Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.1.djvu/552

Cette page n’a pas encore été corrigée
1089
1090
TIMOTHÉE ET TITE. THÉOLOGIE, LA RÉDEMPTION


i, 15. Dans la pensée de Paul, déclarer que le Christ est venu pour sauver les pécheurs revient à dire qu’il est venu pour sauver tous les hommes, car tous sont pécheurs. Loin de s’excepter lui-même de la règle générale, il se met au premier rang des pécheurs, i, 15. Mais sa misère servira de réclame à la miséricorde divine en encourageant par son exemple tous les croyants à venir : au souvenir du persécuteur devenu apôtre, nul ne doutera de l’infinie bonté.

D’autre part la possession de la vérité religieuse par le moyen de la Loi mosaïque n’empêchait pas le règne du péché. S’il y eut des saints dans l’Ancien Testament, ce ne fut que par la foi au Sauveur à venir. Hors de là, il n’y avait que péché, pour les Juifs aussi bien que pour les païens. Saint Paul, reprenant brièvement dans l’épître à Tite le vigoureux réquisitoire de l’épître aux Romains, i, 18-n, 24, montre une fois de plus que les Juifs n’étaient pas en meilleure situation que les Gentils par rapport au salut éternel : « Car, nous aussi, nous étions autrefois insensés, désobéissants, égarés sous le joug de convoitises et de voluptés diverses ; nous vivions dans la malice et l’envie, exécrés et nous haïssant les uns les autres. » Tit. iii, 3. Ces paroles rappellent pour le fond la condamnation que Paul portait contre ses coreligionnaires dans l’épître aux Romains, il, 17-24 ; mais, tandis qu’il se voyait alors obligé d’abattre l’orgueil des Juifs fiers de leurs privilèges, il n’a ici que des sentiments de compassion et d’humilité qui le poussent, comme Eph., ii, 1-3, à se ranger aussi parmi les coupables.

Gratuité du salut.

Le péché régnait donc partout,

mais, où le péché abondait, la grâce a surabondé. Rom., v, 20 ; II Tim., i, 14. Les pécheurs que le Christ venait sauver, n’avaient aucun mérite à invoquer, aucun droit à faire valoir. Seul l’excès de leur misère attirait la miséricorde. Encore ce mot de misère ne doit-il pas faire illusion : les pécheurs n’étaient pas seulement des malheureux, c’étaient des coupables. Ennemis de Dieu, révoltés contre lui, ils étaient indignes même de pitié. Malgré tout, « Dieu notre Sauveur a voulu nous témoigner sa bonté et son amour, et il nous a sauvés par pure miséricorde. » Tit., iii, 4-5.

On sait que la gratuité de la grâce et du salut est une des doctrines fondamentales de saint Paul. Elle revêt dans les Pastorales une forme particulièrement touchante. L’incarnation du Verbe est présentée comme la manifestation et l’apparition de la bonté de Dieu : pensée ébauchée déjà dans les précédentes épîtres, cf. Rom., iii, 21 ; xvi, 26 ; Col., i, 26, mise maintenant en haut relief. I Tim., iii, 16 ; II Tim., i, 10 ; Tit., i, 3 ; ii, 13 ; iii, 4-7. Paul ne sait par quels termes assez expressifs relever cette bonté spontanée, prévenante, gratuite, débordante ; il l’appelle tour a tour /àpiç, 7Pt ( ot6tt, ç, ÏXeoç, et enfin çiXav0pc.>7Ûa. Touchant paradoxe : la philanthropie, le véritable amour des hommes ne se trouve qu’en Dieu !

Universalité du salut.

Rien de plus assuré et

de plus constant dans les Pastorales que le dessein divin de sauver tous les hommes. Ce sujet est traité pour ainsi dire ex professa au c. n de I Tim. Il est introduit par le devoir de la prière pour tous que l’Apôtre Inculque fortement.

