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TOURNEMINE (RENÉ-JOSEPH DE)


la rue Saint-Antoine, il quitta la direction du journal, mais continua jusqu’à sa mort à y collaborer activement. Chargé, à partir de 1725, de la continuation de la Bibliolheca scriptorum S. J., il rassembla des matériaux pour cette œuvre, mais n’en publia rien. D mourut à Paris, le 16 mai 1739.

Ses contemporains font les plus grands éloges de son érudition étonnante dans les domaines les plus variés, de son jugement sûr et nuancé, de sa critique bienveillante, mais loyale et pénétrante, de son style naturel, nerveux et clair. C’est à lui que les Mémoires de Trévoux durent pour une très grande part leur succès rapide (voir l’art. Trévoux). Ses qualités exceptionnelles, ses fonctions de directeur du journal et de la bibliothèque, son inlassable complaisance lui assurèrent une influence très étendue, bien qu’il n’ait publié aucun ouvrage important. Il était en correspondance avec les plus grands savants de tous les pays. Ses conseils étaient très recherchés par les débutants littéraires et il ne se lassait jamais d’aider ceux qui avaient du talent. C’est ainsi qu’il fut en particulier le conseiller et l’ami du jeune Voltaire, élève au collège Louis-le-Grand. Jusqu’à la fin de sa vie, il témoigna à son ancien protégé une affection sincère ; encore en 1738, un an avant sa mort, il parle dans une lettre au P. Brunoy de « l’amitié paternelle qui m’attacha à lui depuis son enfance ». En 1735, Voltaire lui écrivit deux fois pour avoir son avis sur certaines opinions qu’on lui reprochait, en particulier sur la proposition de Locke que Dieu peut communiquer la pensée à la matière. Après lui avoir répondu personnellement, le P. Tournemine publia dans les Mémoires de Trévoux une critique extrêmement courtoise, mais ferme : Lettre à M. de XX sur l’immortalité de l’âme et les sources de l’incrédulité (octobre 1735 : reproduite dans Grosier, Mémoires d’une Société célèbre, 3 vol., Paris, 1792, t. ii, p. 306). Dans une troisième lettre, Voltaire essaya de répondre à ces critiques. Voir Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Dclangle, t. lxii, Mélanges littéraires, p. 75-107. Visiblement le philosophe attache le plus grand prix à l’approbation de son ancien maître. Il lui témoigne la plus affectueuse vénération : « L’inaltérable amitié dont vous m’honorez. .. me sera chère toute ma vie », etc. Mais, froissé dans son amour-propre, il usa ailleurs à l’égard du Père de procédés mesquins, jusqu’à dénigrer ses talentset à attribuer aux jésuites ces deux méchants vers : « C’est notre Père Tournemine, Il croit tout ce qu’il imagine. » Voir A. Pierron, Voltaire et ses maîtres, Paris, 1866, p. 121-137.

Le P. Tournemine est un de ceux qui eussent pu écrire des chefs-d’œuvre, et dont les journaux ont séché la sève et atrophié les fruits. » Pierron, op. cit., p. 132. Il avait formé et même publié plusieurs projets d’ouvrages ; aucun n’aboutit, trop absorbé qu’il était par ses fonctions de rédacteur et de critique et par l’intérêt très actif qu’il portait aux travaux d’autrui. Il a cependant laissé une œuvre d’une érudition et d’une variété stupéfiantes ; mais elle est disséminée dans des brochures, des ouvrages d’autres auteurs, dans le Mercure de France et surtout dans les Mémoires de Trévoux. Sommervogel énumère 84 titres, auxquels il faudrait certainement ajouter un grand nombre d’articles anonymes ; de ces 84 travaux, 12 sont dans le Mercure, de France (de 1725 à 1739), r, : s dans les Mémoires de Trévoux (de 1702 à 1736). Lea sujets traités sont, extrêmement variés : Écriture sainte, patrologie, philosophie, histoire et littérature anciennes et modernes, numismatique, etc., jusqu’à une Dissertation on il prouve que l’inclination pour la chasse est dans un jeune prince le présage d’une vertu héroïque (Mercure de France, mai 1725), ou la charmant’Histoire des étrrnncx, à Monseigneur le Prince (Mém. de Tr., jan vier 1704, dans Grosier, op. cit., t. i, p. 355). Nous indiquons les travaux les plus intéressants qui se rapportent aux sciences sacrées.

