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    1. TIMOTHÉE ET TITE##


TIMOTHÉE ET TITE. THÉOLOGIE, LA TRADITION

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3. Origine divine du dépôt.

Les biens consignés en dépôt ne sont pas la propriété du dépositaire, mais du déposant. Le dépôt confié à Timothée lui vient de Paul, qui l’a lui-même reçu du Christ. Paul est sensible au témoignage d’affection par lequel le Christ « a daigné lui faire confiance en l’appelant à son service ». II Tim., i, 12. Le voilà désormais apôtre de Jésus-Christ, « pour inculquer aux élus de Dieu la foi et la connaissance de la vérité, dans l’espoir de la vie éternelle promise de toute éternité… et révélée en son temps par le message que Dieu notre Sauveur m’a donné l’ordre et la charge de prêcher ». Tit., i, 1-3. Les paroles qu’il transmet ne sont point siennes mais « les saines paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». I Tim., vi, 3. Son évangile, c’est-à-dire celui qu’il est chargé de prêcher, ne vient pas des hommes mais de Dieu ; c’est l’évangile du Christ, non seulement parce que le Christ en est le principal objet, mais avant tout parce qu’il est l’auteur et le révélateur et que c’est lui encore qu’on entend par les lèvres de Paul.

4. Conservation et transmission du dépôt.

Le devoir du dépositaire est de conserver intact le bien qu’on lui a confié. Paul n’a pas manqué à cette obligation. Il a été fidèle à l’Évangile : fidèle en le portant jusqu’aux extrémités du monde, fidèle non moins en le prêchant dans son intégrité. Aussi, à la fin de sa carrière, peut-il se rendre le témoignage : « J’ai gardé la foi », II Tim., iv, 7, j’ai conservé fidèlement pour moi et pour les autres le trésor des vérités que je devais enseigner de la part du Christ. Cette même fidélité, il la recommande à ses deux disciples : c’est le but principal de ses trois lettres. Le motif de cette insistance est double. En premier lieu, la foi est menacée de toutes parts. En Asie comme en Crète, unvaste mouvement de curiosité intellectuelle semble agiter les esprits : une foule de docteurs surgissent, prêchant des nouveautés, et ils trouvent des auditeurs avides de les entendre. Les femmes ne sont pas moins ardentes que les hommes. Que Timothée et Tite veillent : qu’ils opposent à ces erreurs les croyances traditionnelles, à tous ces vices la morale évangélique.

Une autre raison pour les deux pasteurs de redoubler de vigilance pour la garde du dépôt, c’est que, leur maître bientôt ne sera plus auprès d’eux pour les diriger dans leur tâche. Le temps approche pour lui de rendre ses comptes. Dans les contrats, la date de l’échéance était parfois fixée, souvent aussi tout était laissé au libre choix du déposant. Paul ignore le jour, mais il le sait imminent. « Je suis déjà une libation répandue et le moment de mon départ est proche. J’ai combattu le bon combat, achevé ma course. » II Tim., iv, 6-7. Sous ces multiples métaphores une même idée se fait jour, celle de sa mort prochaine. Bientôt il n’aura plus la charge du dépôt et, fidèle jusqu’au bout, il se préoccupe de le faire passer en mains sûres. Cette préoccupation n’a pas son exact correspondant dans les clauses juridiques des contrats. Ceux-ci ne prévoient pas la livraison du dépôt à une tierce personne. Ils se contentent de rendre le dépositaire responsable de tous les risques. En cas de disparition du trésor ainsi passé d’un gardien à un autre, les docteurs juifs n’étaient pas d’accord sur le devoir de restitution. Mais la question ne se pose pas ici, car c’est par l’autorisation du Christ et même sur son ordre, I Tim., i, 18 ; cf. iv, 14, que Paul a choisi Timothée, et Tite n’est pas moins que Timothée « son vrai fils », le légitime ministre du Seigneur. Tit., i, 4 ; II Cor., vin, 16, 23. Ils sont donc à leur tour les détenteurs de droit, responsables devant le Christ. Sur eux seuls désormais va retomber toute la charge, et c’est pourquoi Paul ne cesse de les exhorter à la prudence et au zèle. Bien plus, la prévoyance de Paul ne se borne pas au moment de sa mort prochaine. Bien que son

