennes, pour ainsi dire, et des idées antiluthériennes, dans ce que l’on sait de Wessel.

Les idées proluthériennes.

Ce qu’il y a de plus

hétérodoxe, dans Wessel, et par suite de plus proche du luthéranisme, c’est le rejet de l’infaillibilité, non seulement des papes, mais même des conciles œcuméniques. Il admet bien que l’autorité ecclésiastique ait une utilité, quand elle exerce fidèlement sa mission. Cette mission consiste à communiquer la parole de Dieu aux saints, qui forment l’âme de l’Église, afin que audiendo et obediendo cives fiant sanctorum ac domestici Dei. Mais, selon lui, un grand nombre de papes, tels que Boniface VIII, Benoît IX, Jean XXIII, et même Pie II et Sixte IV (alors régnant) ont erré d’une manière « pestilentielle » — pestilentialiler erraverunt. Les conciles ne sont pas davantage les organes de l’Esprit, car ils n’ont pas moins concédé des indulgences plénières que les papes. Dire que les chrétiens sont tenus d’obéir à leurs supérieurs eccléciastiques, en matière de foi, c’est, pour Wessel, une opinion déraisonnable et blasphématoire : irrationabile, blasphemiæ plénum. Visiblement, Wessel est impressionné par le relâchement moral du clergé de son temps. Il tend, sans peut-être s’en douter, au donatisme, qui faisait dépendre la valeur des actes ministériels des supérieurs ecclésiastiques de leur état de grâce. Il écrit, par exemple : « Un clergé corrompu