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TOLÉRANCE DE L’ÉTAT


l’État et l’Église vivent côte à côte sous le régime de la séparation. Ce régime a été maintes fois condamné par les souverains pontifes. Cf. Grégoire XVI, encycl. Mirari vos, Denz.-Bamrw., n. 1615 ; Pie IX, Syllabus, prop. 55, ibid., n. 1755 ; Léon XIII, encycl. Immortale Dei, ibid., n. 1867 ; Pie X, encycl. Vehementer, ibid., n. 1995 ; encycl. Pascendi, ibid., n. 2092. Manière d’être anormale, au point de vue chrétien, mais qui, « si elle a de nombreux et graves inconvénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, par une heureuse inconséquence, ne laisse pas de s’inspirer de principes chrétiens ; et ces avantages, bien qu’ils ne puissent justifier les principes de la séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui pratiquement n’est pas le pire de tous ». Léon XIII, encycl. Au milieu des sollicitudes.

Un état de choses pire serait l’état de luttes et de persécutions soit sourdes, soit déclarées. Cet état de choses n’est plus tolérable, parce que les droits imprescriptibles de l’Église y sont directement méconnus, parce que l’Église ne peut plus normalement exercer ses devoirs à l’égard des hommes qu’elle doit instruire et conduire au ciel. L’Église, en cette situation, patientera, souffrira, tirant, dans la mesure du possible, le bien du mal ; mais elle ne reconnaîtra jamais comme tolérable l’hostilité dont elle est l’objet.

L’État en face des autres religions.

Nous avons

parlé tout à l’heure de l’État chrétien, dont tous les citoyens appartiendraient à la religion catholique. Cet état de choses est purement idéal et, aujourd’hui surtout, ne se trouvera jamais réalisé. On peut toutefois, môme aujourd’hui, concevoir un État chrétien, dont les sujets, appartenant en majorité à l’Église catholique, vivraient cependant en communauté civile avec d’autres citoyens relevant de religions dissidentes. Les condamnations portées par le Syllabus (prop. 77, 78, 79) ne doivent pas nous empêcher d’examiner les situations de fait, qu’il faut régler, non pas une application brutale et aveugle de principes émis pour des situations bien différentes, mais par une adaptation prudente et raisonnée de ces mêmes principes, conformément aux directives générales de l’Église sur certaines tolérances indispensables au bon ordre de la société eL au moindre mal pour les âmes.

Tout en reconnaissant que l’Église catholique a seule théoriquement tous les droits et en lui manifestant, de ce chef, une déférence toute particulière, le législateur civil a le droit et le devoir, pour des motifs suffisants de bon ordre et d’intérêt général, de ne pas empêcher le libre exercice d’autres cultes. Il s’agit ici, non de cultes qui prescriraient des actes contraires à la morale la plus élémentaire, par exemple les sacrifices humains ou des acles d’immoralité, mais de cultes qui respectent Phoiirêteté et la morale couramment reçues. Ce n’est d’ailleurs qu’une application particulière du principe général émis par saint Thomas à propos des rites des infidèles. Mais à que) litre le législateur chrétien accordera-t-il cette tolérance ? Ce ne peut être au titre du culte à rendre à Dieu, puisque les cultes dissidents sont fondés sur une erreur, tout au moins partielle. « Cette espèce de liberté ou tolérance civile de certains culics… leur est octroyée soit pour un plus grand bien, soit pour empêcher un plus grand mal. En décrétant celle tolérance, le législateur ail censé ne pas vouloir créai au profil îles dissidents le droit ou la faculté morale d’exercer leur culle, niai, seulement le droit de n’être pas troubles <lans l’asai cice de ce culte. Sans avoir jamais le droit de mal agir, on peut avoir le droit de n’être pas atnpécbé d< mal agir, si une loi |utte prohibe cet empêchement pour de » motifs nfiûatiU. ».1. Dauchcr, art. Lidehté, col. 701.

