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TESTAMENT. QUESTIONS MORALES


débet de sua fiducia Ordinarium certiorem reddere, eique omnia islias modi bona seu mobilia seu immobilia cum oneribus adjunctis indicare. Cette prescription de faire connaître à l’Ordinaire tous les détails de ce legs fldéicommissaire ne regarde que les clercs et les religieux qui auraient reçu le fldéicommis ; des laïcs auraient simplement le devoir de remettre les objets ou les sommes à l’œuvre destinataire. Et de nouveau le Code insiste sur le devoir de l’Ordinaire de veiller à l’exécution de ces legs pies (can. 1516, § 2) ; le § 3 précise quel Ordinaire intervient en ces matières quand un religieux est fldéicommissaire d’un legs pieux.

Testament civilement nul.

Un grave problème

se pose en morale dans les cas où le testament est civilement nul parce que l’acte n’est pas muni des formalités essentielles, ou parce que le testateur a disposé en faveur de personnes incapables de recevoir des legs, ou encore parce que, ayant des héritiers réservataires, il a excédé la partie disponible au profit d’autres parents ou d’étrangers. C’est une question difficile que de savoir quel est le droit qui prévaut : le droit civil, en sorte que les dispositions du testateur soient et restenl nulles en conscience ? ou bien le droit naturel, en sorte qu’elles gardent leur valeur naturelle, voulue par le défunt, malgré leur nullité civile ? Pour résoudre ce problème, les théologiens recourent à la distinction entre legs ad causas projanas et legs ad causas pias, dont la raison est fondée sur la compétence de la loi civile en matières profanes et de la compétence exclusive de l’Église en causes pies qui tiennent à. la religion et à la charité.

1. Sens des termes de la distinction.

Il importe d’abord de préciser le sens que les théologiens donnent à ces deux termes de cause profane et de cause pie.

Est cause profane d’un legs celle qui a pour objet les intérêts tant d’un particulier que d’une œuvre dépourvue de fin proprement morale. Tout legs en faveur d’un particulier, fût-il ecclésiastique ou religieux, doit être présumé profane, car il est fait au bénéfice matériel d’une personne privée, ce qui en soi est une cause profane, et il est à supposer, à moins de preuve du contraire, que la libéralité du testateur est destinée à la personne privée, quand bien même son caractère religieux ou ecclésiastique aurait été quelque peu déterminant. La cause est incontestablement profane si Ce sont (les Intérêts, d’une société purement laïque, par exemple d’uni’association de tir ou de pêcheurs, que le tes ! a leur a eus en vue. Il peut être difficile de se prononcer quand il s’agit de ce qu’on appelle vulgairement bonnes œuvres, car les unes sont certainement ou plus probablement pics, tandis que d’autres, par leur but même, sont profanes. Ainsi en est il des œuvres de philanthropie purement laïque, avec direction laïque, sans aucune attache à l’Église ; bien qu’elles puissent être Inspirées par la pitié et la bienfaisance, ces œuvres sont néanmoins indépendantes de toute un. raie religieuse ou au moins de la morale catholique ; aussi l’Église ne prétend-elle à aucune compétence

sur des legs destinés a de telles œuvres. Nous dirons la même chose des legs faits en faveur des pauvres en général. Les pauvres ont une aptitude légale en droit français.i recevoir des libéralités ; il n’existe pas de texte formel leur donnant ce droit, mais le Code civil le suppose aux art i( les 910e1 937, réglant la façon dont doivent être acceptés des legs > aux pauvres de la commune ». si donc un testateur lègue une somme ou des objets aux pauvres sans autre détermination, le juge statuera selon les circonstances, el plus généralement en faveui des pauvres de la commune, donc pratique ment du bureau de bienfaisance. La loi regardant de pareils legs comme profanes, la théologie ne les lui disputer. i p ; is. et nous leur appliquerm.. des

profana.

Est cause pie d’un legs celle qui, même à travers un particulier, a pour objet unique les intérêts matériels d’une œuvre dont la fin principale est surnaturellement morale et, d’une façon plus précise, est le service et la gloire de Dieu, l’expiation des péchés, la pratique de la vraie religion par des secours donnés au culte et de la charité chrétienne sous toutes ses formes, depuis l’aumône aux orphelinats, aux hospices catholiques, aux séminaires, jusqu’aux fondations d’églises et de monastères, en passant par les libéralités à la Propagation de la foi ou aux missions intérieures. Elle sera pie, même si pour échapper au piège des incapacités civiles, le testateur favorise apparemment une personne privée qu’il charge d’une fiducia selon le mot du canon 1516, § 1, tout en prenant des précautions pour que les héritiers ne prouvent pas qu’elle est personne interposée.

2. Causes profanes.

a) Controverse. — En choses matérielles qui, par leur nature, sont de la compétence de l’État, la théologie admet que la loi civile puisse avoir pour effet de modifier, en la déterminant, la loi naturelle ; car il est de l’intérêt du bien commun que les modalités imprécises du droit naturel soient mieux limitées et fixées. Cette règle générale vaut aussi quant au droit testamentaire et, légitimement, une loi civile peut frapper d’incapacité certaines personnes ou de nullité certains actes, naturellement valides. C’est ce que fait l’article 1001 du Code civil français statuant que « les formantes auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la précédente, doivent être observées à peine de nullité » ; d’autres articles annulent des legs faits en faveur d’int’apables, comme les associations non reconnues (art. 902) ou les médecins, ministres du culte (art. 909) ; sont également nulles les libéralités excédant la quotité disponible quand le testateur a des ascendants ou des descendants (art. 913 sq.).

Il semblerait donc qu’il dût y avoir accord entre les théologiens à reconnaître que ces dispositions civilement nulles sont également non existantes et sans valeur pour la conscience. Mais l’interprétation de ces articles du Code civil, si clairs en apparence, est sujette à controverse parmi les juristes et, conséquemment, la controverse s’est mise également entre les moralistes ; nous laissons de côté les arguments en usage parmi les anciens théologiens qui n’acceptaient pas tous le droit de l’autorité civile de modifier le droit naturel dans la mesure marquée plus haut.

Les uns, surtout des anciens comme Antoine, Carrière, pensent que la loi civile annule de plein droit et dès le commencement ces dispositions informes ou favorisant des incapables ; en conséquence elles ne peuvent valoir pour la conscience, et les intentions du défunt, par sa faute ou non. n’auront aucun effet.

In sentiment opposé, soutenu autrefois par l.essius el Busenbaum et aujourd’hui par la plupart des modernes, maintient la valeur du droit nat urel, pourvu que la volonté du testateur soit certaine et suscept ihle de preuve au for externe, c’est adiré, pourvu qu’elle soit écrite de la main du testateur ou prouvée par

l’affirmât ion de deux t (’moins sérieux, en tin, tout particulièrement . si elle a été admise par la sentence du juge. La raison en est que l’intention du législateur est loin d’être claire, et qu’en conséquence il est légitime d’interpréter différemment les textes. L’intention du législateur. Opinent ces auteurs, est de statuer que de t elles

dispositions peuvent être attaquées par les Intéressés et qu’elles ne deviennent effectivement nulles qu’après sentence du juge qui les Infirme. C’est d’ailleurs le sens assez net de l’art icte 1 3 m : i La confirmation ou ratification nu exécution volontaire d’une donation par les héritiers ou ayants-cause du donateur, après son décès, emporté leur renonciation à opposer toit les vices de