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ÏIMOTHÉE ET TITE. THÉOLOGIE, L’ÉGLISE


Timothée et à Tite, Paul laisse bien entendre qu’il espère, de leurs vertus, de la grâce divine et de l’assistance du Saint-Esprit, la fidélité à garder et à transmettre dans sa pureté la parole de Dieu. Il n’en donne pas cependant l’assurance absolue. Encore moins couvre-t-il de son autorité le ministère de leurs successeurs. Un doute pèsera-t-il donc sur l’intégrité du dépôt remis à des gardiens faillibles ?

1. Un texte précieux nous rassure. I Tim., iii, 14 sq. Après avoir tracé à Timothée les règles à suivre dans la prière publique et pour le choix de dignes ministres, Paul ajoute : « Je t’écris ces choses dans l’espoir de venir prochainement te rejoindre. 15. Que si je tarde, tu sauras comment te conduire dans la maison de Dieu, je veux dire dans l’Église du Dieu vivant, colonne et soutien de la vérité ! » « Ces choses », xaûra, ꝟ. 14, désignent les conseils que l’Apôtre vient de donner au sujet de la prière dans les réunions publiques, ii, 1-15, et des qualités des aspirants aux ordres sacrés, iii, 15 ; il a parlé aussi, i, 3-4, etc., et il parlera encore de la conduite à tenir à l’égard des hérétiques, iv, 1-6. Bien souvent il a traité ces sujets de vive voix et il espère que son retour lui permettra bientôt de les reprendre, iii, 14. En attendant, ces conseils écrits serviront de mémento précis. Il s’agit de la conduite à tenir « dans la maison de Dieu ». Cette maison n’est autre que l’Église du Dieu vivant, èxxXYjaîa 0eoù Çûvtoç. Le terme de èxxXTjaia, « assemblée », rapproché de la comparaison de l’édifice, montre que saint Paul se souvient de la parole célèbre du Christ à saint Pierre, olxoSofr/jato p.oi)-rrjv èxxXY]ciav, Matth., xvi, 18. Bien que Paul s’adresse au chef de l’Église d’Éphèse, la pensée ne se restreint à aucune Église déterminée : c’est la maison de Dieu en général, c’est l’assemblée que Dieu a réunie, composée de tous ceux qui invoquent son nom dans le Christ Jésus. Œuvre du Dieu vivant et tout-puissant, l’Église portera la marque de son auteur et l’on ne pourra s’étonner des privilèges dont il l’honore. On a avancé parfois à ce sujet que Paul n’a été amené que peu à peu à passer de la notion d’Église particulière à celle d’une Église unique, embrassant dans son sein toutes les communautés répandues à travers le monde, gardienne infaillible de la vérité. Ceci n’est que partiellement exact. Dès l’instant de sa conversion, Paul eut la révélation de l’unité de l’Église, corps mystique dont tous les mrmbres s’identifient avec le Christ, Act., ix, 56 ; xxii, 7-8 ; xxvi, 14-15 ; dès le premier moment, il sait que « l’Église de Dieu » est formée « des Églises du Christ », Gal., i, 13, 22, et sa vocation d’apôtre ne lui enseignet-elle pas que l’Église est universelle ? Maintenant que les apôtres vont disparaître, il est temps de rassurer le peuple chrétien, en rappelant que l’Église, assistée du Saint-Esprit, sera toujours maîtresse de vérité et de sainteté. Il y a donc progrès dans l’exposition, non dans l’acquisition de la doctrine. Il n’y a pas non plus évolution dans le langage, comme si èxxXvjata n’avait désigné d’abord que des Églises particulières, puisque ce mot figure neuf fois dans l’épître aux Éphésiens, i, 22 ; iii, 10, 21 ; v, 23, 24, 25, 27, 29, 32, toujours au sens universel.