L’expression « loi juste », dont se sert l’auteur qu’on vient de citer, montre que la tolérance à l’égard des cultes dissidents peut faire (et il est bon qu’il en soit ainsi pour éviter tout désordre) l’objet d’une disposition législative. Une telle légalité ne signifie pas nécessairement que l’Église catholique soit mise, par la loi civile, sur le même pied que les autres religions : « L’Église juge qu’il n’est pas permis de mettre les divers cultes sur le même pied légal que la vraie religion ; elle ne condamne pas pour cela les chefs d’État qui, en vue d’un bien à atteindre ou d’un mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que ces divers cultes aient chacun leur place dans l’État. C’est d’ailleurs la coutume de l’Église de veiller avec le plus grand soin à ce que personne ne soit forcé d’embrasser la foi catholique contre son gré, car, ainsi que l’observe sagement saint Augustin, l’homme ne peut croire que de plein gré. » Léon XIII, encycl. Immortale Dei.

A propos de cette tolérance légale, Cappello fait remarquer que la liberté accordée aux autres cultes pour éviter un plus grand mal, doit admettre des degrés différents d’extension, selon qu’elle s’étend à un nombre plus ou moins grand de religions dissidentes. Il n’est pas requis, il n’est même pas souhaitable que la « liberté des cultes » s’étende d’office et indistinctement à toute espèce de religions passées., présentes ou à venir, même si ces religions présentent les garanties de morale indispensables. La tolérance n’est excusable que par une réelle et présente nécessité : lorsque la nécessité n’existe pas encore ou qu’elle n’existe plus, la tolérance doit être restreinte en conséquence. Op. cit., n. 270.

Est-il nécessaire, en terminant, de rappeler que cet exposé est un exposé de principes et que, dans nos temps modernes, les applications exigent un doigté, une prudence, une adaptation de tous les instants, que commandent les circonstances et les situations ? Il suffit néanmoins à montrer quelle est la pensée fondamentale de l’Église en pareille matière. Nous trouvons d’ailleurs cette pensée fort bien résumée à la fin de l’art. Tolérance du DM. apol. de la foi calh., col. 1718, et cette conclusion sera aussi la nôtre. « Supprimer la haine, le mépris ou le dédain pour les égarés d’autres cultes, autrement dit les infidèles ; mais, par ailleurs, entrer dans les intentions du Christ qui veut amener tous les hommes à la connaissance de la vérité. L’intolérance ecclésiastique peut être un mot impopulaire, mais la réalité sympathise avec ce que nous avons en nous de plus élevé et de plus généreux. Elle dit conviction et confiance, là où la tolérance dit scepticisme et désespoir ; elle prouve une force, là où la tolérance n’accuse que faiblesse et impuissance ; elle inspire un zèle sauveur tandis que la tolérance engage plutôt à une indifférence égoïste. L’Église catholique ne peut haïr personne ni passer indifférente à côté d’une seule misère. Elle est la plus intransigeante, la plus intolérante des Églises, mais aussi la plus aimante. Suivant l’expression d’un archevêque français, « l’Église a l’intransigeance de la vérité et de la charité ».

L’article, tel que nous l’avons conçu, ne comporte guère de bibliographie pour sa première partie, laquelle relève surtout de lu théologie sur l’évolution du dogme. On consultera donc, sur ce point, l’art. Éoi.ise, t. iv, col. 2175-2220 cl la bibliographie de l’art, Trauition. Quant à l’attitude de l’Église à l’agent des tnfldètot et det hérétiques, on æ n tara aux commentateurs de saint Thomas, II*-II", q.. a. 8 et a. Il ; notamment a Suarez, Deflde, &i*p. VI II, et disp. XIX-XXIV, n la bibliographie de l’art. Ili’iusn. part ie morale et canonique, et l’art. ScBISMB.

Pour la seconde partie de l’article, voir les traitée de droit public de l’Église : Caragnls, Cappello, '>' Luca, i

Uossi, Seavini, Tarqiiini ; l.ibrtatore, I >il iliritto pubbllco

teeUêtaHtto, l’r.ito, ikh, , i.a QUrJaaa r i<> Stato, Naptee, 1872 ;