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TENTATION


classique. En plusieurs passages de ses écrits, ce docteur distingue : lentalio probationis et tentatio deceptionis vel seductionis ; cf. De consensu evang., t. II, c. xxx, n. 71, P. L., t. xxxiv, col. 1113 ; In Heptateuchum, t. II, q. lviii, t. xxxiv, col. 616 ; Epist., ccv, ad Consenlium, n. 16, t. xxxiii, col. 947-948, etc. Cette division concerne la tentation regardée activement ; elle repose moins sur la diversité des objets que sur la fin et l’intention de celui qui l’exerce.

1. La tentation de simple épreuve (tentatio probationis ) n’a pas pour but de nuire au sujet ou de le pousser au mal, mais au contraire de mettre en vue ce qu’il vaut, de le perfectionner en lui permettant d’exercer sa volonté, de manifester ou d’accroître ses qualités et son énergie, de le faire mériter et monter en force et en sainteté.

Dieu peut être l’auteur de la tentation ainsi comprise ; il ne l’envoie pas afin de connaître lui-même ce que vaut celui qu’il est dit tenter, autrement sa science infinie serait en défaut ; mais il veut ainsi majiif ester les qualités et les vertus de celui qu’il éprouve et le faire progresser. C’est ainsi que doivent être compris les textes de la Bible où Dieu est dit tenter son peuple et ses amis, afin d’apprendre ce qu’ils ont au fond du cœur et ce qu’ils peuvent à son service ; en particulier, Deut., . xiii, 3 : « Jahvé votre Dieu, déclare Moïse aux Hébreux, vous éprouve afin de savoir si vous aimez Jahvé, votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre âme », la Vulgate traduit très clairement dans ce sens : ut palam fiât ; Gen., xxii, 12 : l’ange de Jahvé, c’est-à-dire Dieu lui-même, dit à Abraham : « …Je sais maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. » En ce sens, on peut même regarder tout l’ensemble des maux et des difficultés qui se présentent dans la vie des hommes comme des tentations voulues du maître souverain et entrant dans le plan divin. La vie humaine est, dans sa totalité, une épreuve, une tentation divine. À cette tentalion de simple épreuve se rattache celle que, à l’inverse, l’homme peut exercer à l’égard de Dieu ; elle sera étudiée plus loin.

2. La tentation de déception ou de séduction (elle est dite encore par certains théologiens : tentatio subversionis ) a pour but au contraire de faire commettre le péché, de séduire et d’amener la ruine spirituelle. Elle propose soit un mal sous l’apparence d’un bien, soit un bien relatif ou un objet indifférent, qui, par leur attrait, par le plaisir ou le trouble qu’ils causent, tendenl i amener la volonté à abandonner le devoir, à se dérobe : ’a l’ordre divin.

Cette tentation, qui sollicite au péché, est celle qu’on entend le plus souvent en théologie, surtout en théologie spirituelle, par tentation : c’est la tentation proprement dite Dieu, dont la bonté suprême ne peut vouloir le péché, ne saurait être dit l’auteur réel de la tentation ainsi comprise. Cf..lac, l, 13-14 : « Que nul. lorsqu’il est tenté, ne dise : c’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui-même ne tente personne… II ne peut que permettre l.i tentation de ce genre, en ce sens que, nous donnant

(ouïs nécessaires pour en triompher, il tolère que ceux qui veulent la perte de nos âmes nous éprouvent ainsi et que, nous -même, nous trouvions en nous les o.. a lions de pécher et des sollicitations au désordre. La sixième demande du Pater, qui se traduit littéralement : Ne nous induisez pas en tentation », Matth., vi, 13 ; Luc, xi, 4, ne peut être comprise comme une Supplication à ne pas nous solliciter au péché, mais simplement ou comme une demande de ne pas non,

succomber a cette sollicitation (et c’est ce que

polie la traduction française habituelle), ou de ne pas permettre que nous soyons trop lourdement tenir. Notons, en terminant cet explications sur les deux