L’Église est « la colonne et le soutien de la vérité », gtûXoç xal éSpaico(xa t ? ( ç àX7)6e[aç. Le terme oïxoç qui précède, fait penser à l’office de la colonne dans la maison, ce qui s’accorde au mieux avec éSpaUojjia qui suit.’ESpalwjjia indique tout ce qui assure la solidité et la durée d’un édifice, fondement, substructions, contrefort, et l’idée introduite par otûXoç est ainsi intensifiée et élargie. La leçon qui se dégage de ces deux expressions est claire. « Colonne et soutien de la vérité », l’Église possède dans leur plénitude les vérités qu’il a plu à Dieu de communiquer aux hommes ; elle les conserve sans diminution ni altération. Elle a mis sion pour les enseigner et les expliquer selon leur sens véritable et voulu de Dieu. Elle les défend contre toutes les attaques du dehors, contre l’ignorance des uns et la fausse science des autres. Elle n’a pas à craindre non plus les causes intérieures de faiblesse, de corruption ou de désagrégation ; soutien inébranlable de la révélation, elle la fait resplendir aux yeux de l’univers. C’est le privilège de V infaillibilité. C’est aussi une promesse de perpétuité : la colonne ne sera jamais renversée, le soutien jamais ébranlé.

Le verset suivant, I Tim., iii, 16, qui reproduit une strophe d’un chant liturgique, exalte la dignité et la grandeur de l’Église et explique la raison des privilèges dont Dieu l’a favorisée. La vérité qu’elle annonce au monde a pour objet « le grand mystère de piété », lequel n’est autre que Jésus-Christ, « qui s’est manifesté dans la chair, a été justifié par l’Esprit, s’est montré aux anges, a été prêché aux Gentils, a suscité la foi dans le monde, a eu une ascension glorieuse ». Le mystère de l’incarnation, avec les richesses de piété et de sainteté dont il est la source, ne mérite-t-il pas d’être soustrait à tous les risques d’erreur par le don de l’infaillibilité accordé à l’Église qui doit le faire connaître au monde ?

Bien n’est précisé sur la manière dont s’exercera l’infaillibilité promise à l’Église. L’Esprit, qui dirige l’Église dans son rôle de gardienne de la vérité, lui dictera, selon les circonstances, les mesures à prendre. Aussi bien les Apôtres eux-mêmes, en convoquant un concile à Jérusalem pour décider des questions importantes de foi et de discipline, ont-ils posé un précédent qu’on se fera une règle de suivre.

2. Un autre texte confirme le caractère inébranlable de la foi de l’Église. Invitant Timothée à fuir les discours vains et profanes qui ont amené deux novateurs, Hyménée et Philète à nier la résurrection, ruinant ainsi la foi de plusieurs, Paul ajoute : « Cependant, le fondement divin reste inébranlable, portant ces mots gravés : « Le Seigneur reconnaît les siens », et encore : « Qu’il s’éloigne de l’iniquité celui qui prononce le nom « du Seigneur. » II Tim., ii, 19. Ces mots comparent l’Église à un édifice aux puissants fondements, posés par Dieu lui-même. Le fait que Dieu, architecte sage et tout-puissant, a posé les fondements suffit à faire comprendre que l’édifice bâti sur de telles assises défiera la fureur des éléments. D’après le contexte, Paul a surtout en vue l’indéfectibilité doctrinale de l’Église en face des hérésies. Hyménée et Philète, prétendant que la résurrection avait eu déjà lieu, la niaient, en réalité. Ils exagéraient sans doute, en l’appliquant dès maintenant au corps lui-même, « la régénération et le renouvellement » spirituels opérés au baptême. C’était, dès le i er siècle, l’erreur de Ménandre, disciple de Simon le Magicien. Cette doctrine, nous dit saint Paul, était en train de ruiner la foi de plusieurs, frappant exemple de doctrine perverse aux apparences pieuses I Ces défections n’ébranlent pas le fondement divin : l’Église condamne l’hérésie, rejette ses fauteurs, Tit., iii, 10-11, et reste fidèle à sa mission de lumière. Mais la déclaration d’indéfectibilité, amenée par ce cas particulier, est générale et s’étend à tous les cas possibles quelles que soient les attaques et sous quelque forme qu’elles se produisent, l’Église demeure inébranlable, infaillible et indéfectible.

Continuant la métaphore du fondement, Paul fait allusion à l’usage ancien de placer dans les fondations des temples et des palais une pierre avec inscription commémorative. Ici, le fondement porte une double inscription gravée au moyen d’un sceau. La première sentence, ëyvw Kûptoç toùç 6Vraç aù-roû, est empruntée textuellement (sauf Kùpioç au lieu de ô 6e6ç)àNum., xvi, 5, d’après les Septante : « Dieu connaît ceux qui sont à lui et qui sont saints. » Ces paroles furent pro-