Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/613

Cette page n’a pas encore été corrigée
1211
1212
TOLÉRANCE DE L'ÉGLISE


Bannw., n. 294 ; cf. ci-dessus, col. 1189. La plupart des anciens scolastiques exprimaient assez mal la causalité sacramentelle ; leur explication fut néanmoins tolérée jusqu’au concile de Trente, lequel se garda bien de la réprouver expressément. Voir Sacrements, t. xiv, col. 577 sq. Joachim de Flore fut condamné au IVe concile du Latran pour avoir attaqué le Maître des Sentences qui refusait de parler en Dieu de l’essence génératrice ; on est d’accord cependant pour dire que cette condamnation n’atteint pas la formule de Richard de Saint-Victor, essentia générons essentiam, laquelle fut et reste tolérée. Voir t. xiii, col. 2694.

2. Quant aux doctrines.

La sainte Vierge a toujours été considérée comme « pleine de grâce ». Et cette plénitude de grâce, même à l'époque où la croyance à l’immaculée conception avait fait des progrès presque décisifs, n’a pas empêché certains théologiens d’excellent renom, par exemple Cajétan et Spina et, au concile de Trente, les deux évêques dominicains de Fano et de Bertinoro, d’affirmer, sans encourir de réprobation, la doctrine opposée, déjà peu sûre, mais encore tolérée. Le même phénomène s’est reproduit pour Dœllinger, avant le concile du Vatican, en ce qui concerne l’infaillibilité personnelle du souverain pontife. Voir Foi, t. vi, col. 164. On pourrait citer d’autres exemples de doctrines aujourd’hui simplement tolérables, parce qu’insuffisamment probables et non réprouvées : l’opinion par exemple qui considère le souverain pontificat comme attaché, non en droit, mais seulement en fait, au siège de Rome. A. Vacant cite un trait qui pourrait aussi servir d’exemple : A Trente, « les Pères avaient préparé un décret qui condamnait comme hérétiques, ceux qui affirmeraient que les mariages consommés sont dissous par l’adultère. Les ambassadeurs de Venise firent observer que ce décret frapperait le sentiment soutenu par les Grecs et le rendrait hérétique. Le concile céda à ces représentations et formula ainsi sa définition : « Si quelqu’un dit que l'Église se trompe en enseignant… que le lien du mariage ne peut être dissous à cause de l’adultère, qu’il soit anathème. » Ainsi ce décret… n’atteignait pas directement les Grecs, puisqu’il ne définissait pas que l’enseignement de l'Église était de foi catholique. » Études sur les constitutions du concile du Vatican, t. ii, p. 117-118.

Nous ne parlons pas ici, évidemment, des opinions vraiment probables et suffisamment fondées, qu’on ne peut cependant considérer comme des certitudes en raison du lien logique simplement probable qui les relie aux vérités de foi. La liberté accordée par l'Église à de telles opinions est plus que de la tolérance ; il s’y mêle une nuance d’approbation, l'Église les considérant comme des explications plausibles et valables du dogme. De telles opinions sont nombreuses dans le champ théologique : il suffira de rappeler les diverses explications données de l’union hypostatique, de la liberté du Christ, de la causalité des sacrements, de l’inspiration scripturaire, de la conciliation de la grâce avec la liberté, etc.

3. Entre le dogme et l’opinion, il y a place pour la vérité théologiquement certaine. — On peut, toute proportion gardée, raisonner sur ces vérités comme sur les articles de foi. L'Église se montre « intolérante » à l'égard de ceux qui n’admettent pas les vérités théologiques dont la certitude est bien établie ; elle ne les traite pas cependant en hérétiques. L’exemple obvie est celui des jansénistes, avant et après le décret d’Alexandre VIL Cf. Denz.-Bannw., n. 1098. Certaines opinions, d’abord probables, puis simplement tolérables, cessent de l'être lorsque l’opinion contraire a pris, dans le magistère ordinaire de l'Église, le caractère de certitude théologique. Un exemple assez récent pourrait être pris dans la doctrine touchant la science limitée ou illimitée du Christ. Denz.-Bannw.,

n. 2185 ; voir ici Science de Jésus-Christ, t. xiv, col. 1664.

