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THOMISME. LES SACREMENTS


tandis qu’elle n’exprime pas l’annihilation de la première, ni l’adduction de la seconde, lesquelles du reste sont sans lien entre elles : l’annihilation ne produit pas l’adduction, ni inversement. En réalité, il n’y a pas deux interventions divines distinctes et indépendantes, il n’y en a qu’une, la conversion, et c’est la seule dont parlent les conciles. En particulier le concile de Trente dit : si quis negaveril mirabilem et singularcm conversionem lotius substantise partis in corpus et lotius substantise vini in sanguinem, manenlibus dunlaxat speciebus panis et viiii, quam quidem conversionem Ecclesia aplissime transsubslantiationem appellal, A. S. Denz.-Bannw., n. 834. Cf. Cajétan, Jean de Saint-Thomas, les Salmanticcnses et plus récemment N. del Prado, L. Billot, Hugon, etc.

Quel est à proprement parler le terme « ad quem » de la transsubstantiation ? Les thomistes reproduisent généralement à ce sujet la formule de Cajétan, In /// lm ; q. Lxxv ; a. 3, n. 8 : id quod eral panis, nunc est corpus Clwisti. Ce terme n’est pas précisément en effet le co r ps du Christ pris absolument, car il préexiste à la transsubstantiation, mais c’est le corps du Christ eu’est ex pane. Plus explicitement le terme de la transsubstantiation, c’est que ce qui était la substance du pain soit maintenant le corps du Christ. Et, comme la transsubstantiation se fait in inslanti, cet instant, qui est celui du fieri ec du faclum esse, s’exprime ainsi : c’est le primum non esse panis et le primum esse corporis Christi sub speciebus panis ; sitôt auparavant il y a un temps divisible à l’infini ; cf. ibid., a. 7.

Gomment la transsubstantiation est-elle possible ? Saint Thomas, ibid., a. 4, corp. et ad 3um ; cf. Cajétan, l’explique en rappelant que Dieu créateur a un pouvoir immédiat sur l’être en tant qu’être de toute chose créée ; c’est ainsi qu’il a pu le produire de rien, ex niitlo pnesupposito subjecto ; par suite Dieu peut convertir tout l’être d’une chose en l’être d’une autre : id quod entitatis est in una, potest auctor entis convertere in id quod est entitatis in altéra, sublalo eo per quod ab illa distinguebatur. A. 4, ad 3um. Tandis que dans la mutation substantielle il y a un sujet (la matière), qui ii sic sous lis deux formes substantielles qui se succèdent ici dans la transsubstantiation il n’y a pas de sujet permanent, mais toute la substance du pain (matière et forme) est convertie en celle du corps du Christ ; cf. ibid., a. 8. Ces formules de saint Thomas seront reproduites par le concile de Trente. Denz.-Bannw. , n. 877, 884.

De la dérive dans la doctrine de saint Thomas tout ce qui y est affirmé ensuite sur la présence réelle de la substance du corps du Christ dans l’eucharistie, non sicut in loco, sed per modum subslanlite, q. lxxvi, a. 1, 2. 3, 5, sur la présence réelle de la quantité du corps du Christ, a. 3, 4, qui elle aussi est dans l’eucharistie per modum substantise, c’est-à-dire selon son rapport à la substance et non pas selon son rapport au lieu, car elle n’y est présente qu’à raison de la transsubstantiation, (t non pas par adduction locale. De même on l’explique que ce soit numériquement le menu corps du Christ qui est au ciel et dans l’eucharistie, sans èi ic divisé ni dislanl de lui même, puisqu’il est dans l’eurbaristie, non sicut in loco, mais à la manière de la .nier, qui est d’ordre supérieur à l’espace. Toujours par la même raison s’explique tout ce que le lOint Docteur enseigne, q. lxxvii, a. 1, 2, 3, etc., sur b - accidents eucharistiques, qui sont tint proprio subjecto et tint ullo subjecto. Toutes ces thèses ne sont

que des corollaires de la doctrine de la transsubstan I i ; it ion. On ne saurait mieux observer le principe d’économie, tandis qu’il ne l’est pas du tout en plusieurs théories qu’on a voulu substituer à la doctrine de saiol I bornas ; elles sont d’une complication factice et inutile ; on y trouve une juxtaposition quasi méca nique de raisons, et non pas une unité organique, qui ne peut provenir que d’une idée mère. Ici encore se manifeste admirablement la puissance de synthèse de saint Thomas.

