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TRANSFORMISME. CRITIQUE THÉOLOGIQUE


sions funestes qu’a eues cette faute sur toute la descendance d’Adam et d’Eve. Si l’on ajoute que, par voie de conséquence, la mission du Christ a été, aux yeux du dogme, de réparer, pour l’humanité entière, les conséquences fatales de la « faute originelle », on voit que la théologie ne saurait se désintéresser de certains problèmes qui sont liés à l’apparition de l’homme sur la terre : est-il loisible d’admettre, aux origines de l’humanité, au lieu du couple unique, que donne la narration biblique du jahviste, ce premier groupe humain, à plus forte raison ces premiers groupes distincts, que réclament d’ordinaire les biologistes (col. 1382)? dans quel état physique et psychique fautil se représenter les premiers parents de l’humanité actuelle ?

1. Monogénisme ou polygénisme.

La première question a été traitée à l’art. Polygénisme, t.xii, col. 2520 sq. et au moins touchée à l’art. Préadamites, ibid., col. 2799. Nous n’y reviendrons ici que pour faire remarquer que certains biologistes, qui ne se laissent pas guider par les enseignements de la foi, reconnaissent comme possible la constitution du phylum humain à partir d’un couple unique. Ainsi Cuénot, dans un passage cité à l’art. Polygénisme, col. 2534.

Ajoutons, d’ailleurs, que telle n’est point l’attitude de la majorité des biologistes et qu’il faut, dans une saine apologétique, compter avec les répugnances de ceux-ci. Pour éviter le heurt trop violent entre les données plus ou moins hypothétiques de la science et celles de la théologie, il y aurait bien la ressource de considérer la narration des premières origines de l’humanité selon le jahviste comme une description simplement idéale. Ce qu’aurait voulu mettre en évidence, sous la poussée de l’inspiration, l'écrivain sacré, ce serait, outre les grandes vérités religieuses et dogmatiques cidessus énoncées, le fait que, dès les premiers moments de son apparition, l’humanité s’est montrée perverse et coupable, qu’abusant des facultés reçues de Dieu, elle ne les a fait servir qu'à des fins égoïstes, que, plongeant encore dans l’animalité, elle n’a pas su faire prédominer le dictamen de la raison contre les tendances inférieures qui étaient la conséquence de ses origines. Bref le récit biblique ne serait pas à prendre à la lettre, mais plutôt devrait être considéré comme une manière populaire (et même si l’on veut enfantine et naïve) de faire entendre une vérité incontestable : la tendance au mal si profondément enracinée chez l’homme, le fait que chaque individu récapitule pour ainsi dire, dans l’histoire de sa conscience morale ce qui s’est passé aux origines. Cette exégèse, nous l’avons dit cidessus, col. 1386, pourrait se réclamer d’illustres garants, dont le moins important ne serait pas saint Augustin, en ses premières explications de la Genèse.