4. Une catégorie inférieure de doctrines religieuses doit retenir notre attention : ce sont les doctrines pratiquement approuvées ou désapprouvées par les congrégations romaines, principalement le Saint-Office et la Commission biblique. Les décisions de ces congrégations ne sont pas garanties par l’infaillibilité doctrinale ; elles ne visent pas à établir la vérité ou la fausseté d’une doctrine, mais sa sécurité ou sa non-sécurité au regard de la foi. Et la décision elle-même suffit à donner cette sécurité ou cette non-sécurité. Sans doute, de telles décisions doivent nous incliner à admettre la vérité de la doctrine approuvée et la fausseté de la doctrine réprouvée ; mais une telle conclusion n’est pas nécessaire ni obligatoire. L’obéissance, intérieure et ferme, due à ces décisions n’exclut pas la faculté de continuer de nouvelles recherches qui, apportant des arguments nouveaux, pourront peut-être provoquer une autre décision en sens différent. Ce qui était encore non-sûr en telles circonstances données pourra devenir sûr en de nouvelles circonstances. Ainsi doit-on juger du décret frappant Galilée ; ainsi devrait-on penser du décret du Saint-Office (20 janvier 1644) — si toutefois ce décret est authentique — interdisant le titre de fête de l’immaculée conception et demandant qu’on y substitue celui de fête de la Vierge immaculée. Voir t. vii, col. 1174. Le décret du Saint-Office du 13 janvier 1897, interdisant de révoquer en doute l’authenticité du comma johanneum a été modifié le 2 juin 1927 ; et le texte du Saint-Office rappelle, pour les écrivains catholiques, en des cas analogues, la possibilité de continuer, nonobstant la décision antérieure contraire, les recherches qu’ils croient utiles pour modifier le sens d’une décision déjà portée, modo profitentur se paratos esse stare judicio Ecclesiæ. Denz.Bannw., n. 2198. On voit par ces exemples la véritable tolérance accordée aux écrivains et savants catholiques.

5. Toujours dans l’ordre doctrinal, mais sur le plan de la raison pure, l'Église, sans rien retrancher de son intransigeance dogmatique, peut tolérer des attitudes qui ne sont pas pleinement conformes à l’esprit chrétien. Les rapports de la foi et de la raison ont été exposés principalement par le concile du Vatican, sess. iii, c. iv, Denz.-Bannw., n. 1795. Voir ici Raison, t. xiii, col. 1648. Tout en maintenant la distinction fondamentale des champs d’investigation de l’une et de l’autre, de la méthode rationnelle et de la méthode d’autorité, l'Église demande à la raison de ne jamais se laisser entraîner dans une opposition aux enseignements de la foi. Une telle disposition implique, de la part du savant ou du philosophe, non un renoncement à son champ normal d'études, à sa méthode, à sa liberté de recherche, mais un respect sincère des enseignements révélés lorsqu’il les rencontre sur son chemin. Cependant, l'Église « tolère et peut-être admet que le philosophe s’abstienne de manifester dans son enseignement ce respect et cette soumission, si, par cette attitude négative, il entend simplement se confiner dans l’objet et la méthode propres de sa science : philosophie et sciences doivent pouvoir user de leurs droits. Tolerandum et forte admittendum, dit expressément Pie IX, epist. Gravissimas inter, Denz.-Bannw., n. 1674.

De ces nuances apportées à l’intransigeance doctrinale, voire de ces tolérances, nous trouvons comme un écho dans la recommandation faite par Innocent XI aux théologiens sur la manière de discuter entre eux des opinions non encore censurées par le Saint-Siège. Décret du Saint-Office, 2 mars 1679, Denz.-Bannw., n. 1216. Applications plus actuelles encore, les tolérances prévues par le code en ce qui concerne la fré-