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TENTATION


guère agir efficacement sur nos âmes, la première sans contredit et la plus importante source de nos tentations, c’est nous-mêmes, notre nature déchue, ce qui, en langage théologique, est appelé notre concupiscence. Le sens exact de ce dernier mot et la manière dont doit l’entendre une étude de la tentation humaine sont précisés à l’art. Concupiscence, t. iii, col. 803 sq. ; des compléments sur la doctrine que nous résumons se trouveront aussi à l’art. Péché, t.xii, col. 195 sq.

a) C’est une des suites du péché originel : par la faute de notre premier père, nous avons été privés de ce don préternaturel qu’était la maîtrise de nos activités inférieures, de nos sens corporels et de nos facultés sensibles. Ces activités ont de la peine à rester soumises à notre volonté, à se laisser conduire et harmoniser pour le bien de l’ensemble. Elles présentent trop souvent à notre intelligence et à notre volonté des biens incomplets, des plaisirs parfois très attirants, qui les satisferaient, mais sont contraires à notre vie naturelle supérieure ou à notre vie surnaturelle et que la loi morale réprouve ou que la perfection chrétienne déconseille. C’est ainsi que les sens, l’appétit sensitif et ses passions avec l’aide des sens intérieurs et de l’imagination, en un mot la concupiscence, formant un (ornes peccati, selon l’expression du concile de Trente, constituent une source de tentations, intérieure à chaque homme et dont seule la mort le délivrera. « Chacun, dit l’apôtre saint Jacques, est tenté par sa propre convoitise, qui l’amorce et l’entraîne. » Jac, i, 14. Et saint Jean, dans un texte célèbre, autour duquel s’est formée toute une littérature, détaillera les trois principaux points, sur lesquels se porte cette tentation personnelle de chacun par soi-même : « Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie. » I Joa., n, 16.

Cette source de tentations toujours agissante suffirait à elle seule à nous fournir des occasions de lutte continuelle ; le démon l’utilise ; grâce à elle les appels du monde sont mieux accueillis ; par l’union des trois, la tentation se trouve grandie en force et en continuité.

b) Les sollicitations au péché ne sont pas, en elles-mêmes, des péchés. Le Concile de Trente a défini contre les protestants que la concupiscence venait du péché et conduisait au péché, mais n’était pas péché. Sess. v, can. 5, Denz.-Bannw., n. 792 ; cf. prop. 50 de Baïus, ibid., n. 1050. Mais indirectement elles agissent sur l’intelligence, en la troublant par la présentation de biens qui plaisent intensément à la chair et aux sens ; si la passion la troublait au point d’empêcher son exercice suffisant. elle créerait l’irresponsabilité. Quant à la volonté, la concupiscence ou appétit sensible, en tant que portanl au péché, l’affaiblit par suite de l’uniou étroite des puissances appétitives dans le composé humain ; l’habitude de céder à la passion, à la tentation résultant de la passion, rend du reste cette Volonté débile et sans force pour résister à de nouveaux assauts.

i" Questions morales concernant la tentation. — Quelques

principes particuliers que divers moralistes préut au sujet de la tentation, compléteront les vues précédent

1. Il n’est pas permis de provoquer la tentation ou de s’y exposer témérairement et sans juste cause. La tentation en effel entraîne un péril de pécher plus ou moins sérieux. Or, en vertu de la charité envers soimême il est défendu de s’exposer sans raison suffisante

i pécher. Cette Juste cause permettant d’affronter la

tentation devra être proportionnée à la gravite de 1’Ile i i, i l’étal du sujet, aux diverses circonstances ;

de toute manière le perd prochain de pécher devra être

éloigné, au moins par des moyens siirnal urcls, en sorte’pion obtienne l’espoir fondé (le surmonter la tenta

tion. Un jugement de prudence déterminera pour chaque cas quand cessera toute témérité grave ou légère.

2. Sentiment et consentement.

Seul le consentement, l’acceptation ou la tolérance du mal suffisamment reconnu comme tel constitue le péché. Dans ce qui précède le consentement — la témérité à s’exposer à la tentation ainsi que la négligence à y résister étant mises à part — rien n’est imputable comme vraiment coupable. Avoir intellectuellement conscience de la tentation, éprouver le plaisir qu’elle peut déjà apporter, s’émouvoir du mouvement de passion qu’elle détermine et en ressentir vivement l’élan, tout cela, que les moralistes résument dans ce mot de « sentiment », n’est pas péché. Le péché est dans le consentement, il n’est pas dans le sentiment. Axiome de la plus grande importance dans la vie morale et chrétienne ! C’est un des premiers points dont il est nécessaire de se rendre compte au moment de la formation de la conscience, à l’adolescence, et qui fera éviter dans la suite bien des troubles et des scrupules, s’il est bien compris et appliqué.

Il n’est du reste pas toujours aisé de distinguer « sentiment » et « consentement » par suite de l’union étroite des activités humaines. Dans le doute, surtout en ce qui regarde le péché grave, l’âme de bonne volonté, qui, d’habitude, lutte contre les tentations, pourra toujours trancher ou décider en sa faveur et n’estimer avoir consenti à la tentation que lorsqu’elle en aura une certitude vraiment complète ; si elle est timorée ou scrupuleuse, elle aura à s’en remettre au jugement d’un directeur.

3. La résistance aux tentations.

Normalement, en dehors des cas plutôt rares de tentations purement extérieures, c’est en s’aidanl des mouvements de la concupiscence que le démon ou le monde exercent leur action tentatrice. l’oser la question de la résistance aux tentations, c’est donc pratiquement se demander dans quelle mesure et comment il faut résister à ces mouvements.

a) Les moralistes exposent quelque peu diversement la manière dont cette résistance peut se faire. La division suivante paraît la plus claire et la plus pratique. On peut devant un appel de la concupiscence, devant la tentation :

a. Se tenir dans une altitude purement négative ou passive ; on reste indifférent, sans employer aucun moyen contre la tentation.

/ ;. Résister positivement mais indirectement, employer quelque moyen pour la vaincre, mais sans faire d’acte proprement contraire (par exemple courte prière, puis application au travail dans un mouvement contre la chasteté).

c. Résister positivement et directement, en émettant un acte contraire (par exemple acte d’humilité intérieure ou extérieure contre une pensée d’orgueil).

b) En principe l’attitude purement négative et pas sive doit être regardée comme Insuffisante à moins de juste cause, (/est en effet se soucier peu de la tentation, risquer de trop se mettre en péril d’y consentir et de la fortifier. Il faudra donc, tout au moins si la tentation est vraiment formée et pressante, émettre un acte de désaveu, un ferme propos de ne point pécher, se inettre dans une disposition d’Ame équivalente. Mais il est des cas OÙ, cet acte étant supposé, une al I i tude plutôt passive peut suffire et même se trouver être la meilleure manière de se comporter, par exemple si la tentation survenait au cours d’une action lion nète et utile, si une résistance positive risquait de rendre plus forte la tentation, si celle ci se prolongeait el menaçait de demander un effort épuisant.

Ilols de tels eas la résistance positive s’impose. Elle sera indirecte, quand uni’résistance plus directe sciait