Mais il laul bien reconnaître que là théologie actuelle ne semble guère disposée à lui donner un lalssezpasser. Les décisions de la Commis ion biblique etl date du 30 juin 1909 et relatives à l’interprétation des premiers chapitres de la Genèse semblent exiger que l’on fasse des récits de la création du premier couple humain, de la faute originelle et de ce qui la suivit immédiatement une histoire réelle. Voir Spécialement les dubin i. il et III, Denz.-Bannw., n. 2121-2123. Encore qu’il faille s’entendre sur le sens précis de ce mot « d’histoire » — il est trop évident, Augustin l’avait déjà remarqué, ci-dessus, col. 1387, qu’A ne s’agit pas de prendre à la lettre tous le ! traits du rérji sacré — la décision officielle de l'Église, si bénignement qu’on la puisse ou qu’on la veuille interpréter, semble bien couper court à toute « sublimation du texte génésiaque. C’est ce que reconnaissent des théologiens catholiques très favorables à l’ensemble de la doctrine transformiste, ainsi E.-C. Messenger, Bvoltl iion and theologꝟ. 1930. Ils ne peuvent d’ailleurs s’em pêcher d’exprimer le souhait que le problème soit « reconsidéré » comme l’ont été récemment d’autres problèmes bibliques. Au fait, diront-ils, il ne peut pas ne pas l'être. Au fur et à mesure que la doctrine biologique de l'évolution s’imposera davantage, se débarrassera plus complètement des tares antireligieuses de ses débuts, se pénétrera plus intimement de spiritualisme et de théisme, la théologie ne pourra manquer d’amenuiser quelques-unes de ses exclusives, de tenir de plus en plus largement compte des données scientifiques certaines et même des hypothèses qui permettent de les relier. L’exégèse de son côté arrivera à une conception plus juste du contenu même des Livres saints. L'étude des divers documents qui se sont incorporés au récit biblique, d’une part, la considération des « genres littéraires », d’autre part, le souci enfin de rechercher avant tout dans le texte sacré non ce que nous désirerions y trouver, mais ce que l’auteur primitif y a mis, amèneront à ne demander aux hagiographes que ce qui est de leur compétence. L’encyclique Divino afflanle Spiritu, du 30 septembre 1943, sur les questions bibliques est un précieux encouragement à entrer dans cette voie ; à l'étudier, on comprendra de mieux en mieux que l’on n’explique pas le récit génésiaque comme telle page des Rois ou des Actes des apôtres. Le concordisme, dont le succès a été si grand et la faillite si brusque, était né d’une fausse conception de ce qu’est la Bible. Il ne s’agit pas, après l’avoir chassé du premier chapitre de la Genèse, de le restaurer dans les suivants, d’essayer une conciliation entre les données de la science et celles de la Sainte Écriture. Il s’agit de laisser aux disciplines humaines leur légitime autonomie, la liberté de proposer leurs découvertes certaines et les hypothèses qui en font un corps de doctrine et par ailleurs de reconnaître le caractère unique, transcendant, idéal des affirmations religieuses contenues dans le texte sacré. Ne parlant pas des mêmes objets, comment les disciplines humaines et les disciplines théologiques pourraient-elles se heurter ?

Ainsi raisonnent les théologiens auxquels nous faisions tout à l’heure allusion. Laissons à l’avenir le soin de dire ce qu’il faut retenir de toutes ces considérations. Retenons toutefois que, dans l'état présent de la science théologique, il paraît au moins téméraire, pour ne pas dire erroné, de contester la descendance de notre humanité à partir d’un couple unique. Sans doute n’y a-t-il pas à ce sujet de jugement définitif de l'Église. Toutefois le premier projet de Constitution dogmatique du concile du Vatican contre les erreurs dérivées du rationalisme (et dont les quatre premiers chapitres seuls sont devenus la Constitution Dci Filius), contenait un c. xv : De communi lolius humani generis origine ab uno Adam, dont il peut être opportun de rappeler la teneur :

Tain Veteris quam Novi Testament ! revelationi innixi, profitemur et docemus totum lumiaïunu genus ab uno primo parente Adam orturn luibero. Ipso eniin Ad. un, cui cUtD uxore sua Ileva maire cunctorum vivent ium benedicens Deus mandavit replere terram, a Spirilu sancto in

iii>n> Saplentte dloitui primus tormatus a De>o pater orbis terrarum (Sap., x, 1) et diserte Aposlolus Pentium pnrdicavit fecisse IJeum ex uno nmiu : genus lioinuuuu inliabitarc super universam faciem terra : (Act., xvii, 20). Inmio negata hac veritate, etiam alterum revalatum douma peccati originalis ait uno primo genitore In otnnei Domines tnUUfas ! et redemplionis omnium per unum m'-diatorom Dci et homimim hominem Cliristum.lesum violatur, Contra iliM-lrinain ab eodem apostolO tradilam : siont per Unllli delie.tum in oniucs hommes in condemnal ionem. sir et per ililius jusliliain in onuies liomines in just ifit ut ionem vil » (Rom., v, 18). Unde sui> anathemate damnamui arrorem, quo basa twltns et oommunli origo totlus aumanl gi uegatur. Texte dans s|aatl Petit, Conell., t. l, col

cf. les annotations îles auteurs <lu projet col. ION