espèces augustiniennes de tentations, qu’une même tentation peut appartenir à la fois à l’une et à l’autre, soit par suite de deux agents qui y concourent, soit du fait d’un seul et même agent : la tentation la plus fameuse de l’Ancien Testament, celle de Job, était de la part de Dieu tentation de simple épreuve et de la part du démon tentation de séduction ; la tentation de Notre-Seigneur après le jeûne du désert fut chez Satan d’abord une tentation d’épreuve, puisqu’il désirait avant tout savoir ce qu’était au juste ce saint extraordinaire, mais il cherchait en outre à le faire tomber, s’il était possible, dans le péché. On voit par ce qui vient d’être dit qu’il ne faut pas exagérer la rigueur de cette division : elle est plus utile à résoudre certaines difficultés, surtout bibliques, qu’à distinguer et classifier strictement les tentations.

3° À cette division, qui concerne la tentation considérée activement, ajoutons celles qui se rapportent plutôt à la tentation entendue passivement et en elle-même : elles sont établies d’après les objets ou matières des tentations. Ainsi les moralistes les classeront selon les vertus auxquelles elles s’opposent ; les auteurs ascétiques, dans leurs ouvrages descriptifs ou pratiques, les diviseront d’après les divers moments de la vie spirituelle et les difficultés qu’elles opposent aux progrès de l’âme ; les orateurs sacrés retiendront surtout les plus fréquentes dans leur temps, celles contre lesquelles ils croiront utile de mettre spécialement en garde leurs auditeurs.

II. La tentation de Dieu.

Traitant, dans la Somme théologique, des vices opposés par défaut à la vertu de religion, II a -II 1B, q. xcvn sq., saint Thomas nomme en premier lieu et examine la tentatio Dei.

A l’article Religion (Vertu de), t. xiii, col. 2312, ce manque de respect envers Dieu n’étant que simplement indiqué, nous croyons devoir résumer, par mode de complément, la doctrine que présente sur lui la Somme théologique, en y ajoutant quelques précisions des commentateurs ou des moralistes plus modernes.

1° Le nom vient de la Bible : sous ce terme on présente toute une série de faits, où l’on voit soit le peuple hébreu, soit certains personnages mettre la patience de Dieu à l’épreuve, en manquant à son égard de confiance, de soumission, de sincérité, ou encore recourant avec irrévérence à sa puissance, cf. Xiim. XIV, 22 ; Deut., ix, 22 ; xxxiii, 8 ; Judith, viii, 1 1 ; I’s.. i.xxviii, 18, 41, 56 ; xcv, 9 ; cvi, 14 ; Is.. vii, 12, etc. Devant des faits de ce genre. Moïse recommande aux Hébreux, Deut., vi, 16(Notre Seigneur usera de ce texte dans la tentation au désert, Matth., iv, 7) : « Vous ne tenterez point Jahvé. notre Dieu, comme vous l’avez tentéàMassah » (où ils avaient douté du Seigneur, cf. Ex., XVII, 7). El les Livres sapientiaux invitent à prier el à agir en se gardant de tenter Dieu, l’.ccli., XVIII, 22 : Sap., i, 2. Dans le Nouveau Testament, Ananie et Saphire sont dits avoir tenté Dieu par leur dissimulation. Act., V, 9 ; saint Paul prescrit aux premiers chrétiens de ne point tenter le Christ comme les Hébreux ont tenté Jahvé. I Cor., x, 9.

2° La doctrine de saint Thomas sur la tentation de Dieu, II » -II", q. xcvii, est présentée en quatre articles. Dans les deux premiers, on recherche respectivement ce qu’elle est et ce qui constitue sa malice : les

deux autres traitent de questions secondaires : est-ce

bien à la religion que s’oppose la tentation de Dieu".’I.st elle péché plus grave que la superstition ? Cette doctrine peut être résumée ainsi :

L La tentation de Dieu est une épreuve que l’homme institue au sujet de quelque perfection de Dieu, de sa Connaissance, de sa Volonté, de sa puissance. Elle est faite en paroles on en actes, ouvertement ou pal ruse et, surtout, elle est soil expresse, soit interprétative :