1. La prière pour tous.

Le chrétien ne s’nbsorbera pas égoïstement dans le souci de ses seuls intérêts, même spirituels : il étendra sa sollicitude au monde entier. Il faut prier pour tous les hommes, spécialement pour les rois et pour tous ceux qui sont constitués en dignité. Il n’y avait alors au s ; In de l’empire romain ni au dehors, aucun pVunXxuf Chrétien, et bien peu de fidèles sans doute Excédaient aux magistratures Impériales ou municipales, il s’agit donc de prier pour la conversion des infidèles. Cette prière,

flans la pensée de l’Apôtre, s’insptn d’un double m<> DICT. DE THÉOI.. CATHOL.

tif : l’avantage de l’Église et la volonté de Dieu. On a parfois conclu de ces paroles que la lettre fut écrite en un temps où la persécution menaçait d’éclater contre les chrétiens, si même elle n’avait déjà commencé à sévir. Mais la violence directe n’est pas le seul mal que l’Église ait à redouter. Les révolutions, les guerres civiles, l’anarchie, l’injustice, tout ce qui trouble le bon ordre de la cité terrestre affaiblit d’autant le règne du bien que l’Église cherche à promouvoir ; au contraire, les intérêts surnaturels qu’elle poursuit ne peuvent que profiter des bienfaits d’une sage administration. À cette fin, la prière pour les chefs de l’État et pour les représentants de l’autorité pourrait, se borner à demander pour eux les qualités naturelles de prudence et de fermeté, capables d’assurer le maintien du bon ordre. Mais Paul va plus loin. Ce qu’il faut obtenir, c’est leur conversion : et la dernière et décisive raison qu’il va en donner, c’est que telle est la volonté de Dieu.

2. Dieu veut le salut de tous.

Prier pour tous les hommes, c’est chose bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». « Dieu veut le salut de tous les hommes » : rien de plus clair que cette affirmation, qui étend la volonté salvifique de Dieu à tous les hommes sans exception. C’est le sens direct et unique de la phrase.

On a objecté que le dessein de Dieu est exprimé par deux propositions, dont la seconde explique et précise la première en restreignant le salut aux adultes, seuls capables de « connaître la vérité », etç ènlyjaaw àX7)0eîaç èX6eïv. « La réponse est aisée, dirons-nous avec le P. Prat. Tous les êtres humains n’ont pas l’usage de la raison, mais tous, sans exception aucune, sont aptes au salut éternel ; ainsi, tandis que l’incise relative à la connaissance de la vérité se restreint d’elle-même aux hommes capables de connaître la vérité, l’autre incise n’est limitée par rien et doit garder, selon les règles d’une saine exégèse, toute son extension. » Théologie de saint Paul, t. ii, p. 93. Les théologiens, à la suite de saint Jean Damascène et de saint Thomas, ont concilié la contradiction apparente entre le principe « Dieu veut sauver tous les hommes » et le fait « Tous les hommes ne sont pas sauvés », par la distinction, insinuée d’ailleurs en d’autres termes par saint Augustin, entre la volonté antécédente et la volonté conséquente. Par la première, Dieu veut le salut de tous les hommes, à condition cependant que certaines conditions soient remplies et il y travaille en effet par de multiples dispositions ; par la seconde, il réalise ses plans de salut en faveur de tous ceux par lesquels, ou pour lesquels les conditions sont remplies.

A son affirmation, Paul joint deux raisons dont chacune met hors de doute le vouloir divin par rapport au salut de l’humanité entière. Quelques exégètes hésitent à reconnaître cette connexion : nous pourrions n’avoir ici, II, 5, qu’une doxologie, par laquelle Paul laisse simplement échapper la confession de sa foi monothéiste. Cf. Hardy, dans La sainte Bible, t.xii, p. 212-213. Mais le yàp de coordination, eTç yà.p 0e6ç, introduit naturellement la raison et la cause de ce qui est affirmé précédemment. Dans l’épître aux Romains, m, 29-30, l’Apôtre partageait l’humanité en deux grandes fractions, les Juifs et les Gentils, pour établir que Dieu, créateur des Gentils non. moins que des Juifs, voulait pour h s uns et les autres le même moyen de salut, la Justification par la foi. Ici leraisonnemi nt port’ur la volonté du salut pour tous. Il n’y a qu’un Dieu, principe et fin dernière de tous les hommes :

tout tiennent de lui leur origine, tous subslstent pat

lui, tous sont faits pour lui. D’après le contexte, DM perfections divines invitent le* Chrétiens à l’union

T. — XV. — 35.