esprit et son cœur se tournent sans cesse vers les grandioses événements de la parousie du Christ, il sait qu’ils ne se produiront qu’en « leur temps », xaipoïç tStoiç. I Tim., vi, 5. Il importe donc d’organiser l’Église de manière durable et de prendre des mesures qui assureront la transmission du dépôt de génération en génération. C’est pourquoi il enjoint à Timothée et à Tite de se préparer eux-mêmes des successeurs. « Ce que tu as entendu de ma bouche devant de nombreux témoins, confie-le (à ton tour) à des hommes fidèles qui soient aptes à l’enseigner à d’autres. » II Tim., ii, 2. IIiaTOÎç àvOpwuoiç : la fidélité est toujours la condition essentielle. Dans le choix des presbytres, on doit avoir égard aux deux qualités qui sont le double aspect de la fidélité : docilité à recevoir la doctrine traditionnelle et aptitude à l’enseigner. Tit., i, 9.

5. Dieu, gardien du dépôt. — La jurisprudence des dépôts permettait au gardien de réclamer des indemnités quand la charge devenait onéreuse : à Borne, cette revendication s’appelait actio depositi contraria. Il est douteux que Paul ait eu la pensée d’établir un rapprochement entre ce recours légal et son droit au secours divin. Mais il est certain qu’il regarde le Seigneur comme le premier gardien du trésor évangélique qui luiesteonfié. Il compte donc sur l’intervention divine en faveur de Timothée et de Tite. Il connaît leur désintéressement, leur docilité, leur charité, leur pureté qui éloigneront d’eux les causes d’erreur. II Tim., iii, 10-17 ; I Tim., vi, 3-10. Leur connaissance approfondie des Écritures nourrira leur foi. Par dessus tout, il compte pour eux sur l’assistance du Saint-Esprit. « Comprends bien ce que je te dis : le Seigneur t’en donnera la parfaite intelligence. » II Tim., ii, 7. En vertu de l’imposition des mains qu’il a reçue et du ministère qu’il exerce, Timothée a un droit spécial au secours divin. Chaque fois que les intérêts de l’Évangile sont en jeu, quand il s’agit surtout d’exhorter et d’instruire, I Tim., i, 18-19 ; iv, 6, 13-16, il ne tient qu’à lui de ranimer la grâce de son ordination. I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6. C’est pourquoi, en lui disant : « Conserve le souvenir exact des paroles que tu as entendues de moi », II Tim., i, 13, Paul l’invite, i, 14, à se tourner vers l’hôte divin de l’âme, le maître de toute science, le Saint-Esprit. Bépandu abondamment par le Père et par Jésus-Christ sur tous les fidèles au baptême, il comble plus encore de ses dons ceux qu’il a choisis lui-même pour ministres de l’Église. Sous cette garde divine qui fortifiera la bonne volonté des gardiens humains, le dépôt est en sûreté.

Il y a cependant une différence. Quand Paul, près de mourir, se rend à lui-même le témoignage qu’il a gardé intact le dépôt de la foi, nous savons que ce témoignage est vrai, parce qu’il parle sous l’inspiration du Saint-Esprit. Il n’en est pas ainsi de Timothée et de Tite. L’Apôtre ne dit rien qui couvre par avance d’une autorité infaillible l’enseignement de ses deux disciples et des autres pasteurs. L’inerrance dont jouissent les apôtres ne passe pas après eux aux chefs des Églises particulières. L’Église cependant n’en est pas moins assurée de la possession de l’Évangile authentique : saint Paul nous dit qu’elle est le fondement et la colonne de la vérité, ainsi que nous le verrons plus loin.

6. Tradition et dépôt.

Dès ses premières lettres et tout au long de son ministère, Paul recommandait la fidélité aux enseignements qu’il donnait de la part du Christ. Il emploie, pour désigner ces enseignements, une grande variété d’expressions : t mon évangile » ou « l’évangile de Dieu ou du Christ », « mes voies dans le Christ », I Cor., iv, 17 ; tradition, doctrine, catéchèse, Gal., vi, 6, didascalie, Rom., xii, 7 ; « ce que vous avez appris, reçu, entendu et vu en moi », Phil., iv, 9, etc.