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TIMOTHÉE ET TITE. THÉOLOGIE, LA HIÉRARCHIE


l’autorité du concile de Trente qui s’appuie sur le texte des Actes, xx, 28, pour prouver que les évoques sont d’institution divine : Posilos, sicut idem Apostolus ait, a Spiritu Sancto regere ecclesiam Dei. Sess. xxiii, c. iv. Mais cette manière de citer n’équivaut nullement à une déclaration authentique du sens précis que Paul attache dans ce passage au terme èiuaxÔTrooç. Il n’est même pas sûr que les Pères, comme croit le P. Prado, nous livrent sur ce point leur exégèse personnelle, car, d’après les Actes du concile, t. ix, p. 107 et 227-241, la rédaction définitive fut précédée de projets où ne figurait pas la citation, et de. propositions qui l’appliquaient aux simples prêtres. Cf. Holzmeister, Biblica, 1931, p. 65-66. Les Pères ont pu penser que, si le Saint-Esprit, selon les paroles de l’Apôtre, a institué les simples prêtres, à plus forte raison ces paroles sont-elles vraies des évêques, qui ont la plénitude du sacerdoce et gouvernent les prêtres eux-mêmes, alors même que l’Apôtre ne l’affirmerait pas expressément en cet endroit.

Il faut donc conclure que, dans les Pastorales et les autres écrits ou discours de Paul, les titres de « presbytre » et d’ « épiscope », Act., xx, 28 ; Phil., i, 1 ; I Tim., iii, 2 ; Tit., i, 7, se donnent indifféremment aux mêmes dignitaires ecclésiastiques. Le nom d’épiscope ne se retrouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament, sinon une fois sous la plume de saint Pierre félicitant ses lecteurs d’être venus à Jésus-Christ, le pasteur et l’évêque de vos âmes, tov 7roiuiv<x xal è7dffxo7tov twv 4<ux£> v ûu, oiv. I Petr., ii, 25.

3. Presbytres et épiscopes : nature de leurs fonctions.

— Presbytres et épiscopes ont pour fonction de paître « l’Église de Dieu », c’est-à-dire de diriger, d’instruire et de gouverner le peuple fidèle, en même temps que de célébrer les saints mystères. Mais ces attributions générales leur étant reconnues, exégètes et théologiens se posent encore la question : ces dignitaires sont-ils tous évêques, au sens actuel du mot, ou tous simples prêtres ou encore les uns prêtres et les autres évêques ? Ces trois opinions ont chacune leurs partisans.

La troisième se présente sous trois formes. — a) Quelques auteurs pensent que épiscopes se dit des seuls évêques, tandis que presbytres se dirait habituellement des simples prêtres et parfois des évêques. Ainsi saint Épiphanc, Hær., lxxv, P. G., t. xx.il, col. 509 ; Estius, In Ep. ad Phil., i, 1 ; Franzelin, Thèses de Ecclesia Christi, Rome, 1887, p. 282-295. — b) Plusieurs admettent un flottement plus large, en vertu duquel ènlay-onoi pourrait s’appliquer à de simples prêtres et TTp£o61 !)Tepoi à des évêques. S. Jean Chrysostome, sur Phil., i, 1, P. G., t. lxii, col. 183 ; S. Thomas, II a -II", q. clxxxiv, a. 6, ad l am ; Cornélius a Lapide, sur Phil., i, 1 ; Knabenbauer. — c) Un certain nombre entendent èitisxÔTtouç au sens d’évêques dans le seul texte des Actes xx, 28 ; ailleurs, épiscopes et presbytres seraient de simples prêtres. Cf. J. Bover, Estudios ecclesiasticos, t. ii, 1923, p. 213-217 ; 1928, p. 258 ; J. Prado, Prælectiones biblicæ, n. 6, t. ii, p. 66-69 ; Chr. Pesch, etc. Les théories d’après lesquelles les termes de presbytres et d’épiscopes désigneraient tantôt des prêtres et tantôt des évêques ont pour point commun de supposer une différence réelle de signification entre sTTÎoxoTtoi et Trpe<r6ÛTepoi. Comme tous les textes de Paul et des Pastorales, que nous avons déjà examinés, nous paraissent établir l’entière synonymie des deux vocables, il n’y a pas lieu d’insister de nouveau.