Écriture sainte.

En 1709, le P. Tournemine

réédite les Commentarii lotius Scripturæ du P. Menochius, en y ajoutant d’importants suppléments. — Dans l’édition de la Vulgate de J.-B. Duhamel (Paris, 1706), il public des Tables chronologiques basées sur un nouveau système de chronologie, auquel il avait travaillé pendant dix-huit ans. Voir Mém. de Tr., août 1706 : Défense du nouveau système de chronologie du P. Tournemine. — Conjecture sur l’origine de la différence du texte hébreu, de l’édition samaritaine et de la version des Septante dans la manière de compter les années des patriarches. Outre plusieurs conjectures de détail, l’auteur énonce cette règle, qu’il emprunte à Salmeron (Proleg. 6) : « Je me sers des trois documents. .. pour expliquer et corriger l’un par l’autre, supposant toujours que la conformité qui se trouve entre deux de ces monuments est une preuve de l’altération du troisième », Mém. de Tr., mars 1703 ; objections de l’abbé Roger et réponse de l’auteur, août 1703 ; le tout est reproduit dans Grosier, op. cit., 1. 1, p. 1-44. Le travail, repris et développé, a été inséré par Tournemine dans son édition de Menochius. — Sur la ruine de Ninive et la durée de l’empire assyrien ; Sur l’autorité des livres de l’Ancien Testament que les protestants n’admettent pas dans leur canon, dans la traduction française de l’Histoire des Juifs de Prideaux (Paris, 1726, 6 vol.). — Réflexions critiques sur la dissertation du R. P. D. Pezron touchant l’ancienne demeure des Chananéens, Mém. de Tr., juillet 1704 ; la dissertation de dom Pezron, ibid., juillet 1703. — Dissertation sur la prophétie de Jacob (Gen., xlix, 10). L’auteur traduit comme suit : « La houlette (de Dieu) ne sera point ôtée de dessus Juda et celui qui le conduit (Dieu) ne s’éloignera point… jusqu’à ce que de sa famille vienne Schiloh… » Pour Schiloh, il dégage, des diverses étymologies proposées, plusieurs sens également voulus par l’Esprit-Saint pour désignerle Messie, car « rien n’est au hasard dans l’Écriture et ce qui paraît une négligence est une prédiction » : celui de qui Juda est le peuple, celui à qui l’accomplissement des promesses est réservé, né d’une vierge, pacificateur et sauveur, Dieu. Mém. de Tr., mars 1705 ; reproduit dans Grosier, op. cit., t. i, p. 51-66 et, en latin, dans Zaccaria, Thésaurus théologiens, t. ix. Tournemine revient sur le même sujet dans Mém. de Tr., octobre 1719 et février 1721 ; objections et diseussions : janvier et février 1724. — Discussions avec M. Ma’lemans, chanoine de l’église royale de Sainte-Opportune, Sur quelques passages de saint Luc, Mém. de Tr., juillet, septembre, décembre 1708 et novembre 1709. — Lettre sur la question si Jésus mangea l’agneau pascal la dernière année de sa vie. Elle est adressée au P. Honoré de Sainte-Marie, carme, qui la publia à la fin de ses Réflexions sur la critique, 2 vol., Paris, 1717, en la faisant suivre de sa réponse ; les d< u pièces sont traduites en italien dans Zaccaria, Raccolta di dissertazioni di storia ecclesiaslica, Rome, 1792, t. n. Tournemine veut prouver que Jésus n’a pas mangé l’agneau pascal la dernière année de sa vie.

Patrologie.

Dissertation où l’on fait voir que le

catalogue des hérésies qui se trouve à la fin du livre de Tertullicn des prescriptions est véritablement de cet auteur, Mém. de Tr., août 1702 ; traduit en italien dans Zaccaria, Raccolta, t. viii, — Sur la dissertation de M. Allix touchant Tertullien, Mém. de Tr.. nowmbii 1702 ; critique de certaines affirmations du ministre

protestant Allix dans sa Dissertation critique touchant

Tertullien ci ses ouvrages, insérée par M. Glry dam son

édition, avec (radiation française, de l’Apologeticum, Amsterdam, 1701. — Conjecture sur l’auteur des l’.r