b) Le sacrifice de la messe. III a, q. lxxxiii, a. 1. — La question principale relative à l’essence du sacrifice de la messe ne se pose pas de la même manière à l’époque de saint Thomas et après l’apparition du protestantisme, mais au début de l’article 1, qu’il consacre à ce problème, saint Thomas a formulé très explicitement l’objection qui sera reprise et développée par les protestants.

Au xiiie siècle les théologiens posent généralement le problème en ces termes : IJtrum in celebralione hujusce sacramenti (eucharisliœ) Christus immoletur, loc. cit., a. 1, et ils répondent communément avec Pierre Lombard par la distinction de saint Augustin, Lettre à Boniface (cf. ibid. : sed contra) : Semel immolalus est in semetipso Christus, et lamen quotidie immolatur in sacramento ou iminolatur sacramentaliter, non realiler seu physice sicut in cruce. À la messe il y a, selon eux, immolation non pas réelle ou physique du corps du Christ, car il est maintenant glorieux et impassible, mais immolation sacramentelle. C’était déjà le langage commun des Pères, cf. AI. Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, 2e éd., 1926, p. 38, 51, 84-87, 103, 152 ; il est reproduit par Pierre Lombard, IV Seul., dist. VIII, n. 2, et par ses commentateurs, notamment par saint Bonaventure et saint Albert le Grand ; cf. Lepin, op. cit., p. 158 sq., 164 sq.

Saint Thomas dit, loc. cit., au corps de l’article :

Respondeo dicendum, quod duplici ratione celebratio hiijus sacramenti dicitur immolatio Christi. Primo quidem, quia, sicut dicit Augustinus ad Simplicianum, t. II, q. iii, « soient imagines earum rerum nominibus appellari, quarum imagiues sunt… ». Celebratio autem hujus sacramenti, sicut supra dictum est q. lxxix, a. 1, imago qua’dam est reprœsenlatioa pussionis Christi, quæ est vera immolatio… Alio modo quantum ad effectuai passionis Christi, quia scilicet per hoc sacramentum participes eflicimur fructus dominicie passionis.

Saint Thomas a dit plus haut, q. lxxiv, a. 1 ; LXXVI, a. 2, ad l um : comme sur la croix, le corps et le sang du Christ ont été séparés physiquement, à la messe ils sont séparés sacramentcllement, par la double consécration, en ce sens que la substance du pain est convertie au corps du Christ, et la substance du vin en celle de son précieux sang ; le Christ est ainsi réellement présent sur l’autel en état de mort, son sang n’est pas physiquement répandu, mais sacraincnlellenient répandu, bien que le corps du Christ soit par concomitance sous les espèces du vin et son sang sous celles du pain.

Après l’apparition du protestantisme, qui nia que la messe fût un vrai sacrifice, les théologiens catholiques posent la question un peu autrement, non plus : Utrum in celebralione hujus sacramenti Christus immoletur, mais : Utrum missa sit verum sucri/icium, an solum memoriale pruieriti Crucis sacrifteii.

Saint Thomas pourtant n’ignorait point l’objection principale qui sera faite par les protestants, il la formule en ces termes, loc. cil., a. 1, obj. 2 : Immolatio Christi focta est in crucc, in qua tradidit scmclipsum oblalionem et hostiam Dco in odorem suavitatis, ul dicitur ad Eph., V. Sed in eclebrationr hujiisce mgstcrii Christus non cruci/igitur, ergo net immolai tir. Le saint Docteur répond ad 2 am, qu’il n’y a pas à la messe l’immolation sanglante de la croix, mais avec la pic seine réelle du Christ son immolation figurée, mémo rial de la précédente.

L’objection reparaît en des formes variées chei Luther (liez Calvin, chez Zwtngle. Ce derniei dit : Chrittut semel tantum mætediu ut, <t tanguit srmel