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TRADITION. PÈRES GRECS DU Ve-VIII* SIÈCLE


7. Saint Jean Chrysoslome.

Ce représentant le plus qualifié de l'école d’Antioche a, sur la tradition, une doctrine très ferme.

On la trouve d’abord dans les commentaires sur les textes scripturaires qui établissent l’existence et la légitimité des traditions. In epist. II ad Thess., hom. iv, n. 2, sur II Thess., ii, 15 : « Par là, il est clair que (les apôtres) n’ont pas transmis tout par lettres, mais qu’ils (ont transmis) beaucoup de choses même sans écrits et ces vérités sont aussi dignes de foi. Aussi devons-nous estimer que la tradition de l'Église est digne de foi : c’est la tradition ; il ne faut chercher rien de plus. » P. G., t. lxii, col. 488. Dans son commentaire In epist. Il ad Tim. (i, 13), il écrit : « Ne pensons pas que la doctrine transmise (SiSacrxaXtav) soit fautive. (Saint Paul) a instruit en beaucoup de choses (son disciple) sans écrire. Il le lui rappelle présentement en disant : « Conserve le souvenir des saines instructions reçues de moi. » Col. 615.

Les apôtres ne sont donc pas comme Moïse, qui descendit de la montagne en portant en ses mains des tables écrites ; animés parl’Esprit-Saint, « ils étaient des livres vivants et, par la grâce de l’Esprit, ils étaient constitués des règles (de la foi) », Piêxta xal v6u.oi Yiv6(j.evoi Sià rîjç xâpifoç. In Matth., hom. i, n. 1, t. lvii, col. 15.

Sans doute, parmi les dogmes, certains seraient restés inconnus s’ils n’avaient pas été écrits. Mais certains autres n’ont pas été insérés dans l'Écriture : ainsi les apôtres nous ont laissé de nombreuses traditions non écrites, parce qu’il fallait amener doucement et progressivement les hommes à la connaissance des vérités sublimes. In Acta apost., hom. i, n. 1, t. lx, col. 15.

Parmi ces traditions laissées par les apôtres, Chrysostome, comme Épiphane, compte la prière pour les défunts. Après avoir, dans un texte assez discuté, voir art. Purgatoire, t. xiii, col. 1205 et art. Mitigation des peines, t. x, col. 2001, invité les fidèles à prier pour toutes sortes de pécheurs, il ajoute que c’est par les apôtres eux-mêmes qu’a été constituée la loi de la prière pour les défunts. In epist. ad Phil., hom. iii, n. 4, P. G., t. lxii, col. 203-204.

Note sur les Pères syriens.

1. Aphraate affirme

avec ardeur la valeur de l’enseignement des anciens. Il en appelle souvent à leur autcrilé pour confirmer l’interprétation des Écritures ou d’autres doctrines. Il veut qu’on interroge les sages. Demonstr., v, 25 ; xxii, 26. Lui-même a été instruit par un maître, ii, 14, et il instruit son ami, afin que celui-ci, à son tour, instruise les autres, i, 20 ; xii, 12. À quelles sources a puisé Aphraate ? Il affirme lui-même qu’il est imbu des traditions juives et apostoliques. Les traditions juives lui servent a discuter avec les Juifs ; mais il recourt aux traditions apostoliques et aux Pères quand il s’agit de défendre la religion chrétienne. Ici, il se rencontre avec saint Éphrem. Voir, sur tous ces points, la Patrologie syriaque, t. i, préface aux œuvres d’Aphraate, n. 12, p. xi.ix-li.

2. Quant à saint Éphrem, on sait qu’il est avant tout poète, et qu’il brille plus par la grâce que par la profondeur. Néanmoins — et peut-être à cause de cela même — il s’attache fermement à la doctrine traditionnelle de l’Lglise. Il est fermement orthodoxe et d’une orthodoxie ecclésiastique. L'Église enseigne la vérité sans mélange d’erreur et, contra les hérétiques, elle défend la vérité des Écritures..S. Ephrrm Syri opéra omnia 'dit. Assémanl, Rome, 1737-1746, t. ii,

l>. 1 l'.l.. 560 I !. Si la foi esi contenue dans les Livres saints, c’est a la théologie qu’il appartient de les étudier et de le* expliquer. T. iii, p. 132 If. La vérité religieuse vient, en elh ». de deux sources, Écriture et Eglise, lui dehors de la il est inutile et même nuisible

