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TOBIE. DOCTRINE, VIE MORALE


Testament aus Talmud und Midrasch, t. iv, p. 532 sq.

L’interprétation allégorique se plaît à voir dans le poisson le Christ expulsant les démons. Cf. sermon attribué à saint Augustin, P. L., t. xxxix, col. 2125 ; et son traité sur l’Évangile de saint Jean, P. L., t. xxxv, col. 1966 : Piscis assus, Christus est passus.

Expulsé de la demeure de Raguel, Asmodée s’enfuit vers la Haute-Egypte, dans le désert, précise la Vulgate, vin, 3, où l’ange Raphaël l’enchaîna. L’allusion au désert, séjour des démons, est conforme au langage biblique, qui fait des régions dévastées et abandonnées la résidence des démons. Cf. Is., xiii, 21 ; xxxiv, 14 ; Matth., xii, 43-44 ; Marc, v, 2-3, 10. Loin des hommes, les esprits mauvais ne pouvaient plus leur nuire, surtout Asmodée qui, en outre, se trouvait enchaîné, incapable désormais d’atteindre ses victimes, hors de sa portée. À cet effet les régions de la Haute-Egypte, en grande partie désertiques, convenaient fort bien, tant par leur éloignement que par la réputation de pays de ténèbres et d’impiété qu’elles avaient depuis les ancêtres d’Israël parmi les Juifs. Les formules de conjuration dont se servaient les Babyloniens ne sont pas sans présenter quelque analogie dans l’emploi du langage symbolique. Cf. Miller, op. cit., p. 77-79.

La guérison de la cécité de Tobie par l’application sur ses yeux du fiel du poisson, xi, 13, s’explique également non comme le résultat naturel du remède employé, bien que la Vulgate le laisse entendre en disant que Tobie attendit une demi-heure pour voir l’effet produit, t. 14, mais comme un miracle, ainsi que l’exigent la soudaineté de la guérison, d’après les Septante, non moins que le caractère du récit, les paroles mêmes de Raphaël promettant la guérison, v, 13 et xi, 8, et l’hymne de reconnaissance de Tobie, xi, 17 ; xii, 3. Cf. Sap., xvi, 12. L’emploi du fiel de poisson pour signifier la guérison de la cécité répondait fort bien à la pratique de l’antiquité qui considérait le fll de toutes sortes de poissons comme un remède contre les différentes maladies des yeux. Pline, Hisl. nat., xxxii, 24. Une inscription gravée sur une des tranches d’un cachet d’oculiste romain, trouvé à Reims, porte mention d’un collyre au fiel contre le leucoma, le nom même de. la maladie de Tobie d’après le grec du Vaticanus, xi, 14, Xeuxwjxaxa. Cf. Dict. de ta Bible, t. ii, col. 844-845, art. Collyre.

Vie religieuse et morale.

Sur la notion et la

pratique de la vie morale et religieuse dans le judaïsme le Livre de Tobie ne manque pas d’enseignements. A la base de la vie si édifiante de Tobie. il y a la crainte de Dieu ; c’est elle qui l’inspire aussi bien dans l’observation attentive de la loi divine que dans son dévouement pour le prochain, ii, 14 ; iv, 23 ; ii, 2. Cette crainte de Dieu est en réalité l’expression du sentiment religi-ux dans ce qu’il a de plus profond, à la fois principe de la fidélité à la loi divine et motif suprême de la vie morale ; cf. Eccli., i, 11-20 ; elle correspondrait assez exactement à ce que nous appelons vertu de religion. C’est elle qui guide Tobie dans les voies de la vérité, i, 2, qui le conduit à Jérusalem en pieux pèlerin, i, 6, et vers ses frères malheureux pour les assister, i, 19-21. Une telle attitude était d’autant plus mérite>ire que les circonstances la rendaient difficile et même’dangereuse. La flelélité, en effet, à la maison de David, à Jérusale m et à son sanctuaireformant un tout inséparable’, n’était pas le fait membres de la tribu de Nephtall, celle de’Tobie, car tems lacriflalerrl aux veaux « l’or dressés par Jéroboam sur la montagne de Galilée, i, 4-5 (Septante). Demême’l’exercice ei> la charité envers les adligés et < sa I » : >ri utP< t plus spécialement la sépulture aux virt imes de la vengeance <l" Sennacbérib exposaient Tobie-au pin ehâtiment. i, 21-22.