Ce résultat étant acquis, le problème se ramène à cette alternative : les presbytres-épiscopes sont-ils seulement prêtres, ou sont-ils tous évêques ? Dans l’exposé des opinions, nous tiendrons compte surtout des ouvrages parus depuis 1913, renvoyant pour les travaux antérieurs à l’art. Évêques, t. v, col. 16581701. Beaucoup de savants catholiques se prononcent

résolument pour le simple presbytérat. : P. Prat, ici, t. v, col. 1659, et Théologie de S. Paul, 10° éd., 1925, t. ii, p. 371 ; Fouard, Saint Paul, ses dernières années, 11 « éd., Paris, 1920, p. 251-252 ; U. Holzmcister, Si quis episcopatum desiderat, bonum opus desiderat, dans Biblica, 1931, p. 141-169, N. Simon, Prælectiones, 1° éd., 1922, n. 12, p. 27 ; A. Steinmann, Die Apostelgeschichte, 2e éd., Bonn, 1921, p. 179 ; A. Camerlynck, Comm. in Actus Ap., Ie éd., Bruges, 1923, p. 340-342. D’autres estiment cette interprétation préférable : Lusseau et Collomb, La hiérarchie ecclésiastique dans les communautés pauliniennes, dans Manuel d’études bibliques, t. v b, 1931, p. 153-173 ; M. d’Hcrbigny, Theologica de Ecclesia, Paris, 1921, t. ii, p. 268 ; E. Ruffini, La gerarchia délia Chiesa negli Atti degli Apostolie nelle leltere di S. Paolo, dans Lateranum, 1921, p. 76-81. — Plusieurs auteurs cependant, à la suite de Petau, ainsi Perrone, De ordine, c. iii, n. 104, Duchesne, Hist. ancienne de l’Église, Batiffol, Études d’hist. et de théologie positive, 6e éd., Paris, 1920, p. 225-280, pensent que ces dignitaires ecclésiastiques étaient tous évêques. Pour plus de précision, rappelons que les évêques se distinguent des prêtres par un double pouvoir : le pouvoir d’ordre, qui leur permet de conférer le sacerdoce ; et le pouvoir de juridiction, qui fait de l’évêque le chef spirituel, ayant autorité sur les prêtres et sur les fidèles. Dès le temps de l’Apocalypse et des lettres d’Ignace d’Antioche, l’évêque est seul à la tête de la communauté, comme dans les diocèses d’aujourd’hui : c’est l’épiscopat unitaire et monarchique. On pourrait cependant concevoir un évêque possédant la plénitude du sacerdoce mais ne jouissant que d’une juridiction très limitée ; ou encore plusieurs évêques gouvernant ensemble et à titre égal leur Église sous la présidence d’honneur de l’un d’entre eux (épiscopat plural ou collégial). Quelle est donc la situation qui se reflète dans les Pastorales et les autres lettres de Paul ?

a) Les presbytres-épiscopes simples prêtres. — Le P. Holzmcister fait valoir avec force, Biblica, 1931, p. 58-64, les motifs de ne voir dans les presbytresépiscopes que de simples prêtres. — a. Commençons par l’épître à Tite. Celui-ci est chargé d’en établir dans les villes de Crète partout où des chrétientés viennent d’être fondées ou sont en train de se fonder ; de simples prêtres suffiraient. Dès lors, il en faut dire autant des épiscopes-presbytres d’Éphèse, I Tim., m, 1-7. — Nous reconnaissons que, du vivant de l’Apôtre ces ministres n’avaient pas besoin, pour gouverner leurs jeunes Églises, de toute l’autorité qu’auront plus tard les évêques « monarchiques ». Paul ne se réservait pas seulement le règlement des affaires importantes : il exerçait, par lui-même ou par ses délégués, une direction toujours vigilante et active. Mais pourquoi les presbytres n’auraient-ils pas eu la plénitude du sacerdoce ? Quel avantage pour la rapide propagation de l’Évangile si ces presbytres-épiscopes, dont le zèle conquérant pouvait gagner d’autre* cités, étaient en état de donner aussi des prêtres aux nouveaux convertis !

b. Les qualités exigées des presbytres-épiscopes, observe-t-on encore, ibid., p. 59, sont bien loin de celles que Paul requiert de Tite et de Timothée. — Sans doute ; mais comment s’en étonner ? Ils n’avaient ni la même juridiction ni les mêmes responsabilités.

c. Si Tite et Timothée avaient établi partout des évêques, ils auraient eu eux-mêmes rang d’archevêques : Fuissent jam melropolitse seu archiepiscopi ; or, pareille dignité n’apparut que des siècles plus tard. Ibid., p. 60. — Il faut s’entendre : métropolites ou archevêques par délégation apostolique, ils auraient eu momentanément sous leur dépendance des évêques dont la juridiction très limitée ne ressemblait