de chercher : « Il y a dans l'Église une recherche pour ce qui est révélé ; il n’y en a point pour ce qui est caché. » T. iii, p. 18 C. Des recherches humaines, faites au nom de la philosophie, sont préjudiciables à la foi : « celui qui croit ne cherche point ; celui qui cherche ne croit point. » T. iii, p. 184 C. C’est dire le peu de cas que fait Éphrem de la raison humaine et toute l’autorité qu’il accorde à la tradition manifestée dans l’enseignement de l'Église. Cf. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 210-211 ; J. Lamy, Saint Ephrem, dans l’Université catholique, 1890, t. m et iv ; C. Eireiner, Der hl. Ephrsem der Syrer, eine dogmengeschichtliche Abhandlung, Kempten, 1889.

3° Pères du Ve au rrue siècle. — Du Ve au viiie siècle, la théologie subit, en ce qui concerne l’argument de tradition, l'évolution qu’appelait normalement la complexité même de son développement. Jusqu’au ive siècle, en effet, les Pères avaient invoqué, en dehors des Écritures, les traditions reçues de Jésus-Christ par les apôtres, transmises oralement par ceux-ci aux premières générations chrétiennes et parvenues par la même voie jusqu'à nous. Ces traditions tiraient leur force et leur valeur doctrinale de la source divine dont elles émanaient. Mais, dès la seconde partie du ive siècle, non contents d’invoquer les traditions apostoliques, quelques Pères commencent à se référer à l’autorité de docteurs antérieurs et à l’autorité des Pères de Nicée : on a vu plus haut comment Eusèbe de Césarée recueillit avec soin les doctrines des évêques du ine siècle et comment Athanase et Épiphane s’appuient avec insistance sur le concile de Nicée. Origène et Denys d’Alexandrie sont cités nommément du côté des grecs et, chez les latins, les noms d’Hilaire et d’Ambroise viennent sous la plume des écrivains de la génération suivante.

Mais à partir du ve siècle, le recours à l’autorité des Pères prend un développement considérable. On ne se contente plus d’y recourir d’une manière générale et anonyme, mais on justifie ce recours et l’on dresse des listes d’auteurs recommandables. On justifie le recours aux Pères, en insistant sur la garantie que l’EspritSaint lui-même donne à leur témoignage. On ébauche ainsi la doctrine du magistère ordinaire infaillible de l'Église. On dresse des listes d’auteurs : dans les controverses qui surgissent, devant les conciles appelés à les trancher, les orateurs s’efforcent de constituer des dossiers patristiques qui s’ajoutent, en les complétant, aux dossiers scripturaires. Nous aurons l’occasion d’en signaler un certain nombre. La preuve tirée du témoignage des Pères considérés comme docteurs et organes de la tradition prend donc, à partir du v c siècle, une ampleur exceptionnelle.

1. Saint Cyrille d’Alexandrie.

Ce vigoureux polémiste est peut-être l’initiateur du développement dont nous venons de parler. Il continue à Alexandrie l’enseignement de saint Athanase. D’un mot, il rappelle la force de la transmission d’une vérité par celui qui l’a reçue du Christ lui-même, comme saint Paul (I Cor., xv, 3). In epist. I ad Cor., P. G., t. lxxiv, col. 893 CD. C’est par là en effet que les « traditions évangéliqucs, comme il les appelle, In Is., t. V, tom. vi, P. G., t. lxx, col. 1433 A, sont source de vérité révélée. Aussi, tout en défendant le dogme de la maternité divine contre Nestorius, Cyrille a-t-il conscience de ne répéter que ce que les apôtres et les évangélistes ont transmis pour l’avoir appris du Christ, r))v à7roaTOAixT)v xal eùaYyeXiXTjv 7rapâ800tv. De recta fide ad regiiuis. n. 3, P. G., t. lxxvi, col. 1264 C. Il paicil lement il exhorte les moines à suivre les vestiges des saints Pères. Epist. l* ad monachos, t. i.xxvii, col. 12 C, et à garder la foi transmise depuis les saints apôtres. Cette fol, les divins disciples l’ont transmise bien qu’ils n’en aient pas donné la formule. Et ce sont les saints