Si les funérailles assurée-s aux morts dont les cada vres risquaient d’être privés de sépulture sont ici mentionnées pour la première fois dans l’Écriture comme une œuvre de miséricorde, dès les temps anciens déjà elles étaient regardées comme indispensables à l’honneur et au repos de l’âme des défunts, II Reg., xxi, 10 ; III Reg., xiv, 11 ; Is., xiv, 19, et, à défaut des parents, devaient être assurées par quelque membre de la tribu s’employant à cette œuvre de miséricorde. I Reg., xxxi, Il sq. ; Ez., xxxix, 13 sq. ; Eccli., xxxviii, 16 ; cf. Eccli., vii, 33. La recommandation de Tobie à son fils de placer son pain et son vin sur le tombeau du juste, frange panem et effunde vinum (d’après l’ancienne version latine), iv, 17, ne saurait s’entendre ni de l’offrande de sacrifices aux morts, ni même d’une offrande de nourriture au mort selon la pratique égyptienne et cananéenne d’approvisionner les morts de nourriture et de boisson. Cf. Dcut., xxvi, 14, et son commentaire, La Sainte Bible, t. ii, p. 677. La rigoureuse observation des moindres préceptes de la Loi dont témoigne la conduite de Tobie contredit de telles explications. Il s’agit tout simplement de la coutume d’offrir à la famille en deuil, réunie à la maison du défunt, des pains ou quelque autre nourriture en témoignage de sympathie. Cf. Jer., xvi, 7 ; Ez., xxiv, 17 ; Eccli., vii, 33. La suite du verset confirme cette interprétation, puisqu’elle prescrit de ne pas agir de la même façon à l’égard du pécheur ; plus explicitement que le grec, la Vulgate prescrit de ne manger ni boire avec les pécheurs.

Dans une formule dont l’expression rappelle les maximes des livres sapientiaux, mais dont le texte a été l’objet de maints remaniements, Raphaël dégage la leçon de la vie de Tobie : « La prière, dit-il, est bonne avec le jeûne, mais l’aumône vaut mieux que l’un et l’autre. » Telle est du moins la leçon la plus probable de Tob., xii, 8. Cf. Miller, op. cit., p. 93. Prière, jeûne, aumône sont d’ailleurs les trois éléments essentiels de la piété ou de la justice juive « à une époque plus récente ; le Sermon sur la Montagne, Matth., vi, 2-18, entend leur insuffler un esprit que trop souvent ils ont perdu. Vie de dévouement et de charité, la vie de Tobie est aussi une vie de prière en même temps que l’affirmation de l’efficacité de celleci, lorsqu’elle est faite, selon le Sinaïlicus, en vérité, (xe-rà àXïjŒlaç, c’est-à-dire d’un cœur sincère et fielèle et non pas seulement des lèvres. Efficacité également de l’aumône dans la justice, ce qui s’entend d’une vie droite selon la crainte’de Dieu ; elle délivre, en effet de la mort, purifie de tout péché et assure unelongue vie, xii, 9 ; cf. Dan., iv, 24 ; Parab., xvi, 6 ; Eccli., iii, 14. Qu’il s’agisse de biens à espérer dès icibas, malgré la Vulgate qui parle de vie éternelle, c’est ce qu’indique le ꝟ. 10, qui met en garde les pécheurs contre le danger dont leur conduite menace leur vie ; c’est ce que prouve non moins la vie même de’Tobie recevant dès ici-bas la réceunpense méritée par la pratique de l’aumône. Un autre élément de la piété du judaïsme d’époque récente c’est la louange de Dieu parmi les nations comme un moyen de faire connaître le vrai Dieu, le seul tout-puissant, xiii, 3-4. L’idée toutefois n’est pas nouvelle, Psaumes et Prophètes ne l’ignorent pas.

La notion du mariage, telle qu’elle se dégage du livre de Tobie, est à relever enfin pour en souligner le caractère élevé. Que l’union des époux se fasse-selon les prescriptions de-la Loi et spécialement de celles relatives aux filles héritière s, Num., xxxvi, ce-la va de soi, mais de-plus, une telle union requiert de-la part de <ix qui veulent la ce>ntractcr et la pureté de vie antérieure’, iii, 16, et surtout la pureté’- d’Intention ;

ce n’est pe)int pour satisfaire sa passion ejue le’Jeune Tobie entend prendre Sara pour épouse, mais élans lp seul désir d’une’postérité dans laquelle s"it béni le